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Catégorie : Tout moi

Toute ma vie résumée dans un blog

Carnet mondain

Aux amitiés perdues

C’était le miracle d’Internet. Nous étions tous connectés les uns, les autres, partageant nos souhaits, nos envies, nos découvertes et nos vies sur des blogs où l’on romançait notre quotidien. Les plus doués dessinaient, les plus motivés se filmaient, les plus médiocres écrivaient. J’en ai rencontré une palanquée de noms et de visages sur cette période éphémère de ma vie (car, certes, je continue de payer pour maintenir en vie ce site, mais soyons quand même bien clair qu’il est en mort cérébrale depuis au moins huit ans).

J’ai passé des soirées avec eux, j’ai bu des verres en leur compagnie, j’ai participé à des projets et probablement naïvement ai-je fini par croire que ces instants survenus aux croisements de nos vies deviendraient des amitiés.

Et puis, sans trop savoir ni pourquoi ni comment, toutes ces belles personnes comme on dit dans les films de Christophe Honoré, ont peu à peu disparu. Les rencontres se sont espacées, les invitations se sont faites plus rares, les échanges se raréfiaient, avec toujours des promesses de se croiser, plus tard, une prochaine fois, à un autre moment… Jusqu’à ce que les seules traces de ces amitiés ne résident plus que dans l’archive.org de ma mémoire.

Régulièrement, j’ai une petite pensée émue pour toutes ces personnes qui ont continué leur vie, et moi la mienne, chacun vers des chemins différents, des horizons opposés. Parfois, je remarque, un peu jaloux et vexé, qu’ils ou elles ont continué de se croiser, certains ayant réussi à se forger des amitiés solides là où j’ai échoué. Ou peut-être étaient-ils juste plus sympathiques que moi, ça ne doit pas être exclu.

Parfois, bizarrement, comme si je ne voulais pas lâcher prise, je remets une pièce dans la machine. J’envoie un nouveau message. Je souhaite un anniversaire, j’espère revoir bientôt. Mais je le sais. Je m’accroche simplement à un souvenir fugace et brumeux qui s’évapore au moment où je le saisis.

Pas triste, le dentiste !

Une dent contre moi

Longtemps, j’ai pris la médecine pour une solution à tous nos problèmes. Mon analyse était simple : tu as mal quelque part, tu vas voir le médecin, il te prescrit un onguent et paf, tu es guéri. Mal au genou, douleur dans l’épaule, perte de cheveux, le médecin était censé avoir réponse à tout. Du moins, c’est ce que j’ai cru, mais la vérité est plus cruelle et pour nous, les patients, et pour eux, les médecins (ce sont deux ensembles totalement disjoints, en ce sens que {patients} {médecins} = ∅). Car le médecin est en réalité un aiguilleur : il dirige le patient vers un autre médecin ou vers un laboratoire d’analyse (qui le mènera chez un autre médecin ou pas) où il prescrit un médicament soit inefficace soit un antibiotique (la molécule efficace depuis plus de cent ans contre 90% des maladies). Quand rien ne marche et que le patient est relou, il finit généralement chez un chirurgien dont l’unique solution au problème consiste à l’ouvrir pour trifouiller à l’intérieur. Le chirurgien est souvent assez froid, il a fait des études, il a été adoubé par ses pairs, et il ne consacre pas plus de dix minutes à un patient pour lui expliquer ce qu’il compte faire et surtout les conséquences de ses actes (tout en faisant signer une décharge si les choses tournent mal), patient qui ne comprend pas le quart des mots prononcés en latin, ce qui est à mon avis intentionnel. Le patient, lui, a généralement cinq secondes pour décider si la douleur qui l’a mené jusqu’ici est supérieure au coût psychologique (et au coût réel) de l’opération.

Oui, je caricature (à peine), mais vous avez l’idée.

Mais plus remarquables que les chirurgiens, il y a une classe au-dessus (qui, je crois, n’a pas le droit au titre de médecin, mais osef), le chirurgien-dentiste.

Et c’est là où j’en viens à vous parler de ma prémolaire n°25. C’était un peu long, mais ça valait le coup, non ?

Plus jeune, cette fameuse prémolaire a eu le bon goût de se carier. En urgence, je vois un dentiste qui la dévitalise, mais par inadvertance, il pète la racine et n’arrive pas à aller au bout de celle-ci. La racine s’infecte, un autre dentiste tente de la dévitaliser à nouveau et m’explique qu’il ne va pas beaucoup m’anesthésier, parce qu’il doit savoir si la petite tige qu’il enfonce pour gratter l’intérieur de la racine est bien dans la racine et pas en train de rentrer dans la gencive (je dois vous dire que j’ai un excellent souvenir de cette séance). Mais bon, la dent est kaput et décision est prise de l’enlever. Et donc, j’ai un trou, mais pas de panique, car on peut vous mettre une vis dans la bouche, ça s’appelle un implant, mon brave monsieur, vous allez voir c’est super. J’ai le choix ? Oui, on peut aussi vous dévitaliser toute la bouche et vous installer un dentier à la place (je déconne, il ne voulait en dévitaliser que deux pour me mettre un « bridge »). Ah bah l’implant alors, que j’y dis.

Bon, j’avoue que je n’avais pas compris que l’implant allait bien remplacer la dent, mais que la gencive n’allait pas le coloniser, ce qui veut dire que ça ressemble à ça dans la bouche, c’est pas génial, mais c’est mieux que rien.

Pas mal, non ? C’est français.

Ma vie continue. Mais voilà qu’il y a deux ans, ma dentiste constate que la gencive qui entoure la dent se réduit. Elle m’encourage à voir un chirurgien-dentiste pour vérifier l’état de l’implant dentaire qui frôle la quinzaine d’années maintenant.

Rendez-vous est prix (c’est fait exprès), dans les beaux quartiers et j’arrive avec ma bouche et mes ennuis.

Et là, mesdames et messieurs, j’ai envie de vous dire : ce n’est pas un rendez-vous, c’est une rencontre. Je découvre un homme qui ne voit pas des « patients », mais des « bouches ». Il est rigolo, mais pas vraiment sympa et commence par me faire une radio 3D avec densimétrie je-ne-sais-quoi et qui se paie la bagatelle de près de 200 euros. Il me la montre sur un écran :

On dirait un petit pizzaiolo qui sourit

Il m’explique que la gencive a disparu, qu’on est sur l’os et que si on n’en remet pas, bah l’os va se faire ronger et l’implant va se casser, une perspective qui ne m’enchante guère, car je ne sais pas trop comment ça casse un implant, mais j’imagine déjà ma mâchoire inférieure en deux morceaux avec des bouts d’os partout.

