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Le Hobbit 3 : Les cinq armées, c’était pas ma bataille

[tldr : Qui sont vraiment les orques ? Quels sont leurs réseaux ?]

Il y a un film à petit budget qui va sortir dans quelques jours (le 10 décembre exactement). C’est le troisième volet d’une grande fresque sociale et humaniste qui prône l’amitié entre les peuples et offre de beaux sous-entendus homosexuels, je veux bien sûr parler de Le Hobbit 3 : La bataille des Cinq Armées. Pas trop de spoilers à suivre (surtout si vous avez déjà lu le livre).

Résumé des épisodes précédents :

Un hobbit, Bilbo, est engagé par un magicien, Gandalf, pour aider un nain, Thorin à redevenir le roi d’une montagne, Erebor, qui abrite un trésor inestimable surveillée par un dragon, Smaug.

Eh bien, croyez-moi si vous voulez, mais avec ces deux lignes, Peter Jackson, le réalisateur, a réussi à faire trois films de trois heures chacun. Le talent, coco. Le talent (mais aussi beaucoup de ralentis). La conséquence, c’est qu’il ne se passe pas grand-chose dans chaque film. Dans l’épisode 1, ils traversaient une forêt, dans l’épisode 2, ils échappaient à des orques et voici donc l’épisode 3 où ils vont se battre.

Nous avions donc laissé Bilbo, Thorin et ses acolytes en haut de la fameuse montagne juste après avoir chauffé les oreilles de Smaug qui était parti se calmer en allant faire du shopping en ville, à Bourg-du-Lac.

Ça me rappelle (ça n’a rien à voir, mais je vous raconte ça pour le plaisir) quand mon beau-père était en colère après moi : il s’enfermait dans sa voiture et écoutait du Véronique Sanson. Bon, ben, Smaug, c’est la même chose, sauf qu’en plus il crache du feu.

Au bout d’une demi-heure pendant laquelle Smaug crame la moitié de la ville (« On m’avait dit que c’était les 7 jours en or du Printemps et y a pas de promo sur Hugo Boss ? Je suis fort courroucé, je vais tout brûler »), Bard, un type plus malin que les autres, l’achève en lui tirant une herse dans le bide. « Parfait », se dit le spectateur, « mais bon, il reste deux heures de film. Que va-t-il bien pouvoir se passer ? ». Des milliers de trucs.

D’abord, comme dans le livre, Thorin et ses amis vont récupérer le trésor. Parmi toutes les richesses qu’il contient, l’une d’elles intéresse particulièrement Thorin, l’Arkenstone. Mais genre, il est pas-sion-né. S’il avait été au collège avec moi, mes potes se seraient tous bien foutus de sa gueule avec sa passion pour les cailloux, soit dit en passant, parce qu’on est cruel quand on a quatorze ans. Comme y avait pas Thorin, c’est de moi dont on se moquait. Je pleure encore des larmes chaudes et bouillonnantes quand j’y repense.

Bilbo la trouve avant Thorin et la garde. Là-dessus, les habitants du Bourg-du-Lac viennent voir les nains pour réclamer l’aumône afin de réparer leur ville (qui s’est faite détruire par un dragon, restez concentré s’il vous plaît). Bard explique : « Avec la crise du logement à Bourg-du-Lac, les promoteurs nous assassinent : les devis de Bouygues Immobilier et Vinci sont exorbitants, soyez chics, filez-nous un peu de votre or ».

Mais Thorin refuse. S’ensuit un grand nombre d’embrouilles dans laquelle l’Arkenstone jouera un rôle important quand, finalement, les orques menées par leur chef Azog débarquent façon “On n’attend pas Patrick ?”.

(petite entorse à la mythologie de Tolkien, au passage, puisque normalement, dans le livre, c’est Bolg, le chef, fils d’Azog, justement, je dis ça, je dis rien). Donc, les orques débarquent et attaquent les nains, les humains et les elfes (qui étaient là aussi, mais juste pour faire jolis avec leurs oreilles pointues).

Sans surprise, le combat va être long et douloureux (comme ma b…). Car comme le dit Gandalf (ou un autre je ne sais plus) : « Ces orques sont des soldats redoutables, car ils ont été élevés pour combattre ». Eh bien figurez-vous que ces REDOUTABLES GUERRIERS tombent comme des mouches en pleine épidémie d’Ebola : un coup d’épée, ils décèdent ; une flèche, ils passent l’arme à gauche ; une tape de marteau, ils clamsent ; et – plus surprenant encore – ils trépassent également s’ils reçoivent sur la tête une toute petite pierre jetée par Bilbo. Contre toute attente, ce hobbit a une force impressionnante. Mais regardons plutôt cette table de comparaison et rions ensemble :

Comparaison de taille

Bref la bataille dure Longtemps, d’accord, mais comment cela peut-elle s’étendre sur une heure et demie ? Grâce à deux effets totalement stupéfiants.

Le premier, c’est le ralenti. Peter Jackson en colle partout. Un type meurt, paf, ralenti sur l’arme qui frappe, ralenti sur l’homme qui tombe, ralenti sur le méchant qui se félicite, ralenti sur les yeux de la victime, ralenti sur la paupière qui se ferme. Forcément, ça rallonge le film d’une bonne demi-heure.

Le second, ce sont les retrouvailles. Imaginez la scène. Un gigantesque champ de bataille (en fait, exactement le même que celui du Retour du Roi, avec un peu moins de monde peut-être).

Grosse baston

Un gigantesque champ de bataille, donc, avec des elfes, des humains, des nains et un gros paquet d’orques (il faut dire que les orques sont très nombreux, j’ai pas les chiffres, mais on parle de 10 000 selon la police, 100 000 selon la cellule de communication des orques). Oui, ça ne fait que quatre armées, mais il y a une armée surprise (la même que dans le Retour du Roi, d’ailleurs, mais son arrivée est encore plus inattendue). Soudain, un nain retrouve son cousin sur la zone de combat. Le cousin vient de décimer une centaine d’orques REDOUTABLES en se mouchant. Il y en a encore des centaines d’autres autour d’eux. Mais on s’en fout. Les deux nains taillent une bavette :

– Oh ! Cousin Machin ! Ça fait plaisir de te voir, et alors tu deviens quoi ?
– Bah ça va bien ! J’ai repris la forge du pater. Je tape sur du métal et ça me va bien. Je m’en sors pas mal, ça paie bien. Et toi, la famille ?
– Ça pousse, ça pousse. Ma dernière commence à faire ses dents, on ne dort pas trop, c’est pour ça que je suis arrivé à la bourre pour me battre, mais ça va passer.
– Faudrait qu’on s’organise une bouffe un de ces jours.
– Mais carrément ! On en parle après que j’ai tué ces milliers d’orcs en me grattant le doigt de pied ?
– Nickel. La bise à Durdinval.
– Merci, et on n’attend pas la prochaine bataille pour se voir, hein !

Je n’invente rien.

Le combat s’achève enfin après tout un pataquès à peine compréhensible (les orques ont fait une terrible ruse imbittable pour le spectateur, les nains se séparent en deux groupes, mais en fait restent au même endroit, j’ai rien compris).

Une amitié particulière

Et là, c’est le drame : Gubeva zrheg. (Non, je n’ai pas subitement parlé en orque, mais comme c’est un spoiler si vous n’avez pas lu le livre, je l’ai mis en ROT13, n’allez pas plus loin si vous n’êtes pas familier avec l’histoire du Hobbit).

Ralenti sur sa blessure, sa chute au sol, Bilbo qui court vers lui, Bilbo qui lui prend la main, Bilbo qui pleure, Thorin qui ferme les yeux, Bilbo qui regarde le ciel en hurlant : « Naaaaaaaaaan, pas lui ! ».

Retour au campement. Bilbo parle à un elfe, je crois.

