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Mois : juillet 2013

Cahiers interdits (2) / Délit de faciès

De 2011 à 2013, Gaston Petipetons était journaliste dans un magazine consacré à la télévision(1). Après son licenciement, il a disparu de la surface de la planète. Où ? Nul ne le sait. Quarante ans plus tard, en rangeant les affaires de son mari pour les mettre au grenier, sa veuve a retrouvé des cahiers qu’il rédigea tout au long de cette période et qui constitue un témoignage bouleversant sur le métier de journaliste au début de ce millénaire, à l’heure où la presse balbutiait sur Internet et où le modèle économique du « papier » périclitait lentement mais sûrement. Elle nous les a confiés. C’est ce que nous vous proposons de lire aujourd’hui.

Par respect pour son auteur, nous retranscrivons ces cahiers tels qu’ils ont été rédigés et dans l’ordre de leur écriture qui ne suit, semble-t-il, pas l’ordre chronologique des événements.

Que toutes les nouvelles générations de journalistes y trouvent ici un manifeste vibrant sur ce métier magnifique ainsi qu’une source d’inspiration pour l’avenir.

(1) la télévision était un support de projection (souvent familiale, installée dans le salon) qui permettait à tout un chacun de profiter de vidéos dans un ordre prédéfini par une série de producteurs regroupés ensemble sous l’appellation de « chaîne ». Un peu comme une liste de lecture sur YouTube aujourd’hui.

Le premier épisode.

Le boulot de journaliste

Jeudi 7 juillet 2011

Eh bien quelle aventure ! Il est 22h45. Je crois que c’est fini. Normalement, je ne récupérerai pas mes cartons. En tout cas pas cette semaine.

Ce matin, j’ai finalement pu interviewer Bruno, l’auteur du livre Les Coulisses du Tour. Le mec m’a raconté plein de petites anecdotes, c’était très sympa. Je n’ai pas annulé l’interview malgré les remarques du red’chef adjoint la veille parce que je me suis dit : “Ça me fera toujours mon encadré”. Malin. J’ai quand même tenté de savoir s’il n’avait pas l’intention de partir bientôt en camping-car et en famille à l’avenir… Voire même s’il comptait se faire immatriculer dans l’Essonne. Mais non. Ç’aurait pu. C’est con. “Le Tour”, m’a-t-il dit, “c’est avec ma Peugeot, c’est comme ça depuis toujours”.

Et puis, l’interview de François, mon retraité qui piste le Tour avec sa femme, Marie-Françoise, dans leur camping-car, a été avancé à 12h00. C’était carrément mieux.

Midi sonne, j’appelle, répondeur. 12h10, j’appelle, répondeur. 12h20, j’appelle, répondeur. 12h30, j’appelle Cofidis et je leur demande s’ils savent où je peux joindre François. Cofidis n’a pas que ça à foutre de me répondre, ils sont sur le Tour, mais ils me promettent que dès qu’ils l’aperçoivent sur la route, ils lui passent le message de regarder son téléphone. La modernité.

C’est à 15 heures, après plus de vingt essais infructueux que François décroche. Il empeste le pastis à travers le combiné. Et il m’explique qu’on a pas beaucoup de temps parce que le peloton va passer et que KKRZRKRKKZKZKRKKKRZ. Ça coupe. Je rappelle. Le jeu dure une dizaine de minutes. L’interview est plutôt surréelle : sa femme, derrière, n’arrête pas de lui dire que “Ça y est, ils arrivent”, à chaque fois François veut raccrocher, à chaque fois, je sauve la situation, mais je me demande vraiment pourquoi vu qu’il ne répond pas à mes questions et qu’il jure une phrase sur deux. Au bout d’un moment, le peloton passe vraiment, et là, François raccroche définitivement.