– Mais y a une solution, Docteur ?
– Bien sûr. On peut faire une greffe de la gencive. Je vous découpe un bout du palais et je le colle contre l’os. Voici le devis, ça coûtera 900 euros.
– Ah bah super, moi qui ne savais pas quoi faire de mon 13e mois !

Je lui dis donc que je vais en discuter avec ma dentiste et que j’aimerais bien avoir une sortie de sa superbe radio. Ce à quoi il me répond : « Ça ne vous servira à rien ». Je crois que c’est illégal de ne pas filer un compte-rendu et les analyses quand on te fait un examen, mais je dis rien : je ne suis pas médecin.

Finalement, en appelant plus tard sa secrétaire, j’obtiens gain de cause, mais je sens que la magie de notre première rencontre est gâchée. En gros, je l’ai soûlé.

Ma dentiste me confirme que je n’ai pas le choix, et je prends rendez-vous pour cette greffe de survie.

Le jour arrive et me rend donc au cabinet médical, dans les beaux quartiers, la secrétaire me dit que ça va bien se passer, qu’il ne faut pas que je m’inquiète (parce que bon, j’ai pas une adoration du dentiste, contrairement au reste du monde) et m’installe dans le fauteuil après m’avoir équipé d’une charlotte et d’une blouse.

J’attends.

Le chirurgien arrive avec un interne et me demande si « Ça va ? ». Je réponds que « Moui » et pour détendre l’atmosphère, j’imagine, il dit : « En tout cas, moi, ça va mieux que vous ! ». Puis, sans aucune explication de ce qu’il va se passer, il dit « Allez, on y va ».

C’est tout ce qu’il me dira pendant une heure. Pour le reste, il ne parlera qu’à l’interne en lui commentant l’état catastrophique de ma gencive et de mon implant à coups de « Rha merde, y a des adhérences partout » ; « Ce genre d’implant, c’est pas de la bonne qualité ». Un instant, je sens le passage d’un bidule sur mes dents, je tente de dire : « euh an, a » (« je sens, là ») ce qui semble l’énerver encore plus.

Paf, il me bascule en arrière pour découper un bout du palais et il peste : « C’est chiant, ça, on peut pas couper facilement, c’est pour ça qu’il faut arracher les dents de sagesse » (ce qui semble vouloir dire qu’en préparation d’une future greffe gingivale, il faudrait virer les dents de sagesse de toute la population ?). Il me rebascule en avant, il prépare le greffon et se lance dans la couture, je redis « euh an a ». Excédé, il jette son instrument, reprend la seringue d’anesthésiant et me dit « Ah oui ? Bah la piqûre, vous savez quoi ? Ça fait encore plus mal » et il me plante l’aiguille dans la gencive (mais il a tort, ça ne me fait pas mal du tout). Il se relance dans la couture, il pique, il passe le fil et il commente : « Non, ça tient pas, la gencive est trop fine, comment on va pouvoir faire ? ». Ça se termine, je suis en nage, il me file une feuille d’instructions où il m’affirme que « tout est expliqué pour la suite des soins » et de voir avec la secrétaire si j’ai des questions. Puis il part et il appelle son fournisseur internet parce qu’a priori, il a un débit qui l’empêche de regarder Netflix ou un truc du genre.

Je n’ai rien à dire sur la qualité de son travail, de toute façon, je suis bien en peine de savoir ce qu’il a traficoté dans ma bouche. Mais dix jours plus tard, je reviens pour qu’il retire les points de suture. Devant moi, il y a la patiente précédente avec qui il blague et lui souhaite un joyeux Noël fort aimablement. Ça rigole et ça rigole. « Et faudra qu’on voit votre mari pour décider ce qu’on fait sur les dents du haut, parce qu’il y a du boulot aussi », ha ha ha.

Elle part et arrive mon tour. Le sourire s’inverse. « On y va ? », dit-il, impatient.

Je m’installe sur le fauteuil, il me demande d’ouvrir la bouche, il regarde, il tire sur ma joue, il sort un appareil photo et entend immortaliser son travail. Il me demande de ne pas respirer « parce que ça fait de la buée sur le miroir et la photo est ratée ». Ça dure une dizaine de minutes, puis il décide de m’enlever les points de suture (et me prévient qu’il va le faire). Il enlève ceux du bas, me relève et me dit « on prend rendez-vous dans un mois ». Je le regarde et lui demande : « Mais vous n’enlevez pas les points de suture sur le palais ? ».

Là, franchement, s’il avait pu m’assassiner du regard et que la justice n’enquête pas, il n’aurait pas hésité. « Bien sûr, les points du palais… » Je me rassois et il termine son œuvre, merci et au revoir.

Un mois après, le dernier rendez-vous arrive. Je me prépare psychologiquement, je me bourre de Prozac et je débarque dans le cabinet. L’attente commence, il arrive et lance son classico « On y va ? ». Je me cale dans le fauteuil, il revient avec son interne et commence par m’engueuler sur la manière dont j’ouvre la bouche, car il faut que je sois « souple » et je ne dois pas me « crisper ».

Il regarde la dent et beugle l’air dégoûté : « Mais… C’est dégueulasse, il y a de la bouffe, là. Putain, mais FAUT NETTOYER ». Je réponds que je nettoie. « Eh bah pas assez ». Là, s’ensuit un court dialogue sur mon erreur de brosse à dents : il ne fallait pas prendre celle de l’autre fois, mais une autre. J’essaie de dire qu’il ne me l’a pas dit (il ne m’a rien dit) et il me répond : « C’est faux, je l’ai écrit sur le dossier », agitant une feuille de papier comme preuve. Il se barre en demandant à l’interne de gratter le bordel. Il revient, regarde le travail : « C’est mieux. Bon, mais là, on pourra jamais le ravoir… ». Il relève le siège : « On se voit dans un an, mais il faut apprendre à vous brosser les dents ». Là, je dis : « Non, mais qu’est-ce que je fais mal ? J’arrive toujours pas à comprendre ce que vous avez fait comme opération ? Où j’ai mal nettoyé ? Comment je dois faire ? ». Je supplie « Expliquez-moi… ». Il me regarde : « Il a pas compris ? Bah, je vais lui faire un dessin ». Il prend une feuille, trace trois et un rectangle en dessous. Je lui dit « Non, mais ça j’avais comp… ».

