Quand on descend la rue de Gaîté, on passe devant un sex-shop où on lit en grandes lettres dorées : « Du distributeur au consommateur ». J’imagine que le gérant pense qu’on se dit qu’on s’y retrouve niveau fric. Est-ce que c’est vraiment vendeur pour des cabines de projection avec “un choix de 3000 films pour un euros” ? J’ai des doutes.
Mais de toute façon, aujourd’hui, je vais vous parler yoghourt. C’est peu de le dire, mais s’il y a un endroit où le marketing sait faire des ravages, c’est bien dans l’industrie agroalimentaire du lait caillé. Et les yaourts sont, à ce titre, les champions toutes catégories. Et vas-y que je te fous du bidifus actif dedans et que si tu en bouffes des plâtrées entières pendant six mois, tu vas plus te reconnaître tellement t’auras la tronche d’un type qui a passé quatre ans dans Koh Lanta. Pis, y a l’autre, là, le lait ultra-concentré qui “renforce nos défenses naturelles” et qui empêche mamie d’attraper la grippe (aviaire ou pas). N’oublions pas non plus les magistrales Mousses de crème et autres Perles de lait, une véritable leçon.
C’est fou, le yoghourt, je crois que je pourrais en parler des heures, si ce n’est des années.
Or, donc, et par conséquent, tout à l’heure, j’étais à l’intérieur du Monoprix de Montparnasse en train de faire mes courses. Je t’ai dit ? Un jour j’y ai croisé le sosie (ou était-ce lui ?) de Domenech ! Véridique. Enfin bon, j’arrive au rayon des yaourts et, là, je suis comme d’habitude assommé par le choix délirant : un nombre de variétés qui se compte à mon avis par milliers.
Je m’élance tel un seul homme et me saisit d’une boîte de quatre pots d’Activia saveur Vanille. Activia, c’est Danone, c’est celui avec le bifidus actif dedans, d’ailleurs. Sur le côté du paquet, écrit en très gros, je lis :
Voilà une bonne nouvelle ! Oui, parce qu’il faut savoir que si le yaourt fait autant de bien à l’organisme, il fait beaucoup plus de mal à la planète avec ses emballages poisseux et pire encore ses suremballages.
Le champion dans la catégorie, je crois que c’est Bonne Maman avec sa collection de biscuits (tartelettes, madeleines…) : chaque gâteau est minutieusement emballé sous un film plastique. Une véritable leçon de développement durable.
Mais revenons à mes yaourts : Activia supprime ainsi ses suremballages “sur les lots par 4”. “À la bonne heure”, je me dis, “la pratique du suremballage permettait principalement aux gens de ne pas découper les yaourts pour n’en prendre que deux et demi, ils ont dû se dire que ce n’était plus la peine, mais bon ils les laissent sur les paquets de huit, quand même, on n’est jamais trop prudent : si ça se trouve, un con pourrait casser un paquet de huit pour en faire un de six et un de deux”. Ma réflexion faite, je glisse le lot dans ma panière et je jette un œil rapidement sur le renvoi après l’annonce, juste derrière le “4”. Et je lis :
* Sauf sur les lots conservant leurs suremballages
Les bras m’en sont tombés, Monsieur Jourdain. Activita supprime les suremballages de ses lots de quatre sauf quand elle ne les supprime pas. L’intérêt de cette précision dépasse à mon sens l’entendement de l’intelligence humaine et il faut être ou très con ou s’appeler Morandini pour que cela puisse ne serait-ce que sembler un minimum pertinent. Mais, ça ne s’arrête pas là. Juste après, une seconde précision tout aussi utile :
* Sauf sur les lots conservant leurs suremballages et sur les lots existants déjà sans suremballage.
On ne saurait mieux dire. Si cette précision a très certainement une raison d’être légale, on se dit qu’atteindre ce degré de connerie dans l’enfoncement de portes ouvertes n’est pas donné à tout le monde. Et je comprends mieux pourquoi il faut faire de grandes écoles prestigieuses et ô combien coûteuses pour atteindre ce nirvana de la réflexion et toucher du doigt le Walhalla du marketing : la joie de prendre le reste de la planète pour des abrutis.