J’ai un ersatz d’interview qui – en tirant à la ligne – devrait faire 1200 signes. Max. Heureusement que j’ai Bruno en back-up. Fort de cette réussite, je retourne voir mon red’chef adjoint…

Homme

  • J’ai eu les interviews. François, le retraité, et Bruno.
  • C’est qui Bruno ?
  • L’auteur du bouquin.
  • Mais je le veux pas, lui.
  • Oui, mais l’interview de François, c’est pas top top.
  • C’est-à-dire ?
  • C’est-à-dire qu’une fois qu’ils m’ont dit qu’ils suivaient le Tour de France en camping-car, la conversation n’est pas vraiment allée plus loin. Ils n’avaient pas grand-chose à me dire. Du coup, on pourrait faire : François et sa femme qui font le Tour de France avec leur camping-car en leader et, en encadré (je place mon astuce), Bruno et son livre.
  • Mouais, dit mon red’chef adjoint, pas très convaincu.
  • Et en plus, je te fais “Le Tour en chiffre”. Pour le même prix.
  • Mouhoqué.

Ni une, ni deux, je rédige mes papiers, et paf, je les envoie.

  • Gaston ? Gaston, tu peux venir voir ?
  • J’arriiiiiiiiiiive.

Homme

  • C’est… C’est tout ce qu’ils t’ont dit ?
  • Bah oui…
  • Eh bien, c’est pas très intéressant…
  • Je sais.
  • Écoute, on envoie comme ça pour le moment, et on regarde ça. Tu donnes la photo à la maquette ?
  • La photo ? Quelle photo ?
  • La photo des retraités devant leur camping-car.
  • Mais j’ai pas de photo.
  • Ils en avaient pas ?
  • J’en… J’en sais rien.
  • Eh bien, il en faut une ! Comment on illustre l’article sinon ?
  • Je sais pas : des photos de camping-car !
  • Mais il faut leur photo puisqu’on les interviewe ! Ils n’ont qu’à en faire une avec leur portable et te l’envoyer par mail ?
  • Ils ont 70 berges, ils regardent le Tour, je crois pas qu’ils soient à jeun et ils sont dans un putain de camping-car sans Internet.
  • Gaston. Il faut leur photo. Débrouille-toi. Envoie un photographe sur place qui les trouve et les photographie.

Je retourne à mon bureau, reprends mon téléphone, et je passe l’après-midi à tenter de joindre François qui ne me répondra pas. J’essaie de booker un photographe pour me trouver François et Marie-Françoise. Personne n’est libre. J’appelle Cofidis, j’explique mon problème :
– Voilà, les retraités que vous m’avez permis d’interviewer. Par PUR hasard. Vous ne les auriez pas en photo ?
– Ah, je peux regarder ça ce soir, après l’étape, c’est possible.
– Si vous en avez, prévenez-moi au plus vite sinon, je dois envoyer un photographe sur place pour les prendre en photo et comme ils ne répondent pas et que j’ai aucune idée de l’endroit où ils sont…
– Bien sûr.

Depuis le début de la soirée, je regarde donc constamment mon mail et enfin, ça y est, à 22h42, j’ai reçu une photo. Mon contact m’explique : “J’ai cherché une photo de François et de son camping-car, mais je n’en trouve pas. J’ai juste François et sa femme au bord de la route habillés en supporters. Je vous joins quand même la photo. Si demain c’est encore possible, on peut vous en faire une”. J’en étais là quand j’ai commencé à écrire ce texte. Allez, j’ouvre la photo, je croise les doigts. Avec un peu de chance, le camping-car n’est pas loin, derrière, on voit peut-être le capot.

François et son camping car

Et merde. Ça ne va pas le faire.

