Mesdames, messieurs. Bienvenue à la gare de Lyon, la gare SNCF opérée par SNCF Gares et Connexions et Île-de-France mobilité pour tous vos transports interurbains. Nous sommes heureux de vous accueillir de 7h à 22h. Vous pouvez vous restaurer dans un de nos nombreux restaurants opérés par Gare et Connexions « Bon Appétit », la nouvelle entité gérée conjointement par le service historique « Plateaux repas » de SNCF Gares et Connexions et la filiale « Rail Snack » d’Eurest.
Pour une pause détente, pourquoi ne pas vous rendre dans l’espace « Chill and Fix », un service entièrement dédié à la relaxation de notre prestataire privilégié Urban Yoga ?
Vous pourrez pendant ce temps échanger votre billet ou en acheter un nouveau sur notre site sncf-connect, développé par SNCF Digital et opéré par SNCF Web et Digital (qui, contrairement à ce que le nom pourrait faire croire, ne partage aucun capital avec SNCF Digital, les deux entités étant strictement séparées, même si des prestataires peuvent être amenés à travailler pour l’une ou l’autre des sociétés). Si vous possédez une carte de réduction vendue par SNCF Cardéodis, merci de vous rendre sur les machines dédiées. Elles sont facilement identifiables grâce à leur fanion jaune et vert.
La voie de votre train sera annoncée vingt minutes avant son départ grâce au système de sonorisation « Sons en Gare », un service administré par SNCF L’Audio, une filiale à participation mixte entre SNCF Services Audio et Deviallet. Les voix artificielles sont le fruit de notre nouvelle entité, SNCF Artificial Sound.
Votre train sera mis en place par SNCF Garage en gare, opéré par SNCF Trains et Conducteurs, sous licence SNCF Conducteurs de Grandes Gares. Attention, seuls les trains TGV Inoui peuvent être mis en place par SNCF Garage en gare. Pour tous les trains Intercités ou régionaux, la mise en place est gérée directement par les opérateurs, comme Région Île-de-France mobilité ou SNCF Région Île-de-France. Notez que les titres de transport dépendent du transporteur. Les places à bord de ces trains ne sont pas garanties.
Une fois dans le train, vous serez accueilli par Thomas, le chef de bord, salarié de SNCF Chef de bord, et contrôlé par Marc et Béatrice, salarié de SNCF Contrôleurs. Le ménage sera effectué par Gaby, de la société Altinet. Votre barista, Michel, opère le wagon-bar pour SNCF Restauration, qui n’a pas de lien avec Gare et Connexions « Bon Appétit » (cette société ne gère que les services de restaurations en gare). Votre conducteur André vous accompagnera jusqu’à Lyon. André, bien sûr, salarié de SNCF Conducteurs TGV, détenue à part égale par Réseau ferré de France, Réseau de signalisation de France, Ballast Inc., et SNCF.
Nous vous remercions d’avoir voyagé sur nos lignes, et voici une aspirine pour vous remettre. Bonne journée avec nos millions de sociétés.
Car ma vie c’est un manège, Et mon Dieu que ce manège tourne bien.
Nicoletta
L’algorithme de Netflix, toujours prompt à me jouer des tours, m’a proposé de regarder « Le Jouet » de France Veber, film de 1976. Je l’avais vu tantôt, et plutôt tôt que tant, donc je me souvenais de Pierre Richard qui est « acheté » comme jouet par le fils du patron de sa boîte, multimilliardaire. J’avais oublié (occulté ?) que le patron en question détenait un journal, France Hebdo, et que Pierre Richard incarnait un journaliste fraîchement engagé, Francois Perrin. Le film débute ainsi par Pierre Richard qui se fait engager après une période de chômage de « 17 mois et six jours ».
Quinze minutes après le début du film, Rambal-Cochet, le multimilliardaire, renvoie Gérard Jugnot, autre journaliste, sous le prétexte qu’il a « les mains moites ». S’ensuit une scène devant le Panthéon où Jugnot plaide sa cause et devant l’inaction de ses collègues part courroucé en affirmant : « Dans n’importe quelle autre entreprise, on aurait fait une grève ». Perrin s’interroge : « On pourrait faire quelque chose peut-être ? » avant que le photographe du journal n’assène cette phrase : « Pour te retrouver au chômage ? Tu sais que ça ne va pas bien dans la presse en ce moment ? Non, tu as intérêt à te faire tout petit, mon pote, crois-moi ».