– Vous êtes triste Bilbo ?
– Oui. Je suis tellement triste d’avoir perdu mon Thorin.
– Mais qu’est-ce qu’il était pour vous ?
– C’était… C’était mon… *sanglots étouffés* *silence*

Mais vas-y, Bilbo, crache-le morceau : vous étiez amants. Et pendant la longue traversée du Gondor, ça n’a pas sucé que de l’herbe à pipe, si tu vois ce que je veux dire.

Revenant chez lui, le cœur gros comme un camion, Bilbo reprend la même discussion avec Gandalf.

– Ça va aller Bilbo, pas trop triste ?
– Si, un peu quand même. Thorin, c’était… C’était mon…
– C’était votre quoi ?
– C’était… C’était mon…
– Votre quoi ?
– Mon… MON AMI. MON AMI. JUSTE mon ami. Pas mon amant. Arrêtez de me faire cette réputation dans tout le Comté, enfoiré de Gandalf. Je sais que le mec qui vous interprète est gay, mais vous ne me pervertirez pas avec vos pouvoirs d’homosexuels.
– Calmos, Bilbo. Calmos. Je demandais simplement. Si on a plus le droit de parler, je retourne dans ma carriole avec mon bâton magique et mes pétards. Venez me rejoindre, ça va être… explosif.

Explosion

Spring Breakers : la critique s’emballe-t-elle ?

On ne va pas se mentir, les critiques ont mouillé pour Spring Breakers, le nouveau film de Harmony Korine. Les Inrocks ont même consacré leur couverture au phénomène :

Inrocks

Avouons que sur ce film, Les Inrocks se sont dépassés, soutenant le film depuis la Mostra de Venise où il était comparé à du “Terrence Malick sous ecstasy”. Cette première critique du film avait au moins le bon goût de garder une certaine retenue : “[On peut] s’agacer de la façon dont Korine botte en touche, portant un regard à la fois critique et séduisant sur la violence de la gangsta weltanshung. Mais au final, ses twists ironiques, son humour noir, son énergie de série B, sa verve formelle, sans oublier la plastique superbe de ses actrices emportent le morceau”.

Aucune retenue lorsque le même auteur a écrit sa critique lors de la sortie officielle de Sping Breakers comparant cette fois-ci le film à du “Godard boosté au Red Bull” : “Korine filme cette débauche de formes et de couleurs avec une énergie folle, variant ses cadrages, balançant des décharges de montage en cut-up, bombardant les mots Spring Break comme un mantra” avant de conclure, superbe : “Derrière le rêve illusoire du Spring Break, les fractures ethnico-sociales et la violence de l’Amérique rôdent toujours. Korine déchire la carte postale floridienne et déniaise le Spring Break.”

Une autre “plume” des Inrocks officiant sur les ondes du Masque et la plume, vivant mal que le film n’ait pas été retenu par un Jérôme Garcin inspiré, a tenu à en parler lors des conseils à la fin de l’émission ajoutant à cette pandémie d’onanisme intellectuel : “C’est une critiqueuh de l’état terminale de la sociaytay du spayctacle qui va vraymant vayrs sonne apocalypse, mays cette apocalypse, i en fayt une sorteuh de feuh de joâ et c’est hein film totalemant jubilatoâre à la fois fayroce et trés trés drôlay”.

[mejsaudio src=”http://www.artypop.com/wp-content/uploads/2013/03/springbreakers.mp3″]

On aura bien sûr compris que si Les Inrocks ont beaucoup apprécié le film, c’est qu’il leur permettait, sous le vernis “œuvre d’auteur”, de foutre des meufs en bikini sur la couverture, s’assurant de surcroît, grâce à la présence de Vanessa Hudgens et de Selena Gomez, un effet viral évident et une probable augmentation subtile des ventes en kiosque. D’ailleurs, j’ai trouvé la couverture des Inrocks en question sur le site de Selena French Web. Quand je pense ce qu’était ce journal, j’ai mal à ma mémoire.

Je me moque des Inrocks parce que je suis un connard jaloux, mais ce sont loin d’être les seuls à s’être branlés la nouille devant Spring Breakers : Les Cahiers du cinéma, Elle, Télérama et Paris Match ont, semble-t-il, été tout aussi émoustillés par ses jeunes filles en fleur et en bikini pendant 99% du film :

Critique

Pourquoi une telle unanimité ? Parce que c’est pas tous les quatre matins qu’ils vont voir un film qui peut se vendre auprès du public comme “film d’auteur” (parce que c’est Harmony Korine qui l’a réalisé, le GÉNIE qui a pondu en deux semaines le scénario de Kids, qui a filmé l’ovni Gummo et le très radical Julien Donkey Boy, qu’il est sorti avec Chloë Sevingy, qu’il a pris des drogues, qu’il a bu de l’alcool, qu’il a été très malheureux et qu’il adore le cinéma français depuis ses douze ans) où quatre filles passent leur temps à poil et où le nihilisme du scénario est un support à toutes les interprétations fumeuses propre au plaisir du critique de cinéma.

Et concrètement ? Spring Breakers est une belle grosse bouse. C’est une tentative de réhabilitation maladroite et désespérée d’un type paumé qui ne vit que sur cette gloire éphémère qu’ont été les cinq premières années de son travail. Korine refait du Gummo, pour ainsi dire, en moins extrême et surtout avec des stars pour s’affirmer bankable. Un statut soutenu artificiellement par des critiques en mal d’émotions.

Alors, oui, certains se pâment devant le montage “cut-up” comme ils l’appellent eux-mêmes, fascinés par l’idée de montrer quelques plans d’une séquence avant qu’elle n’arrive dans le scénario, idée liée par des bribes de dialogues. Ainsi, l’une des jeunes filles va se faire tirer dessus, on voit trois plans d’elle avec du sang sur le bras, avant même qu’on ne nous ait montré la balle le traverser (son bras). D’autres s’extasient devant les répétitions des dialogues (appelons ça “remplir le vide”) “totalement jubilatoires” pour reprendre le critique du Masque et la plume. Par exemple, ce dialogue répété une quinzaine de fois :

  • On va le faire ?
  • Tu as la trouille ?
  • Je suis sûre que tu as la trouille…
  • Oui, je suis le plus grand trouillard de la planète…
    (dix secondes de pause)
  • On va le faire ?
  • Tu as la trouille ?
  • Je suis sûre que tu as la trouille…
  • Oui, je suis le plus grand trouillard de la planète…
    (dix secondes de pause)
  • On va le faire ?
  • Tu as la trouille ?
  • Je suis sûre que tu as la trouille…
  • Oui, je suis le plus grand trouillard de la planète…
    (dix secondes de pause)
  • On va le faire ?
  • Tu as la trouille ?
  • Je suis sûre que tu as la trouille…
  • Oui, je suis le plus grand trouillard de la planète…
    (dix secondes de pause)

Mais si voir des culs et des seins comble vos appétits cinématographiques, comme cela semble être le cas pour la critique française, alors un seul mot : foncez.

La mer à boire (la tasse)

Aujourd’hui, pour le boulot, je suis allé voir un super film, un chef d’œuvre comme le cinéma ne nous en livre que rarement et qui est de plus avec Daniel Auteuil, dont il faut bien reconnaître que les derniers films n’étaient pas tous à la hauteur. Mais celui-là, ATTENTION, il carbure au sans-plomb 98. Protégez-vous les mirettes, mettez des lunettes de soleil.

Meraboire

(bon peut-être de plus jolies que lui, mais faites gaffe quand même).

Le synopsis du film tient en deux phrases dans le dossier de presse : “Georges, un patron de chantier naval, est lâché par sa banque. Il devra se battre jusqu’au bout pour tenter de sauver l’entreprise qu’il a passé sa vie à construire”.

Ça débute tout doux donc avec Georges Pierret, fabricant des bateaux Pierret, des yachts luxueux, mais comme le budget ne prévoyait pas de véritables yachts luxueux, le réalisateur s’est contenté de filmer de vieux rafiots.
Ainsi, quand un riche footballeur de l’OM débarque pour venir voir son FABULEUX yacht, voici ce que les entreprises Pierret ont construit pour lui :

Bateau

Avec ça, s’il ne fait pas bisquer Anelka, c’est à n’y rien comprendre.