Il me coupe : « Chut, je vous dis » avant de me détailler son dessin. « C’est bon ? C’est compris ? ». J’abdique. Je veux partir.

Enfin je descend l’escalier, j’ouvre la porte et aspire un grand bol d’air de pollution en pensant déjà à l’année prochaine…

PS : Pour des raisons de dramatisation, certains passages de ce texte sont (tout de même) inventés.

Oh ! C'est intime. Vous lisez pas !

Mon second mandat

Ma grand-mère est morte. Je l’écris ici avant tout pour forcer l’empathie de l’hypothétique lecteur. « Oh mon Dieu, sa grand-mère est morte, c’est très triste, mes condoléances, bisous ». Ma grand-mère est morte, et ça m’a rendu très triste, mais elle avait cent ans – bientôt cent un. Elle vivait depuis plusieurs années dans une maison de retraite, où tout se passait bien disait-elle. Et même si j’ai longtemps pensé qu’elle resterait immortelle, je sentais bien que la machine commençait sérieusement à gripper. Mais cent ans, tout de même, c’est beau.

Quoi qu’il en soit, ayant relativement été peu confronté à la mort, sa ma fé réfléchir, comme disent les boomers (un jour, je vous raconterai à quel point je déteste ce détournement du mot « boomer » pour caractériser toute personne n’ayant pas son avis et comment j’y vois un jeunisme malsain qui ne dit pas son nom, mais ce n’est pas le propos ici, merci de rester concentré). J’ai regardé la liste de mes objectifs en attente depuis des décennies sous prétexte que « je le ferai quand j’aurai le temps ». Et la réalité m’a frappé de plein fouet (c’est une figure de style, je ne suis pas masochiste). Il serait temps que je me bouge.

L’une d’entre elles n’avait rien de difficile, si ce n’est de se décider d’agir. Elle consistait à numériser les films pris par ma famille pendant ma jeunesse et les miens pris lorsque j’étais membre du club vidéo de mon lycée. Au détour de cette numérisation effrénée (façon de parler : j’ai déposé les cassettes après les avoir rembobinées dans un centre de numérisation, mon action a principalement consisté à sortir le chéquier) (j’utilise intentionnellement de vieux termes dans cette notule pour que vous me boomiez autant de fois la gueule que vous le souhaitez), je suis tombé sur le visage de cet enfant innocent (ou la tronche du joker, j’avoue que j’hésite encore) :

L’est-y-pas-mignon

Oui. C’est moi. Genre à dix ou onze ans. On trouve peu d’images de ma personne, car j’ai toujours détesté être filmé ou photographié. D’ailleurs je continue aujourd’hui, mais je l’impute dorénavant à une calvitie dégueulasse qui rend mon visage encore plus malsain qu’un tueur en série de films hollywoodiens (et pourtant, je vous jure, je suis super sympa) (quand on me connaît).

Bref.

Et il y a quelque chose d’étrange quand je regarde ce visage. Pas vraiment une nostalgie. Car bien que j’ai connu une jeunesse sans problème, mon manque cruel de confiance en soi, ma naïveté sûrement charmante (mais surtout navrante) et ma difficulté d’intégration pour cause de désintérêt général des passions classiques d’adolescents (le triumvirat foot, rap, joint) ne me font sincèrement pas regretter cette période de ma vie (cette phrase est longue et probablement incorrecte d’un point de vue grammatical, je sais).

Pas une nostalgie donc, mais une question qui me taraude. Est-ce que l’adulte que je suis devenu a déçu l’enfant que j’étais ? Oui. Je sais, ça fait tarte (ou tartignole) écrit ainsi. On oscille entre Marc Levy ou Françoise Dolto. Mais à l’heure de mon second mandat de présence sur Terre, déjà bien entamée, je crains que mon jeune moi n’aurait pas renouvelé son vote s’il avait eu le choix. Du haut de mes quarante-six ans (cf P.S.2), j’ai l’impression qu’il ne m’apprécierait pas tant que ça, s’il savait ce qu’il était devenu : un pleutre banlieusard sous influence qui éructe sur Twitter des propos incohérents avant de s’effondrer de fatigue dans un vieux lit creusé par la vacuité de sa vie.

Mais ne sombrons pas dans une déprime dorénavant bien trop collante aux baskets de mon existence. Après tout, je pourrais tout autant l’accuser ce sacripant. Désolé, mon petit bonhomme, mais je suis le résultat de ton manque de persévérance à l’école et de tes mauvaises fréquentations. Trop facile de me remettre la faute dessus !

Bon, allez, tu sais quoi ? Viens. On fait la paix.

P.S.1 Cette notule contient un jeu-concours. Devine le nombre de fois que tu peux écrire « OK, boomer », après une phrase et gagne ton poids en dosette Tang !

P.S.2 Cette notule a été écrite en mai 2021, mais comme j’ai ressorti mon blorgue du frigo, je me suis permis de vous la resservir froide (et malheureusement, les notules, ce n’est pas comme les lasagnes, la fournée est souvent meilleure le jour même que réchauffée le lendemain).

P.S.5 Oui, j’en ai achetée une, et ça, je pense que ça aurait beaucoup plus à mon moi de dix ans.

À question nulle, réponse nulle

Et tu as fais quoi de ta vie ?

Je ne crois pas vraiment qu’il y ait une raison à notre existence sur Terre, à part probablement celle de ruiner la planète. Si vous voulez mon avis (et même si vous en le voulez pas), nous sommes les punaises de lit de l’univers. Il cherche à nous éradiquer depuis 300 000 ans, mais quand bien même il utiliserait les pires instecticides, bah on survit. Il a tenté la glace, le feu, les coulées de boues et les météorites, mais on est sacrément coriace. Et on vient l’achever en lui piquant toutes les bonnes énergies qu’il s’était planqué à quelques centaines de mètres sous le sol pour être sûr que personne ne vienne y toucher.