Ça ne va pas bien dans la presse en ce moment ; le secteur de la presse est en crise ; ça va mal dans la presse ; c’est dur pour les journaux aujourd’hui…
Ces phrases que j’entendais à peu près toutes les trois semaines à mes débuts dans les années 2000 et que j’entends aujourd’hui tous les trois jours étaient déjà prononcées en 1976. À croire que ce secteur n’a jamais connu la moindre prospérité. Qu’il n’a cessé d’être un secteur qui perdait de l’argent. Mais alors, pourquoi intéresse-t-il autant Bolloré, Niel, Drahi, Dassault ou Arnaut ? Pourquoi des multimilliardaires, comme dans Le Jouet, investiraient-ils dans un secteur perdant de l’argent ? On me répondra classiquement « pour des raisons d’influence, ils achètent ainsi l’opinion des gens » ou « par philanthropie ». Mais, franchement, je n’y crois pas. Ça participe au bout du compte à grossir leur capital (que ce soit par des réductions d’impôts ou par les bénéfices des journaux).
Franchement, quel secteur, perdant de l’argent depuis plus de cinquante ans, garderait le soutien de multimilliardaires ? Aucun. Que les journaux gagnent moins qu’avant, c’est une certitude, mais s’ils en perdaient tout en restant soutenus par des fonds privés, ce serait une hérésie financière.
Où je veux en venir ? Aucune idée. Mais, vivre au quotidien dans (et de) ce secteur en crise perpétuelle devient particulièrement pesant. Savoir que toute son expertise ne vaut rien, car on préférera toujours un journaliste pas cher à un journaliste expérimenté (du moins, c’est ce que j’entends et qu’on me répète jusqu’à la nausée), joue sur mes nerfs. Serait-il temps de changer, de bifurquer, de donner une « nouvelle impulsion à sa carrière », comme on lit dans les mails de départ des dirigeants qui ont gentiment été poussés vers la sortie ? Peut-être. Mais pour quoi faire ? En tout cas, si l’herbe est noircie partout, dans le secteur de la presse, une chose est sûre : elle ne repoussera jamais.
Retourner au cinéma. J’avais presque oublié à quoi ça ressemblait. Ces derniers mois, j’ai tout de même réussi à voir trois films : Adieu les cons en juin, La loi de Téhéran en août et mardi, j’y suis retourné pour découvrir Mourir peut attendre, le dernier James Bond et l’ultime avec Daniel Craig.
Comme l’a écrit un ami dans un journal à paraître, on va voir Mourir peut attendre « comme on va au Stade de France voir les Stones, Springsteen ou AC/DC : pour regarder une immense machine commerciale, une espèce en voie de disparition, qui va fatalement puiser dans ses greatest hits, mais avec un reste d’espoir que le dinosaure ait de l’énergie et quelques nouvelles idées, mais pas trop non plus. » (je ne sais pas s’il serait vraiment d’accord que je reprenne son texte sans son accord, mais je vais dire que oui) (j’ai même hésité à le prendre directement à mon compte sans mentionner que je n’en étais pas l’auteur, mais je crains qu’il ne lise ce blorgue).
Du fan service et des greatests hits, il y en a pléthore dans Mourir peut attendre, mais je ne suis pas assez expert de Bond pour déceler toutes les allusions. J’ai tout de même remarqué le grand retour des gadgets (qui avaient été prohibés dans Skyfall avec le nouveau Q, Ben Whishaw, qui lui filait simplement un Walther PPK fonctionnant uniquement avec ses empreintes digitales). On me souffle dans l’oreillette qu’ils étaient déjà revenus dans Spectre, mais je ne m’en souviens plus du tout, donc nous dirons que ça n’existait pas.
C’est d’ailleurs dommage que j’ai si peu de souvenirs de Spectre, car Mourir peut attendre s’enchaîne comme une seconde partie : on retrouve Léa Seydoux (Madeleine Swann), la fille qui a connu l’école de la rue, et Daniel Craig (James Bond) dans la ville italienne de Matera, convolant comme deux tourtereaux, quand, sous prétexte de régler ses comptes avec le passé, James rend visite sur la tombe de Vesper (sa précédente compagne, morte dans Casino royale) dont la concession familiale est justement à Matera. Quel bol !