D’ailleurs dans le dossier de presse, le réalisateur insiste sur le fait qu’il voulait mettre en scène un film qui se passe dans le milieu des yachts bling-bling. Une réussite.

Bref, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, d’ailleurs Georges vient de faire rénover l’usine de montage et compte bien en faire de même avec celle de moulage (et là, t’as tous les salariés qui crient comme un seul homme “WHAOUUUUUUUU”) comme il le dit dans une grande soirée de célébration pour fêter une vente d’un bateau, soirée qui se termine d’ailleurs avec son meilleur pote, Claude, le menuisier avec lequel il bosse depuis vingt ans, rond comme un ballon qu’il est obligé de ramener.

Dans cette soirée, le jeune Luis – fraîchement divorcé – rencontre Jessica, une pharmacienne qui a tourné le dos à une carrière derrière les comptoirs pour devenir menuisière (car elle “aime travailler avec ses mains”). Le dialogue est tout bonnement superbe :

Luis : Les mecs à l’atelier, y disent que t’es bonne.
Jessica : Ah bon ?
Luis : Bonne en menuiserie.
Jessica : Viens.

Et ils s’en vont dans la nuit sombre (et sauvage, comme le dit la chanson).

De son côté, George arrive chez la femme de son pote, Claude. Là, sa femme lui annonce que Claude, en ce moment, ça va pas fort.

En fait, on apprendra le lendemain que la société de menuiserie de Claude est en cessation de paiement. Lorsque la liquidation judiciaire arrivera environ vingt minutes plus tard, l’homme ira s’immoler dans l’entrée de la chambre de commerce et de l’industrie locale.

Georges, lui, est rentré chez lui, seul. Il regarde sa piscine, puis son salon. Là, il se souvient de Mathilde, sa femme, morte depuis quelques années, dans une soirée avec des amis. Ô temps suspend ton envol. Il est triste, le Georges. Le lendemain, il a rendez-vous avec la banque. Mais le banquier, Louis (oui, Luis, Louis, même pour les prénoms, les scénaristes n’avaient aucune imagination), est un salopard. Il contraint Georges a se débarrasser de l’atelier de moulage, JUSTEMENT celui qu’il voulait rénover. Tu parles d’une chance.

Georges prend la décision de passer son salaire au smic (car LUI AUSSI fait des sacrifices), appelle le CE, comme dans les vrais, et annonce sa décision qui fait beaucoup de bruit on s’en doute.

Arrive le volet social du film. Luis, bien sûr, est l’un des salariés de l’atelier de moulage, il monte avec Hassan (le chef du CE) des barricades pour se plaindre des indemnités de licenciement proposées par la direction : 2000 euros. Après l’occupation de l’usine et une négociation de haut vol (vécu in extenso par le spectateur), les salariés licenciés obtiennent… 18 000 euros. Mais ils en veulent 50 000. Conclusion, Georges, patron au grand cœur est contraint de faire intervenir les CRS pour désoccuper l’usine. Trop dur.

Luis, lui, va chez sa copine Jessica, et décide de préparer des lasagnes. Mais il fait tomber le plat qui se casse sur le sol de la cuisine. Sans qu’on comprenne vraiment pourquoi (d’ailleurs dans l’ensemble rien  n’explique pourquoi les personnages agissent comme ils le font), mais particulièrement consterné, le spectateur regarde – désemparé et embarrassé – Luis renverser la table et les chaises puis se tirer. Lorsque Jessica arrive chez elle, elle appelle Luis pour lui demander si c’est lui qui a foutu ce bronx. Nouveau dialogue d’une grande richesse. Luis est avec un pote en train de regarder un match de foot.

Luis : Allo ?
Jessica : Luis ?
Luis : Ué ?
Jessica : C’est toi qui a foutu le bazar dans ma cuisine ?
Luis : Ué.
Jessica : …
Luis : Au fait. Je t’aime plus, je te quitte.

Il raccroche.

Là, dans la salle, on s’est tous regardé avec un gros air de d’incompréhension : pourquoi ce film ? pourquoi est-on venu ?

Mais tout cela n’est rien.

Le pire ennemi de Georges, c’est Louhis (non, je déconne, j’ai oublié son nom), le Afflelou de la marine : il fait de la merde pour pas cher et veut s’acheter le prestige de la marque Pierret. On le comprend : qui ne voudrait pas d’un bateau comme ça ?

Bateau

Sauf que Georges, pour rien au monde ne veut vendre à Louhis. Je vous laisse deviner le dénouement que je vais spoiler dans cinq minutes.

Bref. Où j’en étais dans ce ramassis de clichés moisis ?

Ah oui. Donc, Georges fête finalement une nouvelle vente : celle d’un bateau à un millionnaire russe bien évidemment véreux (on va pas s’embarrasser avec des poncifs, hein) qui lui propose d’investir dans sa société et de venir à Moscou pour discuter des arrangements.

Voilà donc notre Georges qui part en Russie et qui rencontre une charmante interprète. Mais comme le millionnaire russe était véreux (je crois que je l’ai déjà dit), sa société est liquidée le jour de l’arrivée de Georges qui finalement passe son week-end avec l’interprète dont il va tomber éperdument amoureux.

Revenu en France, Georges a une super idée : a. il va vendre sa maison, b. il va construire le plus beau bateau du monde, un 70 pieds, c. il va repartir en Russie rejoindre l’interprète et la faire venir en France.

Au salon nautique de Paris, le bateau de Georges est un succès : il a trois commandes fermes ! Il appelle sa nouvelle copine, lui dit avoir un ticket d’avion pour Moscou, et voilà que patatras, tout s’écroule : son ennemi juré a réussi à être actionnaire majoritaire de sa boîte (je vous passe la signature chez le notaire pour la finalisation des actes de vente des parts de la société, vécue elle aussi in extenso).

Georges part sur les berges de la Seine et sans qu’on comprenne vraiment pourquoi déchire son ticket d’avion . Il faut croire que se faire rembourser aurait été trop intelligent.

Fondu au noir.

Georges a quitté l’entreprise : on le comprend parce que d’habitude, il est en costume et là, il est en jean basket avec des sacs en plastique ED L’épicier. Il vit sur son petit bateau. Pris d’un rhume, il se rend à la pharmacie et là, c’est Jessica, l’ébéniste du début, qui le sert : eh oui, la société a déménagé son activité en Bretagne et elle a été contrainte d’abandonner son rêve pour devenir pharmacienne. LA TUILE. On ne sait pas comment elle a vécu sa séparation avec Luis, ça fait bien longtemps qu’on s’en fout, en réalité. Comme de tout le film depuis le début d’ailleurs.

Georges repart sur le port et voit un yacht qu’il a fabriqué à la grande époque. Il demande à monter dedans, le propriétaire en est ravi et, très fier, propose à Georges de faire un petit tour : “c’est la moindre chose que je puisse faire pour le fabricant de ce chef-d’oeuvre”, dit-il. En mer, Georges se laisse aller : “Ce volant, c’est Claude qui l’a fait”. L’homme répond : “Ah ! Vous lui direz bravo pour moi”. Georges : “Il est mort”. L’homme : “Comme quoi on peut être un super ouvrier et un pauvre type !”. Oui, c’est à peu près incompréhensible comme phrase.

Alors, Georges, là, il devient VÉNÈRE. Dire que Claude est un pauvre type, c’est TOO MUCH. Il prend un couteau posé là à côté d’un poisson (?) derrière le poste de pilotage et plante le mec. Et blam, bain de sang. Tout simplement. À ce moment, je me suis dit : “bon, ok, il est en train de rêver”. Mais pas du tout. Méthodiquement, façon Dexter, il jette le corps à l’eau, allume une clope et conduit SON bateau pendant environ 2 minutes et là, contre toute attente (mais avec soulagement) : FIN.