J’ai lu l’autre jour L’homme des jeux de Iain M. Banks et une phrase m’a marqué (le bouquin était génial dans son ensemble) et disait quelque chose comme « les organismes vivants sont globalement des consommateurs d’énergies » (je n’ai malheureusement pas retrouvé la citation, parce que je la cherche, mais le livre fait plus de 400 pages, alors déso).

Donc, finalement, la question de savoir ce qu’on a fait de sa vie n’a factuellement aucun intérêt. Je ne sais pas si je suis le seul à m’en étonner, mais dès que quelqu’un meurt, on peut lire des messages comme : « C’était une belle personnne, elle avait tant à nous offrir, elle était extrêmement talentueuse, le monde a perdu quelqu’un de précieux ». Mais si elles étaient toutes des individus extrêmement douées ou précieuses, les archives nationales ne surviraient pas à tout conserver.

Non. Nous ne sommes qu’un gros amas de cellules qui absorbent des nutriments pour les faire survivre. C’est d’ailleurs parce qu’elles ont le bon goût de collaborer entre elles qu’on arrive à des organismes d’une complexité incroyable comme l’être humain ou le tardigrade. Si jamais l’une d’entre elles décide de la jouer cavalier seul, c’est en général le chemin vers le cancer (c’est ce que j’ai retenu de l’expo à la Cité des sciences et de l’industrie sur cette maladie, mais j’ai peut-être mal écouté).

La question est de savoir comment combler son existence. Certains ont pour objectif d’être les plus riches du cimetières. D’autres de se faire connaître. Pour ma part, j’ai choisi la voie de l’oblomovisme. Je vous copie colle la définition de Wikipédia : « un mélange d’apathie, de léthargie, d’inertie, d’engourdissement, de rêverie inactive, qui se manifeste dans l’horreur du travail et de la prise de décision et la procrastination ».

Mais comme une fois par an, je débourse pas loin de 60 euros (merci l’inflation) pour que ce site survive, je pense qu’il est important pour moi de sortir de ma réserve et de justifier vaguement cette dépense complètement inutile, non ?

Je vous remercie de m’avoir lu et de me notifier les fautes de français dans les commentaires.

Des bisous.

Et mon père dessina un crocodile

Le virus de l’informatique

À l’école élementaire, Gwenaël était mon meilleur ami. Il y avait une raison évidente à cette sympathie : il possédait chez lui une console de jeux vidéo. Une Atari 2600. Dans les années quatre-vingts, ce n’était pas rien ! Quand il m’invitait le samedi chez lui, c’était la fête. Hélas, comme il pouvait jouer avec sa console quand il le souhaitait, il ne comprenait guère mon engouement à passer une bonne partie de l’après-midi devant. C’est probablement pour ça qu’il a cessé de m’inviter. Enfin, je crois même qu’il a déménagé. Pour vous dire comme je devais être agaçant.

(Avec quatre ans de retard)

Cap quarante

À trente-neuf ans, j’ai décidé de prendre les choses en main. Objectif : écrire régulièrement sur mon blorgue avec la ferme intention de développer mon style précis et structuré qui a fait de moi la coqueluche du tout Saint-Germai-des-Prés lors de mon arrivée rastignacnesque à Paris (Panam, comme nous disions à l’époque sur les barricades de la rue Soufflot). J’allais appliquer le conseil dicté par tous les auteurs américains : « Si vous attendez les conditions idéales pour écrire, vous mourrez avant d’avoir débouché votre stylo » (la citation n’est pas exacte, mais ils ont tous dit un truc du genre). Comme j’ai passé ces dernières années à choisir la parfaite police de caractères pour justifier l’absence d’article sur mon blorgue, ça m’a tout de suite parlé.

À l’époque (et encore aujourd’hui), parmi le million de brouillons du backoffice de mon WordPress, il y avait d’interminables messages de haine envers des services administratifs, des textes littéraires sur de profondes déceptions amicales, des messages sybillins d’amour, des anecdotes croustillantes autour de ma vie – palplitante à bien des égards –, des chroniques de films, de théâtre, des charges virulentes contre mes collègues de bureau, contre mes chefs passés, contre mes chefs présents, contre mes chefs futurs et bien sûr la fin de mon explication de texte de L’Anneau du Nibelung de Wagner (probablement la série de billets qui me donnera accès à la postérité dans le Valhalla des blogueurs-influenceurs-loiclemeur).

En haut de la pile de mes textes au stade d’ébauche trônait une longue plainte déchirante sur le drame que représentait, à mes yeux, la bascule entre la vie du trentenaire et celle du quarantenaire qui s’approchait alors à vive allure. Moi qui avais beaucoup apprécié la décennie me conduisant de 30 à 40, qu’est-ce qui allait changer de l’autre côté du miroir ? « Je compte documenter toute l’évolution », écrivais-je, « avec la précision d’un biologiste surveillant une bactérie sous un microscope ».

Je n’ai rien fait de tout ça. Emporté par le tourbillon de la vie, j’ai eu quarante ans. Mais on allait voir ce qu’on allait voir, et à quarante-et-un, chaque matin, j’allais poser mon cul sur la chaise et m’astreindre à deux heures de rédaction par jour au moins. Il fallait absolument raconter ce qu’il se passait. La déprime extrêment forte qui s’emparait de moi et cet étrange sentiment à chaque fois que j’entendais dire, lorsque j’annonçais mon âge : « Non, mais t’as pas quarante ans, toi ? Tu les fais pas du tout ! ».

Ce « Tu les fais pas » était, au départ, extrêmement agréable et rassurant. Et puis, à force de l’entendre, il devint une source d’angoisse. Comme si, un jour, j’allais me réveiller et j’allais « les faire », ces quarante ans. Je n’osais plus me regarder dans la glace, craignant chaque matin, de découvrir que, ça y est : je « les faisais ». « Il y aura forcément un moment où je basculerai », me disais-je, « comment le saurai-je ? Et vais-je y survivre ? ». Ça m’a plongé plus d’une fois dans une neurasthénie dont je peine parfois encore à me relever.