De là, James est poursuivi par les hommes de Blofeld (Christopher Waltz), dont j’avais oublié le nom et l’existence. Il finit par soupçonner Madeleine d’être la balance (alors qu’elle est cancer), la jette dans un train et s’en va vers de nouvelles aventures. Depuis sa retraite en Jamaïque, il reçoit la visite de son vieil ami Felix Leiter (Jeffrey Wright) qui l’implore de l’aider à retrouver Valdo Obruchev. Ce scientifique, engagé par le MI6, a disparu avec une arme biologique qui permet d’éliminer exactement la personne que l’on désire en uploadant dans les nanorobots qui la composent l’ADN de sa victime. Cette arme, voulue par M, devait servir à éliminer les criminels hostiles à la glorieuse Albion, c’est-à-dire Michel Barnier, Ursula von der Leyen et Donald Tusk. Sauf qu’il suffit de charger l’arme avec un ADN un peu générique pour qu’elle devienne ADM (une arme de destruction massive, merci aux deux à l’arrière qui suivent). On comprend vite que Valdo Obruchev est à la solde du grand méchant, Lyutsifer Safin (Rami Malek avec une peau fripée comme jamais) qui s’est installé sur une île perdue, ancien bunker nazi, russe ou japonais, j’ai oublié et ça n’a au final aucune importance.
L’histoire est donc totalement débile, nous sommes bien d’accord. Mais on ne va pas voir les James Bond pour des intrigues palpitantes, donc admettons que ça ne m’a dérangé plus que cela. Pour le reste, le film enchaîne les scènes d’actions relativement bien construites (si on oublie une séquence interminable dans une forêt brumeuse norvégienne particulièrement laborieuse) et des tas d’explosions et de coups de pistolets qui tirent un peu partout avec une particularité qui m’avait moins marquée dans les autres films, mais qui saute aux yeux dans celui-ci, et qui accessoirement me permet d’écrire une phrase beaucoup trop longue pour que sa lecture soit plaisante — mais je suis comme un film de James Bond, j’utilise tous mes greatest hits dans chaque article — qui saute aux yeux, donc, et cette particularité est la suivante : le film ne comporte aucune trace de sang. Les méchants tombent comme des mouches, les coups de pistolets ou de fusils mitrailleurs émettent juste le son pavlovien qui leur intime l’ordre de se coucher au sol. Enfin, pas tout à fait, car on voit quand même un peu de sang, mais uniquement celui des gentils : Bond, Leiter (et peut être Swann, mais j’avoue ne plus me souvenir, et pourtant j’ai vu le film il y a deux jours seulement). C’est bien connu : un criminel ne saigne jamais.
Enfin, il serait cruel de ne pas mentionner la musique : la partition est signée du plus célèbre compositeur actuel de musique au mètre, Hans Zimmer. Franchement, sa présence a presque été une raison personnelle de ne pas aller voir le film. Regarder des cascades et entendre des one-liner pendant deux heures quarante-cinq, pourquoi pas ? Mais se fader la soupe de Zimmer ? Merci, mais non merci.
Eh bien, pour une fois, Zimmer a pondu une musique supportable. Mais il y a une grande raison à cela : il n’a fait que tricoter à partir des thèmes originaux de la série et reprendre quelques citations de Au service secret de sa majesté (dont on réentend la chanson de fin interprétée par Louis Armstrong, We Have All the Time in the World). Bref, c’est finalement pas trop mal. Et ça m’arrache la bouche de l’écrire.
Tout cela mis bout à bout donne-t-il un ensemble de raisons suffisantes pour aller voir Mourir peut attendre ? Peut-être pas, mais je ne me joindrai pas à la cohorte de mécontents. Le film est une magnifique carte postale aux vues époustouflantes et le final vaut franchement le coup pour les adeptes de grand méchant propriétaire d’une île diabolique. Reste que l’histoire est franchement laborieuse et absurde. Mais pour une série où on a vu un gars surfer entre des icebergs, conduire une gondole sur roue ou se bagarrer dans l’espace à coups de pistolet laser, nous sommes clairement ici dans le haut du panier. Le film achève plutôt bien l’aventure de Daniel Craig comme agent secret. Ceci dit, la promesse post-générique que James Bond reviendra m’inquiète. À mon avis, revenir peut attendre…