J’étais tellement surpris par ce grandiloquent final inattendu que je me suis précipité sur le dossier de presse de ce grand film social présenté comme une “comédie dramatique” (la partie comédie m’a particulièrement échappé). Et on peut lire que le réalisateur avait une toute autre conception du dernier plan : “[le plan qu’on avait prévu n’a pas pu être tourné, car] il y avait trop de vent et qu’on ne pouvait installer la grue. On a donc improvisé ce qui est devenu le dernier plan du film : Daniel qui fume en conduisant son bateau sur fond de crépuscule”. Mais voilà ! C’est pour ça que c’est bidon : c’est pas le bon dernier plan !

Ma note :

Économise un ciné : Forces spéciales

Aujourd’hui, ami lecteur, ma bienveillance légendaire n’aura qu’un but : te faire économiser 10 euros (ou du temps si tu as une carte illimitée) au cas où l’idée saugrenue d’aller voir Forces spéciales te traverse l’esprit. Et ce serait une véritable erreur.

Forces spéciales, c’est un film de cinéma français avec Diane Kruger, Djimon Hounsou, Benoît Magimel, le clone de Zach Galifianakis sous Lexomil (Denis Ménochet) et Marius. C’est comme ça qu’il est crédité dans le générique et déjà quand on voit ça, on a peur. Mais ce qui fait encore plus peur, c’est l’affiche du film. Attention : ferme les yeux.

Force

En fait, je m’aperçois que tout le film y est résumé : l’intégralité du pitch, le mauvais jeu des acteurs et le kitsch de la réalisation.

Diane Kruger (Elsa dans le film) est une journaliste indépendante qui se bat farouchement contre la présence de militaires français en Afghanistan. Alors qu’elle interviewe une jeune femme du pays qui se bat pour son indépendance, celle-ci se fait prendre par Zaïef, un chef taliban. Diane décide alors de s’organiser un rendez-vous avec Zaïef pour sauver sa cops. Mais, elle s’y prend comme un manche et finalement se fait kidnapper avec son traducteur. Le chauffeur est abattu sur place par manque de budget pour payer son rôle. Les talibans envoient une vidéo de la journaliste au gouvernement français qui décide ni une ni deux d’envoyer une équipe de FORCES SPÉCIALES (d’où le titre) sur place.

Ce scénario – riche – est servi par une mise en scène nerveuse et des acteurs au top de leur forme. Ou plus concrètement, le film est réalisé par un épileptique parkinsonien qui ne fait pas de plan de plus de 5 secondes (autant dire que dans les scènes dans les bureaux de l’Élysée, c’est juste exaspérant) et joué par une ribambelle de comédiens plus mauvais les uns que les autres.

Résumé du film en cheat mode “munition illimitée”

Premier jour – Ils retrouvent Diane Kruger en moins de dix minutes tout en massacrant copieusement des talibans par centaines. Et là, le spectateur se dit que le film va être étonnamment court. Mais – pas de chance – pendant l’opération, ils perdent à la fois la radio, les émetteurs, le téléphone satellite et leurs talkies-walkies. Les voilà contraints de s’exiler dans la montagne pour traverser une frontière à plus de 5000 mètres d’altitude afin de rejoindre je sais plus trop quel autre pays (le Pakistan). Une marche forcée de dix jours rythmée par des panneaux façon changement de round dans un match de boxe de seconde division. Et même pas présentés par une meuf à poil. D’la merde.

Second jour – Ils marchent et attaquent les talibans qui les poursuivent et qui débarquent par groupe de 10 armés jusqu’aux dents et meurent les uns après les autres sous les balles FRANÇAISES. Au bout d’une dizaine de minutes de fête foraine à voir les méchants tomber comme des mouches (on ne compte pas les morts mais ils sont nombreux, de quoi battre un record de pile humaine dans le Guinness), les talibans battent en retraite. L’équipe de FORCES SPÉCIALES continue alors sa mission.

Troisième jour – Ils cherchent un abri (il faut croire que jusque-là, ça n’avait pas eu d’intérêt flagrant). Elsa trouve un village afghan et demande l’hospitalité à ces gens (grâce à l’interprète, mais tout le monde félicite Elsa). Là, bien sûr, CONTRASTE : ces afghans-là, ce sont DES GENTILS. Moment d’émotion quand on leur demande : “Mais où qu’ils sont les enfants ?”. Réponse : “Les talibans les ont pris pour leur laver le cerveau”. On pleure.

Quatrième jour – C’est le départ du village avec des adieux déchirants quand au bout de 100 mètres, l’interprète décide de rester sur place pour combattre auprès des villageois que la milice talibane toujours à la poursuite d’Elsa s’apprête à envahir. Elsa, elle, décide de rester pour l’aider aussi. Alors qu’elle n’a pas d’arme, la gourdasse. Ça n’arrange pas trop le reste des FORCES SPÉCIALES. Mais, beaux joueurs, les militaires venus pour la récupérer décident de les aider. C’est alors la GROSSE BATAILLE dans le village. À nouveau, le nombre de morts dépasse la population du Qatar. Une fois le gros des troupes talibanes décimé, Elias (le sniper d’élite de ces FORCES SPÉCIALES) se sacrifie et consent à rester sur place pour retarder les poursuivants. Les autres FORCES SPÉCIALES partent alors sur le chemin rocailleux vers le Pakistan avec Elsa (l’interprète est mort pendant les combats) tandis qu’Elias se fait courser par une horde de talibans qui continuent de tirer n’importe où. S’ils avaient piloté les avions du 11 septembre, les tours seraient encore debout. On remonte en altitude rejoindre le groupe qui décide de trouver à nouveau un abri pour la nuit parce qu’il neige, que l’un d’eux est blessé et qu’Elsa est fatiguée. Pendant ce temps, Elias est toujours poursuivi par des talibans une centaine de mètres plus bas.

Cinquième jour – Alors qu’une belle journée se lève et que nos amis des FORCES SPÉCIALES viennent de perdre un nouveau membre de l’équipe (le blessé de la veille qui n’a pas survécu), on revient sur Elias… qui est toujours en train de courir avec une cinquantaine de barbus derrière lui. La nuit a dû être longue. Finalement, il meurt. Et crie. Et remeurt.

Du sixième au dixième jour – Interminable épisode où on les voit marcher dans la neige. Exaspéré, le chef de l’équipe des Forces spéciales échaudé par le clone de Galifianakis qui n’arrête pas de gueuler après la journaliste (“Vous, euh, les journalistes, vous dites du mal de nous les militaires, mais c’est nous qu’on vient vous chercher quand vous êtes capturés par les talibans alors, vos mouilles”) finit par lui annoncer une nouvelle qu’on sait depuis le début : sa femme est enceinte. À partir de ce moment-là, on se dit que ses jours sont comptés et on n’a pas tort parce que dès qu’il apprend l’heureux événement, il meurt sous la balle d’un salopard de taliban. Le salaud.

Onzième jour – Ils ne sont plus que trois : la journaliste Elsa, le chef d’équipe et Benoît Magimel (qui est tombé amoureux en chemin d’Elsa). Enfin, ils traversent la frontière ! Mais épuisés et à bout de forces, ils n’arrivent pas à éviter… une chute de pierres. Bilan lourd : le chef d’équipe se retrouve avec une fracture ouverte du tibia. COMME PAR HASARD. Magimel (qui a déjà une balle dans la hanche) ne peut plus avancer. Elsa compte bien rester près d’eux, mais le chef lui explique la situation : “Faut que tu rentres Elsa sinon tout ça n’aura aucun sens”. PARCE QUE ÇA EN AVAIT UN JUSQU’ICI ? se dit le spectateur au fond de son siège désespéré par les séquences grotesques qui s’enchaînent. Elsa pleure, refuse, nie, négocie et finalement accepte. Elle roule une grosse pelle à Magimel (elle est amoureuse) et fait ses adieux façon Magicien d’Oz : “C’est toi l’épouvantail qui me manquera le plus”. Et elle part et marche dans le désert des heures.