Alors que mon anniversaire approchait chaque année à pas de loups, je constatais un peu gêné que je ne confessais rien de mes cheveux qui blanchissaient et de ceux, de plus en plus nombreux, qui mouraient au front ; de mon ventre qui s’arrondissaient par-dessus ma ceinture ; de mes poils qui subitement décidaient de pousser à peu près n’importe où sur mon corps ; de la déception de constater régulièrement qu’aucun de mes objectifs fixés à trente ans et à atteindre avant mes quarante n’avaient été validés ; et de l’accélération considérable de la durée de la seconde qui doit pourtant être fixe, ce me semble.

À l’aube de mes quarante-quatre ans, il n’est plus temps de reculer l’échéance. Demain, je fêterai mes cinquante, dans une semaine, quatre-vingt, et dans huit jours, je serai mort.

Je n’aurai toujours pas appris le japonais, ni grimpé l’Everest, ni fini un seul Dark Souls.

Mais au moins, le 19 mars 2019, j’aurai publié un article ici. Achievement unlocked.

Coming Out

La journée passait comme un charme ; les cours s’étaient finis sans encombre, même mon 3 en Espagnol n’avait pas réussi à m’attrister. Enfin, je crois. De l’année de ma terminale, les souvenirs ne se bousculent pas. Le seul événement notable qui me revienne, c’est le prof de maths qui fut arrêté en janvier. On ne savait pas pourquoi. Certains disaient qu’il avait un cancer. D’autres disaient qu’il avait le sida. Parce qu’il était efféminé, avec une large barbe taillée. Alors, il devait être pédé. Pédé. L’insulte était tellement fréquente avec les copains que, faussement, je n’y prêtais aucune attention, mais à chaque fois qu’on me traitait, je craignais que mon secret fut découvert. Ce secret, c’était une souffrance sourde et amère. Un foyer incandescent qui brûlait mes entrailles chaque fois que je me masturbais en rêvant à des garçons couchants ensemble. L’année précédente, Canal+ avait diffusé sa première nuit gay. En catimini, j’avais enregistré le programme sur une cassette VHS que je cachais sous mon lit. Profitant de l’absence de mes parents, ou tard la nuit, lorsque je les imaginais endormis, je la regardais avec excitation. Et puis revenait ma bestiole : la honte. L’atroce honte de préférer ça aux films de cul devant lesquels mes copains se pognaient. De rage, un jour, j’ai pris la cassette et j’ai tiré la bande jusqu’à en faire un monticule devant moi. J’allais me libérer de cette malédiction.

C’est le mois de mars. Mardi soir, pas loin de mon anniversaire. J’ai encore seize ans. « Cette connerie d’être pédé, c’est une phase, c’est sûr, ça va passer. Ce n’est pas possible autrement, je flippe juste parce que je ne mate pas les filles comme les autres, mais ça va venir, ça va venir, c’est obligé ». Ce soir-là, Arte diffuse Fame. Le film d’Alan Parker. J’adore Alan Parker depuis que j’ai vu Midnight Express, loué dans le vidéoclub du village dans une version anglaise sous-titrée anglais. Dans sa prison, le héros tombe sous le charme d’un détenu suédois. Je crois même m’être branlé en pensant au moment où ils font du sport ensemble. Fame, je n’ai jamais vu, mais je connais la série. Alors, j’ai envie de le regarder. Et au milieu du film, je fonds en larme. Le rouquin, qui deviendra le docteur Romano dans Urgences, va chez son psy. Il explique qu’il est homosexuel et raconte : « J’ai toujours pensé que c’était une phase, que ça passerait, mais ça ne passe pas ». Horreur. Ça ne passera donc pas ? Le reste du film, je ne le vois pas. Je suis tétanisé. Au quatrième cercle de l’Enfer. Je serais… gay ?

La journée passait comme un charme ; l’été approchait, les révisions du bac aussi. Avec les copains, nous préférions barboter dans l’eau plutôt que de potasser les cours. Alors ma mère me faisait les gros yeux. « Elle sait ». Ce jour-là, je rentrais des cours, et jetais mon sac sur le lit de ma chambre. Ma mère entra. Elle semblait moins fière que moi de mon 3 en Espagnol. « Qu’est-ce qui se passe, Romain ? Tu sais que tu as le bac à la fin de l’année ? Tu crois que tu vas l’avoir avec des notes pareilles ? » « Ça va, c’est une option, m’en fous, rien à battre ». « Romain, qu’est-ce qu’il se passe ? » Ma tête flancha sur le côté, lestée par ma bestiole, la honte, qui m’accablait depuis tant d’années déjà. Un torrent de larmes retenues tout ce temps se déversa le long de mon visage. « Ça… Ça ne va pas, non ». « Dis-moi ? ». « J’ai peur, j’ai peur que tu me rejettes ». « Jamais ». La cohorte de sanglots étouffait ma voix. « Je crois que j’aime les garçons, maman, mais je ne veux pas être comme ça, je ne veux pas, je t’en prie, aide-moi, je ne veux pas être comme ça ». « Ce n’est pas grave, je t’aime quand même, je vais t’aider ». « J’ai peur que ça ne passe jamais et que je sois comme ça toute ma vie, ça me fait peur, je t’en prie, je ne peux pas vivre comme ça, c’est trop horrible, maman ».

À cet instant, je crois m’être effondré par terre, tremblant de tous mes membres, j’ai dû pleurer encore, j’imagine. Je ne sais pas vraiment. J’ai oublié.

Quelque temps après, ma mère m’a emmené voir un psychologue pour adolescents. Je pensais qu’il allait me « changer », je n’ai jamais su si ma mère fondait le même espoir. Le jour où je suis entré dans son cabinet la première fois, je me suis assis à l’opposé de lui. Il m’a regardé et m’a demandé pourquoi j’étais là. J’ai pleuré. Et j’ai répété mon texte : « Je crois que j’aime les garçons et je ne veux pas vivre comme ça, je vous en prie, changez-moi ». L’homme m’a regardé. Doucement, il a pris son temps, je pleurais sans bruit, un mouchoir roulé en boule dans ma main. « Romain, il faut que tu saches absolument ça : je ne peux pas te changer, personne ne peut. Mais je peux t’aider à t’accepter ».

Ma mère vint me chercher et nous restâmes silencieux tout le chemin du retour. Arrivé dans ma chambre, j’ai pleuré encore et encore, persuadé que j’allais mettre fin à mes jours, la douleur était si forte, insoutenable.