Vendredi 8 juillet 2011

Le vendredi, c’est le jour de la conférence de rédaction. Je déteste ce jour-là. Je dois proposer des sujets dits “technos”, mais j’ai pas bien compris ce qui relevait exactement du “techno” dans le cadre d’un journal télé. Du coup, je parle des tablettes et des services web des chaînes en général et puis de l’écologie, de la nature, de la science…

En réalité, j’ai l’impression que le moment où je prends la parole, c’est l’instant “détente-humiliation” de ma red’chef. Parfois, quand c’est mon tour de présenter mes sujets, elle sort de la salle en disant : “Continuez sans moi” et quand elle reste, elle fait des réflexions type : “Pffff”, “N’importe quoi”, “C’est pas vrai, chez moi ça marche”, “Je ne comprends pas”, “C’est pas clair”, “Dépêche-toi”, “Va plus vite”, “C’est long”, “Ok, next”. Mais le plus souvent, elle joue à Angry Birds. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est elle qui le raconte dans les bouquins qu’elle a écrits.

Quand je suis arrivé ce vendredi, donc, avec la boule au ventre à cause de la conf de rédac, j’ai retrouvé mon red’chef adjoint et je lui ai montré l’unique photo de mes retraités. “Et tu n’en as pas d’autres ? Parce que ça va faire vraiment le journal du troisième âge : on a Jeanne Moreau la page d’avant et Marthe Villalonga la page d’après”.

J’ai des cernes sous les yeux qui touchent le plancher, les cheveux plus plats qu’une limande, ça allonge mon visage, on dirait que je viens d’enterrer toute ma famille alors le red’chef adjoint, magnanime, consent un : “Non, mais ça va aller”.

Du coup, changement de plan : le Bruno qu’on m’avait refusé passe en pleine page, les retraités sont relégués en bas de page. Et finalement, j’arrive quand même à caser mon encadré “Le Tour en chiffres”. Et je crois que je vais passer mon week-end à dormir.

Un Tour à la page

(Il va sans dire qu’à la dernière question posée à Bruno, les SR ont écrit : “(il sourit)”. Vu que j’étais au téléphone, je n’en ai pas la moindre idée s’il a souri. Si ça se trouve, il ne voulait VRAIMENT pas que je l’écrive).

A la fin de la conférence de rédaction, on a distribué les sujets de la semaine suivante. J’ai eu le droit qu’à du facile : “Charlène et Albert : Déjà en froid ?”, une interview de Natacha Amal (où elle doit me dire tout le mal qu’elle pense d’Ingrid Chauvin qui ne l’a pas invité à son mariage) et les nouveaux jeux de l’été: “Money Drop” et “Connaissez-vous bien la France ?”. Easy, mec.

Cahiers interdits (1) / Ma tête au bout d’un pic

De 2011 à 2013, Gaston Petipetons était journaliste dans un magazine consacré à la télévision(1). Après son licenciement, il a disparu de la surface de la planète. Où ? Nul ne le sait. Quarante ans plus tard, en rangeant les affaires de son mari pour les mettre au grenier, sa veuve a retrouvé des cahiers qu’il rédigea tout au long de cette période et qui constitue un témoignage bouleversant sur le métier de journaliste au début de ce millénaire, à l’heure où la presse balbutiait sur Internet et où le modèle économique du “papier” périclitait lentement mais sûrement. Elle nous les a confiés. C’est ce que nous vous proposons de lire aujourd’hui.

Par respect pour son auteur, nous retranscrivons ces cahiers tels qu’ils ont été rédigés et dans l’ordre de leur écriture qui ne suit, semble-t-il, pas l’ordre chronologique des événements.

Que toutes les nouvelles générations de journalistes y trouvent ici un manifeste vibrant sur ce métier magnifique ainsi qu’une source d’inspiration pour l’avenir.

(1) la télévision était un support de projection (souvent familiale, installée dans le salon) qui permettait à tout un chacun de profiter de vidéos dans un ordre prédéfini par une série de producteurs regroupés ensemble sous l’appellation de “chaîne”. Un peu comme une liste de lecture sur YouTube aujourd’hui.