Attends, là, sur ta deuxième photo, c’est bien inscrit sur le suremballage du lot, non ?
C’est merveilleux…
Il faut dire qu’avant de s’appeler Activia, ces yaourts s’appelaient Bio, alors qu’ils ne l’étaient pas (bio). En matière de prise du client pour un con, ça remonte à loin.
(Précision sans grande importance ; c’était très probablement ce cher Raymond, il habite dans ce coin et je le croise également souvent dans ce Monoprix)
Puisque j’ai décidé de commenter toutes tes notes¹, voici mon grain de sel :
Je doute fort que ce soit le vrai Domenech. Monoprix ne figurant pas sur la liste des partenaires officiels de l’équipe de France, le sélectionneur national n’est pas autorisé à associer son image à la leur (c’est inscrit en toute lettre dans son contrat). En conséquence, le vrai Domenech, souhaitant outrepasser l’interdit et aller quand même chez Monoprix, eut été obligé de dissimuler son visage sous une cagoule corse. Nous avons donc affaire à un sosie.
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¹ Sauf celles que je ne commente pas.
J’espère que tous ces caractères sont écrits avec de l’encre bio avec des presses n,ayant jamais écrasé d’animaux.
Quoi ? l’éco-marketing serait une arnaque ? Un petit yaourt au cyanure pour l’indécrottable cynique qui a eu cette idée !
Et sinon, c’est pour préparer tes prochaines compets de Tennis que tu manges des Activia ?
Cette question est sans fondement aucun.
beurk mais c’est quoi ce cendrier dégueulasse derrière les activia?
Cette question n’appelle aucune réponse.
Détail cocasse, cette opération ne durerait que le mois d’avril. C’est marqué dessus.
On a encore beaucoup de choses à apprendre sur la connerie humaine, mes amis.
Et à votre avis, ça reflète la connerie des experts mercatique ou bien celle des consommateurs ?
L’exemple que tu donnes chatouille en effet les limites du bon sens, ou du sens tout court ; et il m’arrive également d’enrager devant les tricks des marketeurs (exemple type dans un hypermarché digne de ce nom : mettre les eaux minérales et autres liquides au fond du magasin, sûrs qu’ils sont les salauds que un jour ou l’autre tu auras soif, et s’assurant ainsi que tu traverses les quarante douze mille autres rayons stratégiquement installés en amont…avec un peu de chance ta cristalline se sentira moins seul en caisse).
Mais, en même temps, je ne peux m’empêcher de tiquer à te lire : “Et je comprends mieux pourquoi il faut faire de grandes écoles prestigieuses et ô combien coûteuses pour pouvoir atteindre ce nirvana de la réflexion et toucher du doigt ce Walhalla du marketing : la joie de prendre le reste de la planète pour des abrutis.” ; pourquoi faut-il toujours que l’intello-parisiano-bobo (classe à laquelle je dois sûrement être rattaché étant donné que je prends le temps d’écrire ici et que je vais être un de ces jours diplômé d’une de ces “grandes écoles prestigieuses et ô combien coûteuses”) s’émeuve de l’indigence intellectuelle qui sévit aux abords du périphérique, et veuille souffleter tous ces débiles qui l’étouffent…?
Et comprends moins bien, je pense m’inscrire dans une veine largement marketo-sceptique, et ne suis pas laudateur vis-à-vis de ma formation.
En résumé : tout à fait d’accord dans le fonds, mais dans la forme je te trouve caricatural.
Je reprends donc la question de WB ci dessus : “Et à votre avis, ça reflète la connerie des experts mercatique ou bien celle des consommateurs ?”, et j’ajoute “ou celle propre de celui qui écrit ?”
Mea culpa pour le ton un peu tranchant de ce dernier comment, ci-dessous un lien vers un article de mon crû sur le thème voisin de l’effet pervers de la consommation : http://lanterne-et-entrefilet.blogspot.com/2010/04/la-decroissance-en-question.html.