Malgré mon 3 en Espagnol, j’ai eu mon bac. Je suis parti faire des études dans la grande ville. J’ai encore vu l’homme plusieurs fois, c’était douloureux, sa lucidité m’avait détruit et je le détestais intérieurement. Et puis, je suis parti plus loin et il a disparu de ma vie. Je ne me suis pas accepté tout de suite, ça a été une longue lutte, encore aujourd’hui.

De cet homme, je ne sais plus rien. Je me souviens vaguement de sa tête. Mais je n’ai qu’un seul regret : celui de ne jamais pu lui avoir dire « Merci ».

Le Secret de la pizza quatre fromages

Ma vie est une longue complainte, depuis le premier cri au sortir du ventre de ma mère, jusqu’à avant-hier où je me suis cogné le petit doigt de pieds sur le montant du lit.

Mais dura lex, sed lex, et malgré le peu d’envie qui m’anime, j’ai décidé de parler de ce problème (dont je pensais avoir déjà parlé, mais en fait, j’ai juste pensé que je l’avais fait, et souvent, quand je pense à quelque chose, j’ai l’impression que je l’ai fait, par exemple, je me lève, et je décide d’aller faire du sport et finalement, quand je me couche le soir, j’ai pas fait de sport, mais comme j’y ai pensé, je me dis : « Pas mal, le sport, aujourd’hui, j’ai bien fait de penser à en faire, j’y retournerai demain », alors qu’en fait, si vous avez compris mon charabia, j’ai pas fait de sport).

(Depuis que je travaille dans un journal où je dois vulgariser à longueur de journée et expliquer des trucs super simples à des abrutis qui ne comprennent rien, je me dis que j’ai bien le droit d’être incompréhensible quelque part, et cet endroit, c’est ici).

(Après tout, je paie moi-même mon serveur pour héberger mon blog, si j’ai envie de faire des fautes de français, je vois pas pourquoi je devrais m’en empêcher, non, mais sérieux, vous êtes quoi ? des communistes pour faire vos grammar-nazis à longueur de journée ? Get a life, les mecs)

C’est bon ? J’ai perdu mes trois lecteurs ? Bien, continuons.

Chaque été, à la mer, on organise des pizza party (PARRRRRTTTTTYYYYYYY). On s’achète des pizzas et on les mange sur la plage. C’est le mercredi, une fois par semaine. Et on boit du rosé. J’avoue ne pas me souvenir de quand date cette tradition, mais elle aussi vieille que le monde (enfin, que « mon monde » au moins, sauf le rosé, avant je buvais du coca, mais maintenant, je bois du rosé).

À ce stade pas très avancé de l’histoire, il convient de préciser une chose. Je ne bois pas du rosé parce que c’est bon, seulement pour supporter les gens qui m’entourent à ce moment précis de mon existence : la vieille conne de la maison d’à-côté et ses petites-filles « âbsolûûûmaaaaââânt géniâââââles », l’autre vieille conne qui pue de la bouche avec son petit-fils « qui est difficile, mais le pédiatre m’a dit que c’était un génie », les enfants des autres qui courent partout, te jettent du sable à la gueule et dont les parents te font : « il est adorable, hein ? ». NON, IL EST PAS ADORABLE TON GOSSE, CE SERAIT UN CHIEN, IL AURAIT UNE PUTAIN DE CHAÎNE ET ON L’EMMÈNERAIT SE FAIRE PIQUER.

Reprenons.

Donc, on est une vingtaine sur la plage et on prend les commandes. Il y a trois types de familles : les pinces qui prennent une pizza pour quatre, les gros qui prennent quatre pizza pour un, et moi qui n’aime pas le fromage « mais sur la pizza, ça va, quand il y en a pas trop » (le chieur).

Et là, c’est SYSTÉMATIQUE, il y a toujours la moitié des gens qui dit : « On prend une quatre fromages ? ». Irrémédiablement, un autre dit : « Ah oui, c’est une bonne idée, mais une pizza, c’est trop, on n’aura qu’à la partager avec quelqu’un, Romain, tu prends quoi ? ». Systématiquement, je réponds : « Une reine ». L’intermédiaire reprend : « Ah bah alors, c’est bon, on prend une reine et une quatre fromages et on la partaaa… »

Je lève la main. Le silence s’impose par la seule présence de mes cinq doigts en l’air. Le ciel s’ombrage. Les parasols se ferment d’autorité. La température s’effondre. Je plisse les yeux, je regarde froidement toute l’assemblée et d’une voix abyssale je tranche : « Mais je ne partage pas ».

« Il est pas commode, ton fils », dit-on alors à ma mère, « pourquoi qu’il veut pas partager ? Tout le monde, il aime partager, non ? Regarde, ma fille, ma fille ? T’aimes partager ? Pas vrai que tu aimes partager ? Oui ? Eh oui ! Tu vois, tout le monde, il aime » (cette précédente phrase est à lire avec l’accent de Marthe Villalonga, si tu es trop jeune pour connaître, clique ici).

Alors, tel Jésus prenant la main de Marie, sa mère, avant de monter sur les chaffauds (un chaffaud, c’est le mot scientifique de la structure qui forme la croix sur laquelle on grimpe pour se faire crucifier) (true story), je déclame ma prophétie :

« Vous voulez des pizzas quatre fromages. Bande de sots. Chaque fois, vous répétez la même erreur, et vous n’apprenez jamais rien. Comme des chiens en cage, vous cherchez à attraper votre queue, devenant fous de n’y parvenir. Mais vous ignorez tout. Cette crasse indigence qui vous recouvre sera votre tombeau. Voyez. Écoutez ce que je dis. Entendez la prophétie du Prophète. Vous allez acheter des pizzas quatre fromages, mais vous allez vous ruer sur toutes les autres avant. Quand votre estomac sera plein, vous couperez la pizza quatre fromages. Et vous allez en manger une minuscule part, laissant le reste flotter sur les lagunes de votre indifférence ».

– Qu’est-ce qu’il dit ?, répond l’autre débile avec son accent pied-noir.
– I DIT QUE VOUS ALLEZ FAIRE COMME D’HAB, QUE VOUS ALLEZ BOUFFER NOS PIZZAS ET VOS QUATRE FROMAGES À LA CON, VOUS ALLEZ LES FOUTRE À LA POUBELLE, crie-je et m’étrangle-je (oui, c’est fait exprès, ça m’amuse de mal l’écrire).