Douzième jour – Elsa Kruger continue d’avancer péniblement. Finalement, elle tombe par terre, morte d’épuisement. À ce moment-là, ALORS QU’ELLE EST EN PLEIN DÉSERT (on le sait parce qu’on a vu un plan d’hélicoptère qui tourne autour d’elle – le réalisateur est super friand de ces plans, il en colle dès qu’ils sont en haut d’un rocher ou au milieu d’une route, c’est désagréable au possible), un camion de l’ARMÉE FRANÇAISE arrive. Toujours là où on ne l’attend pas, la grande muette ! Et Elsa est sauvée.

Sauf que bien sûr, arrivée sur le camp, elle demande expressément aux militaires de partir à la recherche de ses deux compères d’infortune. Autant dire chercher une aiguille dans une botte de foin de plusieurs dizaines de kilomètres. Et elle repart en hélico avec l’amiral qui a dirigé toute l’opération depuis le porte-avions Charles de Gaulle. L’hélico tourne, tourne, tourne quand SOUDAIN Elsa crie : “ILS SONT LÀ” en pointant du doigt un bout de caillou où les deux hommes sont toujours vivants.

Le film s’achève sur un carton qui remercie “John, Michel, Alban et Martin ainsi que tous les militaires qui nous protègent à travers la planète” et un second carton qui remercie “également les reporters qui partent au bout du monde pour nous informer”.

Dans le premier épisode de la série Freaks and Geeks, l’un des lycéens est handicapé mental, mais quand on lui dit qu’il est débile, il s’énerve et crie : “JE SUIS PAS DÉBILE, JE SUIS SPÉCIAL”. Ce film, c’est la même chose.

Special

Ma note :

Sego

Océans : Foirage Total

Autant l’avouer, même dans mes rêves les plus fous, je n’ai jamais imaginé avoir aussi peu d’idée pour écrire pour mon blug. Il faut dire qu’en ce moment, j’ai la présence d’esprit d’un pit-bull, alors forcément, ça n’aide pas. Tiens, la semaine dernière, par exemple, j’ai rêvé que j’étais dans le métro qui va vers Villejuif, dans un wagon chargé de toxicos (ce qui est complètement con parce que les toxs vont plutôt à Marcadet Poissonniers ou Max Dormoy) dont certains étaient piqués au cou (genre, des vampires, quoi), et qu’ils n’étaient pas vraiment super open à l’idée que je descende de la voiture. Tu parles que ça aide pour avoir envie d’écrire des trucs.

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Hier, en revanche, je suis allé voir Océans (Ocheunns, comme je l’ai dit à la caissière parce que je suis très malin). Ce chef d’œuvre de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud nous montre pendant une heure et demi de la bouffe à l’écran. J’adore les films d’ambiance avec de jolies images devant le nez, encore faut-il qu’il y ait une trame scénaristique un tout petit peu consistante, d’autant que là, ils s’y sont mis à sept pour l’écrire. Autant le dire de suite : on ne trouve pas l’ombre du début du commencement de la moindre conception d’embryon d’idée dans la succession d’images du film. Ça commence par un reptile qui monte sur un caillou après qu’on a vu des rouleaux de vagues successifs s’écraser sur la côte, une ribambelle de gamins qui court dont un aux cheveux blonds et au teint pâle qui s’arrête face à la mer et la voix off commence : “Mon petit-fils, qui est un peu génial sur les bords, m’a posé cette question géniale elle aussi : ‘papy, mais qu’est-ce que c’est que l’océan ?’ L’océan, l’océan, comment te répondre mon petit, c’est tellement vaste comme question que… non, non… ne dis rien, je… comment dire ?… j’ai mal à ma mer”. Je crois que c’est après que débute le générique, générique qui consiste en une longue liste de sponsors et de participations dont (tiens toi bien) la Fondation Total. Non mais QUOI DE MIEUX pour s’acheter une conscience verte que de participer à un film sur le littoral breton ? Et bien rien. Quand arrivera l’histoire de l’homme dans la narration (comme toujours, ces films disent : la nature, c’est beau, l’homme fait caca dedans, la nature meurt), on aura le droit à une superbe vue satellite des côtes (il se trouve que l’agence spatiale française a filé des images, et il aurait été terriblement triste de ne pas s’en servir quand même) avec les ravages de la pollution : “L’homme, ce salopard fini à la pisse, pourrit les fleuves avec sa pollution, et ce poison coule dans les veines de l’océan” et pas un mot, PAS UN MOT (je gueule parce que ça m’agace fortement), PAS UN MOT, donc, sur les marées noires.

Mais, en revanche, l’ami Jacques nous explique quelques minutes après que lorsque l’océan se démonte et se déchaîne et que l’homme sur ses frêles embarcations doit lutter contre lui, parfois, et c’est triste, mais parfois, le bateau est emporté par une lame de fond, bateau qui heureusement deviendra un squat à poiscailles. C’est qu’on va quand même pas se mettre à dos un si gentil actionnaire.

Ça sent que ça me révolte ? J’ai des combats nobles, pour sûr. Ensuite, Jacques arrive, prend la main de son petit fils, l’emmène dans un genre de musée d’histoire naturelle artificiel où des orques, des épaulards, une baleine, des phoques, et des tas d’autres bestioles sont empaillés. Et là, dans un élan de dénonciation extravaguant, on voit chaque animal et Perrin nous dit : “exterminé, exterminé, lui aussi exterminé, et lui ? exterminé, ça aussi, il faudra que je lui dise [à son petit-fils]” et pouf, un plan du petit fils avec en contre-plongée son papy qui lui tient la main par l’épaule (à la relecture, je pense que je voulais dire “qui lui pose la main sur l’épaule”).

Non, vraiment, c’est très fort comme film. Par la suite, l’ami Perrin nous emmène au pôle sud et nord, pour nous causer deux minutes de fonte des glaces. On voit un ours polaire de loin qui a faim, alors dans la salle on est triste (c’est vrai que la famine, ça ne touche que les animaux), puis il nous raconte qu’on peut vivre en harmonie avec les animaux, qu’il y a même des gens qui “explorent les fonds marins avec respect”, texte agrémenté de plongeurs qui font chier des mérous et qui prennent des notes genre : “oui, c’est bien un mérou”. Et pour finir, on revoit encore des baleines, puis des dauphins qui dansent la farandole, et on termine par le même reptile qu’au début et j’avoue qu’on ne comprend pas bien pourquoi mais Jacques, lui, il s’en fout, il a une mission.

Et, tiens, j’avais oublié, ça, mais il faut en parler : les bruitages (je ne parlerai pas de la musique atroce de Bruno Coulais – que le diable te maudisse). Qui a déjà foutu la tête sous l’eau sait parfaitement que quand un poisson passe à côté de toi, le poisson fait “fischhhhhhhhhhhhhh”, s’il recrache de l’eau par ses branchies ça fait “bloup bloup”, si un crabe marche sur le sable à quinze mètres de profondeur ça fait “krsch krsch krsch krsch” et si une araignée de mer rampe sur une autre araignée de mer ça fait “tchik tchik tchik tchik tchik”. Merveilleux.

À minuit trente, avec toutes ces belles images dans ma tête, j’étais ému aux larmes, je rentre dans le wagon de la ligne 4 qui part vers Tombouctou (Montparnasse, quoi), et j’ai dû descendre à Saint-Placide car un type alpaguait un mec à côté de moi promettant “qu’il allait le suivre quand il sortirait du métro et qu’il allait lui casser la gueule”. Comme je ne suis ni courageux et encore moins téméraire et que le type se tournait vers moi et m’interpellait : “mon frère, toi, t’es sympa, tu m’réponds, pas comm’l’aut’enculé d’sa race, je vais lui marave sa tête de connard”, j’ai jugé plus malin de remonter la rue de rennes plutôt que de risquer quoi que ce soit. Ou alors était-ce un rêve ?

