Aller directement au contenu

Mois : août 2011

La Stratégie de l’évitement

Je suis atteint par un mal incroyable, c’est une vraie détresse en soi, j’ai aucune idée pour écrire sur ce blog (et en vrai, j’en avais déjà pas beaucoup avant).

Je réfléchis à des trucs, j’ai envie de faire plein de choses et puis paf, quand arrive le moment, c’est le vide, l’absolu, je pense plus à rien, toutes les idées s’envolent, et le poids de la fainéantise s’abat sur mes épaules comme la patte d’un chat sur une souris encore agonisante. Alors, j’ai qu’une envie c’est de dormir.

Je n’ai pas compris ce qui m’affectait alors j’ai cherché sur Doctissimo. J’en suis revenu avec un cancer de l’hypothalamus. J’ai passé un scanner, mais non. Pas ça. J’ai pensé à l’aboulie. Et non, non plus. Finalement, c’est plus dramatique encore (si, si). C’est ce qu’on appelle la « stratégie de l’évitement » : quand je dois faire quelque chose que je n’ai pas super envie de faire, c’est irrémédiable mes paupières se ferment toutes seules. Et ce n’est même pas la peine de lutter, le sommeil m’attire indubitablement.

Par exemple, chaque jeudi, je dois préparer la conférence de rédac du lendemain sur des sujets aussi captivants que « la clé de douze, sa vie, son œuvre », « le système métrique, cet inconnu » ou bien encore « les clous, oui, mais pourquoi ? ». En vrai, je travaille dans un magazine généraliste, mais comme je suis arrivé avec la caution « le mec technique », j’écope de tous les sujets sur le domaine, domaine qui s’élargit assez facilement à « tous les sujets qui n’intéressent pas » : du nucléaire à la maladie d’Alzheimer.

Eh bien quand arrive le moment de préparer la conf, j’ai les yeux qui tirent vers le bas avec l’irrémédiable envie de poser ma tête sur le revêtement froid et glacé du bureau. C’est bien le seul moment où la perspective d’écrire sur ce bloug me semble moins exténuante que d’habitude. C’est d’ailleurs pour ça que je viens de le faire.

Mais cette stratégie, je l’utilise pour tout le reste. Un programme qui m’intéresse pas à la télé, paf, je m’endors, poser une RTT pour passer à la banque, zou, une sieste pour attendre qu’elle ferme…

Le vendredi, après la conf évoquée au-dessus, en général, on prépare le bouclage du journal. Chaque semaine, on a ce qu’on appelle la Polémique de la semaine. En gros, on prend un sujet en vogue à quatre heures du bouclage et on doit trouver une question et deux intervenants, un qui dit « oui », l’autre qui dit « non ».

Quatre heures, c’est court. Très court. Et souvent, ça tombe sur ma gueule. Mais pire, il y a un catch-22 dans l’affaire. C’est que – outre un délai restreint – le sujet n’appelle que rarement un véritable opposé.

Si c’était « Mangez-vous des salsifis en toutes saisons ? », on pourrait assez facilement trouver un type qui dirait : « Ah oui, moi, je m’en bâfre toute l’année » et un autre qui raconterait : « Beurk, c’est trop crade ». Mais non, bien sûr. Nos sujets, c’est plutôt le genre : « Le radis est-il un légume ? ». Alors, on trouve un jardinier qui nous dit : « Bah… Euh… Oui ». Et là, vas-y, rame pour trouver un type qui te soutient mordicus que « non, le radis n’est pas un légume, c’est de la VIANDE ».

En général, on trouve un pauv’gars qui dit : « bah, euh, je sais pas ». Et là, paf, nous, on titre : « Le radis est-il un légume ? Machin dit : ‘NON, je crois pas' ».

Et à chaque fois que j’ai à m’occuper de cette page, je vis les mêmes phases que pour un deuil :
1. le déni : « Non, mais y a pas de sujet, là, c’est n’importe quoi »
2. la colère : « Bon, je le fais, mais c’est VRAIMENT N’IMPORTE QUOI »
3. le marchandage : « quelqu’un a le numéro d’un jardinier dans son calepin ? »
4. la dépression – qui est en fait chez moi une grosse fatigue et une forte envie de dormir déjà évoquée ci-dessus –
5. l’acceptation, j’écris l’article.

Donc, voilà, en somme, quand je déprime, je fatigue et c’est une stratégie d’évitement qui fonctionne assez mal, puisque je fais quand même ce que je veux éviter.

(oui, je sais plus vraiment où je voulais en venir, j’espère que ça se remarque pas trop).