Les pizzas arrivent. Vingt personnes, douze pizzas, six quatre fromages et MA reine.

On les distribue. J’ouvre mon carton, les autres avec les pizzas quatre fromages commencent à ressembler à des loups affamés, j’entends les conspirations s’ourdir, tel un escadron de moustiques ordonnant une attaque contre une artère fémorale. « J’ai pris une quatre fromages, mais je peux te prendre un morceau de ta paysanne ? Mais tu pourras prendre une part de la mienne avant ».

Les parts de pizza s’échangent, se monnayent même parfois : « j’achèterai un beignet à ton fils demain, si tu me laisses te prendre un croque dans ta napolitaine ».

Le festin s’achève enfin, le rosé a remplacé mon sang dorénavant, j’ai gardé un quart de ma reine. Comme des grosses mouches attirées, leurs yeux globuleux s’approchent de mon carton, c’est la dernière part qui n’est pas une quatre fromages. Des quatre fromages, il y en a encore deux entières que personne n’a touchées. Je les vois, je vais leur baygonner la gueule à ces connasses de mouches.

« Bzzzzzz. Bzzzzzzz. Bzzzzzz. Romain, il t’en reste ? Je peux te prendre ta dernière part ? Non, parce que j’ai pris une quatre fromages, mais j’en peux plus, là ». Je regarde ces grosses mouches. Elles s’approchent, j’ai peur qu’une ne me ceinture avec ses pattes gluantes. Je récolte du sable avec mes mains, je les positionne en cône au-dessus de mes restes. Les mouches s’arrêtent, elles ont peur, elles savent que je suis prêt à tout.

Mes mains s’entrouvrent, le sable glisse le long de ma paume et choit sur la pizza. Je regarde les mouches une dernière fois.

« Plutôt crever ».

Je me lève, je fous du sable encore, je prends le carton, je le déchire en plus petits morceaux qu’une offre de crédit Sofinco reçue par la poste, je jette tout ça à la poubelle, je torche mon verre, je suis bourré, je fais la bise de loin à tout le monde, je monte dans ma caisse, je démarre et en repassant, je lance en bon faux-cul : « Allez ! Bonne soirée ! C’était super ! Et les enfants étaient trop gentils ! On se refait ça la semaine prochaine ? ».

Tas de cons.

La Fnac sans garantie

Il y a peu de temps (c’était hier), je décidai d’aller à la Fnac, cette sympathique échoppe qui vend des biens de consommation aussi divers que des robots ménagers, des bigoudis électroniques, des guides du routard et des DVD de Zumba.

Lorgnant sur un tout nouvel ordinateur portable pour remplacer mon fringuant MacBook de 2008 qui commençait à montrer des signes de fatigue, je vais voir le vendeur et lui tins à peu près ce langage.

– Mon brave monsieur, je souhaiterais vous acheter cet ordinateur de la marque Apple.
– Mais bien sûr, me rétorque le monsieur propre sur lui et bien sous tout rapport. Lequel voulez-vous ? Celui avec 128 Go de disque dur, 256 Go ou 512 Go.
– Celui de 256 Go.
– Bien monsieur.

Tapant alors sur son ordinateur, il finit par me répondre :

Little Britain

« Damned », me dis-je à moi-même et au vendeur.

– Mais vous voulez pas celui avec 128 Go.
– Bah, que j’y dis, chépatrop. Vous savez, je voulais celui de 256 Go.
– Mais mon brave monsieur, vous vous faites duper par Apple, là. C’est pareil, du kif-kif bourricot ! 128 Go, c’est bien suffisant, vous prendrez un petit disque dur, ce sera super tellement bien et génial.
– Bon, ok, ok. Ça fait toujours 200 euros de moins.
– Eh oui, 200 euros de moins. C’est du super matériel en plus. Bien fini, joli, magique. Ça va multiplier par dix votre productivité.

Il tapote sur son clavier. Retapote et retapote.

– Vous voulez la garantie ?
– Euh… Je sais pas trop.
– Alors, je vais vous dire, c’est vraiment indispensable. Ça coûte 379 euros, et si votre ordinateur tombe en panne, on vous le remplace par un neuf pendant trois ans.
– Mais j’ai déjà une garantie de deux ans avec Apple ?
– Non. Un an seulement chez Apple. Et en plus, vous amenez la machine, il vous la garde six mois et encore s’il vous la rende jamais.

Bon, je sais que la garantie est de deux ans et ayant eu affaire au service clientèle d’Apple, je sais bien qu’il me ment. En plus, l’AppleCare est à 279 euros, 100 euros de moins.

« Non merci, je vais m’en passer », dis-je avec courtoisie.

Et là, tout s’arrête. C’est limite si je peux plus acheter la machine et le vendeur commence à me prendre la tête.

– Imaginez, monsieur, je dis ça pour vous. Imaginez que votre ordinateur, il tombe en panne. Nous, on vous le remplace direct, sans poser de questions. Vous allez payer 1300 euros une machine, c’est super cher, vous pourriez acheter une machine bien moins chère ! Alors franchement, vous pensez pas que ça vaut l’investissement de la garantie ?
– Bah, ça fait beaucoup de sous.

Il lance son simulateur et m’explique que 30 euros par mois en plus, c’est rien. « Surtout que vous pouvez être sûr que vous allez revenir ! »

– Comment ça ? demandé-je. J’ai un MacBook de 2008, j’ai jamais eu un problème.
– Ah oui, mais ça, c’était avant ! Maintenant, les Mac, c’est plus ce que c’était ! C’est de la vraie camelote.
– De la camelote vendue si chère ?
– Les gens les achètent ! Mais je vais vous dire : 57% des machines qu’on vend reviennent en réparation. 57% ! Pas plus tard que la semaine dernière, une étudiante est venue avec sa machine qui était en panne avec tous ses cours dessus. On lui a changé pour une neuve car elle avait pris la garantie, et elle m’a remercié !
– Mais elle a tout perdu alors ?
– C’est pas ça, ce que je veux dire. Ce que je veux dire, c’est que sans la garantie, sa machine, elle pouvait la jeter.
– Pourquoi elle pouvait pas la réparer ?
– Une réparation chez Apple, ça coûte plus cher que de changer de machine, c’est l’obsolescence programmée !
– Non, mais écoutez, ça ne m’intéresse pas.
– Nous, si on fait des garanties, c’est pas pour nous, c’est pour les clients.