L’Atalante (Paris Cinéma)

De temps à autre, on a un peu de chance dans la vie et c’est plutôt cool. Ainsi, j’ai reçu un passe pour le festival Paris Cinéma sous le titre de “blogueur” (la responsable m’a expliqué que c’était parce que j’étais dans la liste des liens de Sskizo, donc merci Nora).

Bon, c’est pas que je veuille faire des posts sponsorisés, mais du coup, j’ai quand même un peu envie d’en parler. Notamment aujourd’hui car je me suis rendu à la projection de L’Atalante de Jean Vigo. Ce film, ça fait un peu quinze ans que je veux le voir, mais le problème, c’est que je ne voulais pas le voir à la télé mais au cinéma et j’avais été découragé par la version DVD en plus, comme je vais te l’expliquer si tu as le courage de me lire.

Car, à toute projection de L’Atalante, une question reste en suspens : quelle version va-t-on voir ? Parce que L’Atalante, c’est un peu notre Metropolis français, personne ne sait vraiment à quoi il ressemble. Le film est tourné en 1934, Jean Vigo a alors 29 ans, tombe malade et ne peut plus bouger de son lit. Le monteur, Louis Chavance, lui présente un montage final qu’il approuve presque totalement. L’œuvre arrive ensuite chez Gaumont (qui finance), mais la société de production réclame des coupes et des modifications pour en faire un film plus commercial (par exemple, on remplace la musique originale par une chanson à succès de l’époque : Le Chaland qui Passe). Le producteur du film, Jacques-Louis Nounez, est contraint d’accepter, Vigo ne peut plus rien dire, mais n’est pas content (et surtout meurt). L’Atalante remonté par Chavance sous les ordres de Gaumont est présenté dans un cinéma, Le Colisée sur les Champs-Élysées, sous le même titre que la chanson : Le Chaland qui passe.

Trois semaines plus tard, l’exploitation du film s’arrête. De nouvelles versions sont reprises, puis Henri Langlois, l’initiateur de la Cinémathèque française tente une restauration en 1950 à partir du second montage.

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Bref, c’est le bouillon et le film semble totalement perdu. En 1989, Gaumont lance une grande opération pour restaurer L’Atalante (pour la bonne raison qu’elle va en perdre les droits) et commissionne Pierre Philippe (auteur, critique et spécialiste du film ancien) et le jeune Jean-Louis Bompoint (réalisateur et cinéaste) pour s’y coller. Luce Vigo, fille du réalisateur, est aussi de la partie. L’année suivante, Bompoint trouve un tirage du premier montage de 1934 au British Film Institute. Armés des huit bobines de la BFI, des montages précédents de Gaumont et des notes de travail ainsi que de nombreux interviews des “survivants” de l’équipe, les deux hommes achèvent la restauration et le film est montré à Cannes la même année.

Mais cette restauration (dont on notera que le générique “refait” parce qu’inexistant est signé Michel Gondry) ne plaît pas à tout le monde. Elle fait des grincheux. Cependant il est difficile de démêler le faux du vrai entre les deux parties. Bompoint juge qu’il s’agit d’une bande de frustrés de ne pas avoir participer à la restauration. À la lecture de ses articles, nombreux et documentés, on aurait tendance à le croire. De l’autre côté, les détracteurs reprochent un excès de zèle aux deux restaurateurs et principalement d’avoir rajouté des plans à la version “quasi-parfaite” de 1934 trouvée au BFI uniquement “pour en montrer le plus possible”. L’un des plans critiqués est celui (incompréhensible) de Jean qui lèche un bloc de glace (Bompoint explique qu’il ne voulait pas le mettre mais que Philippe a eu le dernier mot).

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En 2000, une nouvelle restauration est mise en branle sous la houlette de Bernard Eisenschitz (critique et historien du cinéma) auquel la Gaumont remet les ciseaux. Ce dernier, soutenu par une caste de l’intelligentsia du moment qui n’a de cesse d’analyser le moindre détail de chaque plan du film en cherchant à la moindre chiure de mouche à l’écran une explication littéraire et / ou antique, décide de revenir à la version de 1934 du BFI mais en laissant quelques plans et parti-pris de la version de 1990 (principalement pour justifier à nouveaux que la Gaumont conserve les droits pour la future édition DVD). Parmi cette caste, il y a Bernard-Henri Levy ce qui suffit à mon sens à jeter le discrédit sur tout le travail effectué.

Cette dernière version est ainsi celle du DVD et l’unique disponible au cinéphile. On peut d’ailleurs voir les modifications commentées par le restaurateur de 1990 ici.

Bon, et alors, c’était quelle version à Paris Festival ? C’était la version de 1990 ! Et j’étais super content parce que c’est celle que je voulais voir tant j’avais été convaincu à l’époque où je pensais acheter le DVD du bien-fondé de la démarche de Bompoint à la lecture de son site.

48 heures par jour : Relativité Restreinte

Dans un contexte délicat entre le gouvernement et l’éducation nationale, il faut féliciter la pugnacité de certains créateurs qui n’hésitent pas à remettre cent fois sur le métier leur ouvrage. Ainsi la réalisatrice et scénariste Catherine Castel s’est associée avec Serge Adam pour l’écriture d’un film étonnant : 48 heures par jour.

En partenariat avec le Palais de la découverte, 48 heures par jour est une voyage fascinant dans le monde de la physique et celui de la théorie de la relativité par le prisme d’une vie de couple. Le titre est une allusion à peine voilée au repli du temps lorsqu’on se déplace à la vitesse de la lumière.

Bruno Tellier (Antoine de Caunes) est un physicien émérite qui rêve de participer à une mission vers Mars (hommage à Brian de Palma). Mais sa femme, Marianne (Aure Atika) ne l’entend pas de cette oreille. Hors de question de garder les gamins pendant cinq ans, durée prévue du voyage. Elle ne laissera partir Bruno que le jour où l’on pourra voyager à la vitesse de la lumière.

Bruno tente de lui expliquer que ça ne changera rien, parce que même si le voyage ne dure que quelques heures pour lui, sur la terre, des années se seront écoulées.

Mission to Mars

Intervient alors Einstein qui rappelle – au cours d’une séquence hilarante – sa théorie de la relativité restreinte qu’il conclut brillamment et dans un langage accessible à tous par la loi de conservation de la masse.

Einstein au téléphone

Juste avant son départ, Bruno prend une photo de sa femme pour se faire un joli souvenir.

Clic Clac Kodak

Mais le bus qui le conduit vers Kourou où l’attend la navette spatiale traverse malencontreusement un passage à niveau au moment où un train passe et qu’une vache broute. Bruno meurt dans les minutes qui suivent le drame.

Un Conte de Noël : Noël de cons, Cannes au balcon

Le Festival de Cannes a débuté mercredi et aujourd’hui, c’est la présentation du dernier film d’Arnaud Desplechin, Un Conte de Noël qui nous narre l’histoire déchirante d’un jeune enfant en 6ème qui ne sait pas compter au delà de un, jusqu’au soir de Noël où – subitement – il compte jusqu’à deux et sa grand-mère (magistrale Catherine Deneuve) en est toute ébaudie et se ressert un verre de cognac (en fait de l’Ice Tea à la Mangue).

Un Compte Deux

Sur toutes les jaquettes des vidéos des films de Walt Disney, on pouvait lire : “Le Grand Chef d’Œuvre de Walt Disney”, “L’Ultime Chef d’Œuvre de Walt Disney”, “Le Vrai Chef d’Œuvre de Walt Disney” ou “Le Plus Beau Film de Walt Disney”. Et bien, avec Desplechin, c’est un peu la même chose : chaque nouveau film est son plus beau.