Le boulot de journaliste

Mercredi 6 juillet 2011

J’ai finalement décidé de raconter ce qu’il se passe au bureau. C’est un ami du deuxième étage qui me l’a conseillé. “Parfois”, m’a-t-il dit, “écrire ce qu’on vit nous aide à le surpasser et surtout à se calmer”. Et aujourd’hui, ça ne va pas bien du tout. Je stresse. C’est l’angoisse qui remonte dans le bas du ventre et qui explose au cœur du plexus solaire en irradiant toute la poitrine. Pourtant, ça avait bien commencé : je devais suivre une étape du Tour de France, alors en Bretagne, en ridant à travers les vélos sur une moto de la production de France Télévisions. Ensuite, retour dans nos quartiers généraux à Paris où j’aurais écrit sur cette expérience. Je ne sais vraiment pas qui ça aurait intéressé, mais c’était quand même cool de faire un truc qui me sorte enfin du bureau. Oui, parce que jusque là, je crois que j’ai bien mérité le surnom que me donnait ma mère : «cul collé». Je crois que je me lève trois fois dans la journée : une pour pisser, une pour le déjeuner et une pour me barrer. Le reste du temps, j’ai les yeux rivés sur l’écran, à taper et taper des lignes de conneries qui seront lues en trois secondes par Madame Michu et son époux. Madame Michu, c’est comme ça que la red’chef appelle nos lecteurs. Je trouve ça péjoratif, mais vu qu’elle a fait des croisières avec eux, elle sait mieux que moi à quoi ils ressemblent. Je lui fais confiance sur ce coup.

Quand ça m’a été proposé, je stressais (déjà) un peu parce que la moto, ça me fiche un peu la trouille, mais en même temps, je me voyais enfin en véritable reporter. Toutes ces années à trimer allaient enfin payer, fini les coups de fil aux attachés de presse, j’allais partir “sur le terrain”, dans les tranchées de Plougastel et raconter MON Tour de l’intérieur. De quoi faire pâlir Hunter S. Thompson.

Patatras. Hier soir, mardi, la mission est annulée pour cause de mauvais temps. Mais mon red’chef adjoint vient me voir : “On fait quand même un sujet sur le Tour de France, si tu as une idée…”. Non, j’ai pas d’idée. Et en plus, dès qu’on m’en demande, j’en ai encore moins, mon cerveau passe en encéphalogramme plat, ça fait “bzzzzz” entre mes oreilles. Je balbutie : “Euh, pfrtrft, euh… Le Tour en chiffre ?”. “Non”, me répond-il, “déjà fait. Tu réfléchis et on en discute demain ?”

Ce matin, j’avais pas la queue de l’ombre d’une idée. Je le retrouve à 10 heures et il me dit :
– Alors, pour le Tour de France, ce qu’on va faire, c’est que tu vas nous faire, tu sais, un papier sur les fanas du Tour. Il y a toujours des gens qui le suivent en caravane. Il faudrait faire un article sur eux, ceux qui le suivent du début à la fin. On titrera ça “Les passionnés du Tour”, quelque chose comme ça.
– Euh… Je te les trouve… depuis Paris ?
– Oui. Voilà, c’est ça : une famille qui suit le Tour de France en camping-car depuis la première étape jusqu’à la dernière. Il y en a des milliers chaque année, ça va pas être trop dur !
– Mais… Tu veux que je les trouve… depuis Paris ?, recommencé-je, interloqué.
– Oui, tu appelles la presse régionale, j’ai lu un article dessus dans Le Littoral.

Gloups

Dans mon cerveau, qui vient de se relancer comme un ordinateur sous Windows 95, je commence déjà à entrevoir la galère se dessiner.

  • Ok, je réponds d’une voix blanche et atone, j’ai jusqu’à quand ?
  • Demain soir ?

