Car ma vie c’est un manège,
Nicoletta
Et mon Dieu que ce manège tourne bien.
L’algorithme de Netflix, toujours prompt à me jouer des tours, m’a proposé de regarder “Le Jouet” de France Veber, film de 1976. Je l’avais vu tantôt, et plutôt tôt que tant, donc je me souvenais de Pierre Richard qui est “acheté” comme jouet par le fils du patron de sa boîte, multimilliardaire. J’avais oublié (occulté ?) que le patron en question détenait un journal, France Hebdo, et que Pierre Richard incarnait un journaliste fraîchement engagé, Francois Perrin. Le film débute ainsi par Pierre Richard qui se fait engager après une période de chômage de “17 mois et six jours”.
Quinze minutes après le début du film, Rambal-Cochet, le multimilliardaire, renvoie Gérard Jugnot, autre journaliste, sous le prétexte qu’il a “les mains moites”. S’ensuit une scène devant le Panthéon où Jugnot plaide sa cause et devant l’inaction de ses collègues part courroucé en affirmant : “Dans n’importe quelle autre entreprise, on aurait fait une grève”. Perrin s’interroge : “On pourrait faire quelque chose peut-être ?” avant que le photographe du journal n’assène cette phrase : “Pour te retrouver au chômage ? Tu sais que ça ne va pas bien dans la presse en ce moment ? Non, tu as intérêt à te faire tout petit, mon pote, crois-moi”.
Ça ne va pas bien dans la presse en ce moment ; le secteur de la presse est en crise ; ça va mal dans la presse ; c’est dur pour les journaux aujourd’hui…
Ces phrases que j’entendais à peu près toutes les trois semaines à mes débuts dans les années 2000 et que j’entends aujourd’hui tous les trois jours étaient déjà prononcées en 1976. À croire que ce secteur n’a jamais connu la moindre prospérité. Qu’il n’a cessé d’être un secteur qui perdait de l’argent. Mais alors, pourquoi intéresse-t-il autant Bolloré, Niel, Drahi, Dassault ou Arnaut ? Pourquoi des multimilliardaires, comme dans Le Jouet, investiraient-ils dans un secteur perdant de l’argent ? On me répondra classiquement “pour des raisons d’influence, ils achètent ainsi l’opinion des gens” ou “par philanthropie”. Mais, franchement, je n’y crois pas. Ça participe au bout du compte à grossir leur capital (que ce soit par des réductions d’impôts ou par les bénéfices des journaux).
Franchement, quel secteur, perdant de l’argent depuis plus de cinquante ans, garderait le soutien de multimilliardaires ? Aucun. Que les journaux gagnent moins qu’avant, c’est une certitude, mais s’ils en perdaient tout en restant soutenus par des fonds privés, ce serait une hérésie financière.
Où je veux en venir ? Aucune idée. Mais, vivre au quotidien dans (et de) ce secteur en crise perpétuelle devient particulièrement pesant. Savoir que toute son expertise ne vaut rien, car on préférera toujours un journaliste pas cher à un journaliste expérimenté (du moins, c’est ce que j’entends et qu’on me répète jusqu’à la nausée), joue sur mes nerfs. Serait-il temps de changer, de bifurquer, de donner une “nouvelle impulsion à sa carrière”, comme on lit dans les mails de départ des dirigeants qui ont gentiment été poussés vers la sortie ? Peut-être. Mais pour quoi faire ? En tout cas, si l’herbe est noircie partout, dans le secteur de la presse, une chose est sûre : elle ne repoussera jamais.
Soit je dis un truc très sérieux (du genre : heureusement, il y a plein de milieux où c’est Byzance depuis toujours, par ex la musique, l’éducation, la SNCF, ça réchauffe !), ou alors je dis juste que bravo c’est super, je fais quoi ?
Hum. Dis que c’est super, j’ai besoin de confiance en moi. Et toi, tu joues de la musique, c’est le plus chouette métier (bon, je dis ça, l’autre jour, je suis allé voir un concert à la Sainte-Chapelle avec des musiciens qui jouent 5 soirs sur 6 les quatre saisons de Vivaldi, je suis pas sûr qu’ils vivaient leur meilleure vie).
Je crois que c’est un secteur en crise depuis toujours, c’est sans doute inhérent à l’essence même du truc !! 😀
J’espère que tu vas vite trouver si ce n’est pas déjà fait. On a tellement de mal à échapper à ce qu’on a fait précédemment, et ça commence dès le premier job. :-/
C’est effrayant que ce secteur n’ait jamais été “sain”. J’ai lutté pour entrer dans ce métier, avec mon diplôme d’ingénieur. Mais après 20 ans à faire ça, je me vois mal revenir en arrière et me pointer dans une société d’informatique avec mon diplôme d’ingé 🙂