Par exemple, ce Conte de Noël, c’est pour Les Inrocks “magistral” et pour Télérama “le plus ample et le plus accompli”. Rois et Reine, le précédent, c’était “une plénitude”, Esther Kahn “un superbe quatrième film” et montrait un “goût du cinéaste pour le spectacle hollywoodien”.

À tomber à la renverse
Exemple de goût pour le spectacle hollywoodien

Desplechin, c’est un peu notre Walt Disney français.

Les films de ce grand réalisateur (1 mètre 83) sont assujettis à plusieurs constantes immuables.

Il y a d’abord la durée (non, rien à voir avec les macarons). Arnaud ne sait pas faire dans le concis. Même ses court-métrages sont longs (54 mn pour La Vie des morts). La Sentinelle, son premier chef d’œuvre : 2h20 ; Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle) : 2h58 ; Esther Kahn : 2h22 ; Rois et Reine : 2h30 ; Un conte de Noël : 2h30.

Ensuite, le nom des personnages. Ici, pas de François ou de Vincent. Bien trop commun. On s’appelle tous avec des noms bibliques, mythologiques ou à connotations littéraires : Abel, Junon, Ismaël, Esther sont systématiquement employés.

Dans un film de Desplechin, il y a toujours Mathieu Amalric avec sa tête toute fripée qui lui donne l’air d’être sorti d’une machine à laver le linge dont la fonction essorage serait foutue. Il interprète un adulte mais qui renâcle à agir comme tel.

Le Peignoir

Et puis, un film de Desplechin ne serait pas tout à fait complet sans quelque part Emmanuelle Devos avec sa machoire inférieure en avant ce qui lui donne un côté reptilien palpitant.

Lorsque Comment je me suis disputé… était présenté à Cannes en 1996, elle avait répondu à un intervieweur de Nulle Part Ailleurs qui lui demandait de résumer le film : “s’il dure trois heures, c’est justement parce qu’on ne peut pas le raconter en moins de temps”.

Mais revenons à Un Conte de Noël. Jean-Marc Lalane (qu’il soit maudit) explique dans son papier sur Cannes que ce film va certainement intéresser Sean Penn puisque c’est le même chef-opérateur que celui de Into the Wild qu’il a réalisé. Et que c’est le moment idéal pour récompenser Nono qui, s’il a participé déjà trois fois en compétition officielle, n’a jamais rien remporté, ajoute-t-il.

Le soir de Noël

Mais que je te rassure : à la fin du Conte de Noël, y’a une grande farandole devant Simon qui compte les dix premiers grâce à ses doigts et quand il a plus de doigts, il devient fou. Alors, Catherine Deneuve se retourne vers la caméra et dit d’une voix monocorde (et c’est tout simplement génial et jamais vu) : “Je suis une femme d’amour. Perdre un enfant m’a fait souffrir, mais la joie de revoir dans les yeux de ma famille l’aphasie de leur amour réchauffe à mon coeur le bonheur de ma tendresse. Même Henri, que j’ai banni, et qui a été un adolescent dans un corps d’adulte toute sa vie, je le pardonne. Je pardonne à tous. Je pardonne tous et tout. Mais surtout… je me pardonne”.

Les Chansons (chiantes) d’amour

Le film de Christophe Honoré, Les Chansons d’amour, est encensé sur la majorité des sites que je lis, mis à part celui de Variety. Ce dernier conclut son article avec une phrase tout à fait juste : “Le film fera un beau succès local”. La presse française ne donne pas tort au journal américain. Les Inrocks n’en peut plus (“Beau à pleurer”), Télérama admire, Libération se pavane, même Le Canard enchaîné apprécie. Et pourtant, à bien des égards, Les Chansons d’amour est un film d’une tradition française qui mériterait plus que jamais de se tarir. Oui, je l’écris haut et fort : qu’on en finisse avec cet héritage mal digéré de lanouvellevague (en un mot). Rien n’est plus agaçant de voir que les journaux ne cessent de ressasser cette vieille notion pour encenser ce film parfaitement anecdotique et qui ne dépassera pas les frontières du périph, ou à peu près.

Commençons par le générique. Des lettres massives du nom de famille de chaque participant qui s’enchaînent les unes après les autres, des acteurs aux décorateurs, en passant par les producteurs sans que soit précisée la fonction de chacun. Le cinéma est une œuvre collective nous dit Honoré. En grosses lettres encore, on lit “PREMIÈRE PARTIE”, on en conclut donc qu’il y en aura d’autres. Finalement, il y en a trois (judicieusement titrées “DEUXIÈME PARTIE” et “TROISIÈME PARTIE”).

Les Chansons chiantes

Commence alors l’histoire de ce triolet sexuel entre Ismaël, Julie et Alice. J’adore déjà que le mec s’appelle Ismaël. Non, sérieusement, je ne connais pas une personne qui s’appelle comme ça “dans la vraie vie”, pour reprendre la saillie sur les endives braisées, mis à part dans les films de Desplechin. On peut y voir une connotation biblique ou bien le début de Moby Dick. De toute façon, on s’en fout, l’intérêt d’appeler son personnage principal comme ça, c’est qu’on sache bien qu’on est dans un film intelligent où les références littéraires et cinématographiques vont bon train.

Alors, ce trio, c’est pas la joie, mais ça baisouille, ça lit des livres (Éditions de l’Olivier s’il vous plaît), et puis on fait de longs plans sur les couvertures pour qu’on comprenne bien que c’est pas des bouquins avec des images (oui, j’ai lu que c’était un hommage à Baisers volés, franchement qu’est-ce que ça peut nous foutre ?). Et évidemment, ça fume des clopes et ça boit du café (je vous mets au défi de trouver un film français où personne ne fume ou ne boit du café).

Un peu plus tard, Julie et Ismaël vont voir la famille de Julie. Tiens donc, chez eux, ça lit Phèdre, ça traduit des pages de grec et de latin, ça boit des cafés et ça fume dans la cuisine. Moment idéal pour la mère de Julie de lui demander comment va sa relation avec Ismaël. Julie, très décomplexée, raconte sa vie à trois. Sa mère semble être intriguée et horrifiée. Ils partent et le soir même, Julie, Alice et Ismaël vont dans une boîte de nuit, et la Julie s’effondre en sortant. Les policiers arrivent, jouent les superhéros. Ça foire. Elle meurt.

Alors Ismaël va trouver le réconfort dans les bras d’un petit mignon, Erwan. Oui parce qu’il semblerait qu’il faut aimer, mais pas trop et qu’il faut savoir aimer le fruit sans la chair ou le noyau sans le fruit, y a une chanson qui explique tout ça, mais j’ai pas tout suivi.

Moment génial, typique du film français qui a besoin de justifier une grande filiation dans la tradition de l’intellectualisme, Erwan sort de chez lui et fait la bise à un copain du lycée. Les deux sont en Terminale. Le copain: “T’as passé une bonne soirée ?”. Erwan s’étant branlé devant Ismaël répond, un sourire jusque là, “Oui, et toi?”. Et l’autre répond avec un naturel bien évident : “Moi, j’ai fini de lire Aragon” et paf, deux minutes de citation de l’auteur des Yeux d’Elsa. Rhalala, mais ouais Nono, on sait que t’en as lu des bouquins et des difficiles où qu’il faut pas s’endormir toutes les trois lignes.

Belle incrustation

Ah oui, et il y a ce plan, magnifique, avec la tête de Julie qui s’incruste tandis qu’Ismaël est devant sa tombe. Oui, je sais, c’est très certainement un vague hommage à Jacques Demy (je n’ai jamais vu le moindre film de Jacques Demy, je ne supporte pas la musique de Michel Legrand) ou je ne sais qui de lanouvellevague, mais franchement, on pouvait trouver mieux comme hommage, hein. Parce que là, on est plutôt dans le roman-photo italien que dans la grande tradition du cinémâââââ françâââââis. En gros, le problème des Chansons d’amour, c’est qu’il nous fait un film qui aurait été impeccable en 1970. Lanouvellevague, c’est fini, faut la digérer et faut passer à autre chose. J’ai de la citrate de bétaïne dans mon placard à pharmacie.

