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Art du marketing : le bonimenteur psycho-cognitif

J’ai souvent l’impression qu’on nous prend pour des truffes, et je crois que la grande majorité du temps j’ai raison.

Donc, dans la longue liste des sociétés qui vendent de la fumée, voici Oorace. Je ne sais pas si vous connaissez, mais cette société propose un service de recommandation sur Internet. Enfin, je crois. En réalité, je n’ai pas vraiment compris. Ou plutôt, j’ai trop bien compris.

Petit laïus liminaire aux gens qui ne s’intéressent pas à la question
Quand on navigue sur Internet, des sociétés très bien intentionnées regardent sur quoi on clique, d’où on vient et où on va, et affichent de la publicité en conséquence.
Fin du laïus

Généralement, ce sont des algorithmes qui calculent très savamment quelles pubs affichées selon les recherches que vous avez effectuées et une palanquée d’autres paramètres. L’idée, bien sûr, étant que vous achetiez le produit qui est proposé (ou qu’au moins vous cliquiez sur le lien pour vous rendre sur le site de la boutique). On ne peut pas dire que ça marche génialement, mais comme je fais partie des gens qui cliquent systématiquement sur la case : “Ne regardez pas sur quoi je clique pour m’afficher vos pubs, allez, soyez sympa, merci, bisou” », peut-être que les Criteo (le leader dans le domaine) et autres respectent véritablement ma décision (LOL).

Bon, mais tout ça, c’était AVANT. Je vous présente l’avenir, l’avenir s’appelle Oorace.

Et Oorace chamboule TOTALEMENT cette technique de recommandations grâce au principe de (attention, on active tout de suite le Bullshit Generator, y a du level) « Sérendipité Psycho-Cognitive® » (oui, c’est une marque registred, un truc comme ça, on ne voudrait pas que les gens vous le piquent).

« Hiiiiiii ! Mais c’est géniâââââââl. Qu’est-ce donc ? », vous entends-je crier devant mon clavier tellement c’est révolutionnaire. C’est un truc fabuleux qui explique que pour savoir ce que vous voulez vraiment acheter, il faut attendre le moment où vous vous baladez sur Internet sans rien chercher. Mais ce sont les fondateurs d’Oorace qui en parlent le mieux :

Psychotrucmachin

Prêt à laisser votre subconscient remonter à la surface grâce à des ancres cognitives ? Bravo ! Vous avez tout compris à Oorace. Mais comment donc ça marche ? Eh bien, vous ne vous en doutiez sûrement pas, mais vos clics disent tout de vous. Et notamment ce que vous ne dites pas. Plus fort encore, ces clics génèrent un « Wow ! Effect ». Et les recommandations d’Oorace concernent donc des centres d’intérêt non exprimés par l’individu pour procurer ce « Wow ! Effect » (oui, le bullshit generator carbure à toute vitesse).

Waouhou, l'effet !

“Ce que tu n’exprimes pas te rend plus fort”, disait Lao-tseu ou Marc Lévy, je ne me rappelle jamais.

Prenons donc un exemple, car c’est toujours plus clair avec des exemples. Je me balade sur Internet sans trop de buts. Pour 90% de la population des internets, ça signifie : “Je mate des vidéos de chatons sur YouTube ou des vidéos pornos sur YouPorn”. 9% s’instruisent sur Wikipedia. Et le 1% restant fait du tourisme avec Street View.

Avec un outil de recommandation traditionnel, on vous proposerait de la bouffe pour chaton, un lien vers un sex-shop, une encyclopédie Larousse ou bien des tickets d’avion. Nul. Nul. Nul. Grâce à Oorace, on peut ainsi voir une pub pour une promo boudin blanc chez Leclerc parce que l’algorithme aura compris dans votre absence de clics sur des photos de boudin blanc que vous aviez faim ou bien un lien vers l’achat d’une Lamborghini en 12 mois sans frais parce qu’au fond de vous, c’est votre rêve secret.

Mais attention, il est indispensable pour que l’achat se concrétise que la pub apparaisse au bon moment (c’est la contrepartie du « Wow ! Effect » et la « pierre angulaire du principe de Sérendipité Pyscho-Cognitive® »). Pour cela, Oorace propose deux modes. Le mode « push » qui déclenche « la décision d’achat grâce à une recommandation sous forme d’un slider » -> ORIGINALITÉ ET EFFET SURPRISE INSIDE. Et le mode « retargeting » qui « favorise le retour raisonné vers l’achat ».

Le bon moment

J’imagine la réunion au service marketing d’Oorace :
Jean-Baptiste : What does this bullshit mean ?
Jean-Daniel : I don’t know and I don’t give a fuck. But it sounds great.
Frédéric Beigbeder : Yeah, it sounds fucking great. Why are we speaking in English ? Let’s sniffe some cocaïne.
Jean-Yannis : Because, everything sounds better in English. And this cocaïne is amaaaaaaaaazing.

En réalité, le truc le plus déprimant de toute cette entourloupe digne d’une arnaque nigériane, c’est que des sociétés croient réellement à cet amas de foutaises et dépensent des centaines de milliers d’euros pour des bandeaux publicitaires générés aléatoirement (pardon “des bandeaux publicitaires inattendus et liés à un centre d’intérêt non exprimé par le visiteur qui générera une émotion, car elle s’adressera à son subconscient”).

Y a des ancres cognitives dans la gueule qui se perdent…

Publié dansCours de marketing

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