Prends-moi pour un gros con pendant que tu y es. Genre « On vend des garanties à perte ».

– Je vous dis non. Mais du coup, j’hésite, est-ce que ça vaut le coup que j’achète si cher une machine qui est si nulle et si peu fiable. Autant que je prenne un truc à 300 euros.
– C’est vous qui voyez.

Bah ça va être vite vu, mec, si tu continues à te la jouer Chevalier et Lasaplès, ta machine, tu vas te la mettre dans le cul, pensé-je intérieurement, seulement parce que je suis poli.

– Ecoutez, je suis désolé, mais je ne veux pas.
– Sinon, il y a la garantie à 195 euros. C’est bris, casse, vol et oxydation. C’est important, ça l’oxydation, surtout quand on s’essuie mal les mains comme certaines ou qu’on sue des doigts ! Je vous mets celle-là ?
– Non.

Il reprend sa table de calcul pour me dire combien ça me fera en plus. Il commence sérieusement à m’agacer…

– Alors, je vous la mets ?
– Non, mais non. Je ne veux pas de garantie.
– Bon. Alors pas de garantie.
– NON.

Ça fait déjà une demi-heure que je suis à la Fnac. J’ai envie de pleurer.

– Le prenez pas comme ça.
– Je le prends comme je veux, monsieur, ça va bien maintenant. Vous me la vendez cette machine que je ne souhaite pas acheter ?
– Sans la garantie alors ?
– Sans la garantie. Désolé.
– Oh, ne soyez pas désolé, ça me fait plaisir, vous savez : je sais déjà que je vais vous revoir. Voici votre papier, passez en caisse et vous pourrez récupérer votre machine au retrait des marchandises.

Je lui arrache le papier des mains. « Merci », dis-je. Et je me barre.

Inutile de dire qu’à peine avais-je le fameux bon de commande, je me suis empressé de le foutre dans une poubelle.

Secret de polichinelle

Ça ne semble rien comme ça, je sais, mais je tape intégralement cet article avec le seul pouvoir de ma pensée. Balèze, non ? Mais enfin, ce n’est pas pour déblatérer sur mes compétences paranormales et psychiques que j’ai décidé d’écrire ce post, mais pour un sujet beaucoup plus sérieux : la tragédie de Ferguson.

Non, je déconne.

Je pourrais en parler, hein, mais en fait, j’ai pas trop suivi. Moi, je croyais que le coupable c’était celui qui était mort, je comprenais pas trop pourquoi on le jugeait du coup. Peut-être pour avoir fait obstacle à la balle du policier ? En langage juridique, ça s’appelle : « entrave à la progression d’un projectile d’arme à feu d’un calibre inférieur à 20 mm ». C’est sûrement ce que j’aurais dit si BFM TV m’avait appelé en tant qu’expert sur le sujet (bien sûr, je ne suis pas expert, mais BFM TV n’est pas à cheval sur le concept des experts).

D’ailleurs, sur la porte d’entrée de BFM, il est écrit : « Entre ici, expert en n’importe quoi, ceux qui vont t’écouter dire n’importe quoi te saluent ». Je le sais, car c’est mon père qui a gravé cette plaque. Oui, mon père est graveur, je vois pas en quoi ça vous dérange.

J’en étais où ? Ah oui. BFM et les experts. L’autre jour, ils interviewaient un expert sur le message de l’otage français dont on savait pas encore si c’était vraiment lui ou pas. Et l’expert répétait ad nauseam qu’il ne pouvait rien expertiser, car on n’était même pas sûr que ce soit un otage français sur la vidéo. Et le journaliste de BFM de répondre : « Oui, mais bon, vous avez pensé quoi la dernière fois que vous avez mangé une charlotte aux fraises ? Parce que finalement, c’est un peu pareil ». Et l’expert a fait semblant de ne pas comprendre. La petite enflure.

Parlant de l’État islamique (ou n’en parlant probablement pas, j’en sais rien…), hier, j’ai aidé deux extrémistes à se rendre à La Courneuve. J’ai longuement réfléchi s’ils avaient une bombe sur eux, mais la seule chose qu’ils avaient c’était un vieux sac plastique. Ça m’a pas semblé possible que ce soit une bombe. Ou alors une toute petite. Une bombinette. Et puis, l’un d’eux s’est gratté le cul, je me suis dit qu’ils étaient beaucoup trop détendus pour être des terroristes.

Ça me fait penser à un truc qui n’a rien à voir, mais vous ne trouvez pas que le site des Inrocks publie beaucoup trop de vidéos d’extraits télé. On y poste même des extraits des émissions de Ruquier. Non, mais sérieusement, quand c’est Télé Star ou Loisirs, je comprends, mais Les Inrocks ?! Seriously ? Ils essaient d’être le nouveau Melty ?

Je le supporte pas des masses le directeur de Melty, le mec qui fait semblant d’être cool, là, avec sa calvitie galopante. Oh putain, ça me rappelle que je dois racheter du shampoing. Demain, j’ai piscine et ça me rend les cheveux tout secs. Le coiffeur, l’autre jour, a été bien sympa, il a fait semblant de pas voir que j’étais chauve. Il a dit : « Non, vous les perdez à peine, on voit presque rien », tout en brossant une touffe derrière mon oreille vers l’avant de mon front. J’ai quand même acheté sa lotion capillaire à 18 euros. Pour un mec qui n’a pas de cheveux, c’est assez stupide comme démarche.

Vous saviez que John Cleese n’a jamais aimé le sketch sur le Ministère des démarches à la con ? J’ai appris ça en regardant un docu de UKTV. Dingue, non ?

Oui, je sais : on n’y comprend rien à cet article de blog, c’est chiant, ça passe d’un sujet à l’autre, y a rien de constant ni de construit. C’est complètement zinzin. Mais n’ayez pas l’air surpris, je vous l’ai dit dès le début : je le tape avec le pouvoir de ma pensée, c’est donc exactement comme si vous étiez dans ma tête. Alors, c’est chiant, mais, vous, au moins, vous avez de la chance : vous pouvez arrêter dès que vous le voulez.