Et il faudrait revenir sur ce plan final avec son arrière-goût d’Un Monde sans pitié, surtout que le film d’Honoré risque de devenir aussi vite daté que ce dernier. Enfin, bref, vous l’aurez compris, j’ai à peu près détesté ce film pédant, aux discours interminables, aux discussions ennuyeuses à mourir. D’ailleurs, je pense que tous les auteurs qui se revendiquent de lanouvellevague (j’ai même lu que Les Chansons d’amour était dans la continuité de la post-nouvelle vague… qu’est-ce qu’il ne faut pas lire…), faudrait les enfermer dans des scaphandres et les laisser s’étouffer dans le vomi de leur diarrhée verbale.

Un point quand même à sauver du film : les acteurs chantent eux-mêmes et je pensais vraiment que ce serait une catastrophe, et pas du tout, la bonne surprise du film (surtout que j’avais lu que Christophe Honoré voulait demander à Vincent Delerm de jouer dans son film, nous l’avons échappé belle).

Un truc qui m’a fait mourir de rire dans la salle où j’étais : trois gamines de quatorze ans genre versaillaises en goguette étaient là pour voir le “beau Louis Garrel” (je cite), et l’une a hurlée à la mort se cachant les yeux dès que les garçons s’embrassaient. Si ça a choqué cette petite conne, voilà au moins quelque chose de bénéfique.

Rois et Reine

J’avais écrit ça sur un forum de cinéma après avoir vu le film Rois et Reine de Desplechin pour faire chier les intervenants. Ça n’a pas marché. Mais lire chez Ze F. : “Il est de bon ton de gerber sur Desplechins. En attendant, un film français comme ça, on l’attendait depuis longtemps…” m’a donné envie d’en faire profiter la terre entière des lecteurs de ce blorgue. C’est un peu méchant, franchement gratuit, pas vraiment argumenté, mais ça m’avait bien défoulé. N’étant pas super fan de l’œuvre du monsieur et un littéraire raté, j’ai fait des bourdes (j’attribue les noms des personnages à des références bibliques, alors qu’il s’agit pour certaines de références à Moby Dick), mais je laisse le texte comme ça parce qu’il me fait plus rigoler avec les erreurs, alors, hein. On est chez moi, ici, et on essuie ses pieds sur le paillasson d’octets à l’entrée. Ah, et je vomissais déjà sur Desplechin — juste pour préciser.

Attention Spoiler ! Je dévoile (si l’on peut dire) le contenu du film.

Rois et Reine
Non content de nous abreuver de sa suffisance dans une mise en scène calamiteuse, les premières minutes du film posent une question : quel est le propos de Rois et Reine ? À première vue, aucun, si ce n’est de vouloir absolument emmerder les spectateurs.

Les deux histoires qu’aborde ce film partent d’un point zéro pour sombrer dans le néant le plus total, et le tout avec des poncifs et des astuces scénaristiques à faire peur à un dromadaire en rut. Jugez-en plutôt.

Nous avons, d’une part, Nora (mal) interprétée par Emmanuelle Devos. Femme forte, elle a eu un enfant (Elias, interprété par : “le petit Valentin Lelong” tel qu’écrit dans le générique) avec un homme merveilleux, mais excentrique, qui est mort avant la naissance de l’enfant. Son credo, à elle, c’est de parler comme dans une pub pour la lessive ou pour les couches-culottes avec des cuts très nombreux sans changement de point de vue, ce qui nous donne sensiblement des textes du genre : “La toute dernière innovation de Pampers”. “Bon, c’est les fronces protectrices”. “On connaissait déjà ça, chez Pampers”. “Mais la vraie innovation, c’est que la double épaisseur devienne triple épaisseur”. “Merveilleux, et surtout très pratique avec son voile mentholé”.

Elle raconte ça à la caméra (première séance chez un psy ? On ne saura jamais), le déclamant d’une façon intelligemment fausse. Elle s’est mariée dix ans plus tard avec un homme qu’elle n’aime pas, mais qui ne l’aime pas non plus et qui doit juste aimer se faire pomper le fric.

De l’autre côté, nous avons Ismaël (appréciez au passage, avec la finesse Desplechienne, la présence quasi ininterrompue de prénom biblique ou judaïque sans que ceci ait un quelconque intérêt), un alto talentueux, très doué, mais quelque peu autiste (pour preuve : il mange au McDo, il écoute du hip-hop, danse et porte des baskets bleus — signes flagrants s’il en est). Il est enfermé “par erreur” dans un hôpital psychiatrique (en fait, c’est une malversation d’un de ses camarades, ce que nous révélera une longue enquête laborieuse à laquelle Columbo n’aurait même pas voulu voir son nom associé). Au long de son séjour dans l’hôpital psychiatrique, nous comprendrons qu’Ismaël, à presque quarante ans, continue de se comporter comme un gamin. Pour preuve : il mange au McDo, il écoute du hip-hop, danse et porte des baskets bleus (ah bon ? j’ai déjà écrit ça ?). De plus, il tombe amoureux d’une jeune fille de vingt ans sa cadette, qu’il rejettera avant de revenir vers elle dans un final d’une originalité à faire pousser des ailes à un mammouth.

Le lien entre les deux histoires n’arrive qu’au bout d’une bonne heure et demie de film, bien que n’importe quel spectateur qui a déjà vu un ou deux films de ces auteurs (Desplechin et la clique de la Femis) aura découvert le pot aux roses au bout d’une quinzaine de minutes : Ismaël est le second mari de Nora et a élevé pendant sept ans Elias avec Nora avant qu’elle ne le quitte, car il était trop gamin. Nora, elle, est dure et certaine d’elle, mais sombre sensiblement dans une hystérie calculée.

Tout le propos du film tourne autour d’une question : Ismaël acceptera-t-il d’adopter Elias ? (2 h 30 pour savoir qu’il n’acceptera pas). Le reste n’est que du remplissage poussif dont une histoire catastrophique entre Nora et son père mourant atteint d’un cancer incurable qu’elle décide de débrancher “pour ne pas le faire souffrir”. Au cours de cette monstrueuse séquence, le père laissera à sa fille une déclaration calamiteuse l’informant de sa haine la plus totale et de son désir de la voir mourir plutôt que lui. Cette lettre, qu’elle cachera sur son ventre, laissera une marque de brûlure (bonjour la symbolique) avant qu’elle ne décide de l’enflammer dans le garage de sa maison. Une autre histoire qui sort d’on ne sait où nous présente les parents d’Ismaël qui ont tous les deux un cœur gros comme ça, et qui veulent adopter la terre entière. L’aboutissement de cette séquence n’a qu’un intérêt fortement limité dans la conception scénaristique de l’affaire, si tant est qu’il y en ait une.

Et puis, pour finir de nous achever, Desplechin clôture son film par un épilogue capricieux où Elias et Ismaël ont une conversation passionnante sur les responsabilités de l’adulte et sur le fait qu’un enfant n’est pas un adulte, excusez-moi, j’ai du mal à ne pas bâiller rien qu’à l’évocation de cette séquence. Montée dans un style “cut-up”, la scène est d’une longueur à faire passer le Marathon olympique pour un cent mètres. Et Emmanuelle Devos, la “Reine”, finit de nous achever avec un petit monologue bien senti, alors qu’Elias et Ismaël s’approchent d’elle : “J’ai aimé quatre hommes [Ismaël, Elias, son premier mari, son père], j’en ai tué deux [son premier mari et son père], les deux autres courent vers moi”. S’ensuit un générique douloureux dans un quasi-silence, où Desplechin nous rappelle une ultime fois qu’il est un grand littéraire et qu’il a lu plein de livres en citant in extenso la liste des ouvrages dont il fait citer des extraits par les acteurs tout le long du film.