J’ai cru que j’allais m’évanouir. Il faut dire qu’au bureau, l’échec n’est pas une solution. J’ai pas le droit de dire : “j’ai pas réussi à faire l’article, trouvons un plan B”. En fait, je pourrais, mais dans ce cas, on m’envoie dans le bureau de la red’chef. Et elle me terrorise. Quand j’arrive devant, c’est comme si j’étais aux portes de l’enfer et que des gnomes armés de hallebardes me piquaient les fesses pour me faire avancer. J’ai des palpitations, la gorge sèche. On raconte qu’un jour un type est rentré dans son bureau et qu’il en est ressorti tremblant comme une feuille, qu’il a pris ses affaires et qu’on ne l’a jamais revu. Je crois que c’est une légende que je me suis inventée, mais j’y crois dur comme fer. Et je suis certain que si je n’arrive pas à faire cet article, je pourrais repartir vendredi avec mon carton.

Il est 10 heures et je commence mon enquête impossible. D’abord, j’écume tous les vélos-club de la région, je me crée des comptes partout, je laisse des messages sur les forums, les répondeurs, j’envoie des mails où j’explique que je cherche une famille qui suit le Tour de France du début à la fin en camping-car. J’appelle France Télévisions qui diffuse le Tour, les organisateurs (ASO), personne ne connaît personne qui suit le tour en camping-car. Les seuls qui me répondent sont les anti-caravanistes qui sont saoulés par toutes ces caravanes qui suivent le Tour de France. Ça me déprime. Je tente de convaincre mon intervenant de me donner le nom d’un d’entre eux : “Vous ne pensez quand même pas que je vais leur faire de la pub !”, s’étouffe-t-il.

Ensuite, j’épluche la presse locale, la doc de notre journal m’est d’une aide précieuse, j’identifie un article écrit par une journaliste de Ouest-France du bureau de Caen, je contacte Ouest-France, mais je ne suis pas au bon bureau, je retrouve le bon bureau, la journaliste est une pigiste, on lui laisse un message, elle va me rappeler, me dit-on. Faible espoir d’entrevoir le bout de la galère à ce moment de la journée. Si la famille voulait bien me parler, ce serait quasi-bon. Enfin, ce serait un décalque de l’article de Ouest-France, mais après tout, ce serait toujours mieux que rien.

15h00, la journaliste me fait savoir que “Non, je ne veux pas vous donner le nom de ces personnes”. Entre temps, j’avais trouvé le téléphone de la famille dans l’annuaire et je l’avais déjà appelée, mais elle ne me répondait pas. Pour cause : elle suivait le Tour de France, elle n’était donc pas à son domicile.

La clepsydre commence à dangereusement se vider, je suis hyper irritable. Changement de fusil d’épaule, je découvre qu’un type a écrit un bouquin sur le Tour de France, un mec passionné de vélo qui le suit depuis des années en voiture, du début jusqu’à la fin et qui raconte comment il a trompé la sécurité en rachetant des combinaisons de mécaniciens pour passer les vigiles afin de vivre le Tour de l’intérieur. Je le contacte, il est ok pour une interview le lendemain matin. VICTOIRE !

Je vais voir mon réd’chef adjoint, un peu comme si j’étais Robert Redford dans Les Hommes du président

Homme

  • C’est bon, j’ai quelqu’un. Il suit le Tour de France du début jusqu’à la fin depuis plusieurs années, il a même écrit un livre.
  • C’est un homme ?
  • Oui.
  • Ce serait mieux une femme, tu sais, pour l’équilibre du journal.
  • Il suit le Tour en famille ?
  • Euh… Non, sa femme reste à la maison pendant ce mois-là et s’occupe des enfants.
  • Et c’est quoi le camping-car ?
  • C’est… C’est une voiture…
  • Eh bien tu vas nous trouver quelqu’un d’autre.

La mort dans l’âme, je suis retourné à mon bureau.

Il était 17 heures, je me prends un Coca et je suis las. Je rappelle ASO, et je me lance dans l’idée d’appeler toutes les directions d’équipes françaises en espérant que la famille d’un coureur me fera la joie de suivre le fiston su la durée du Tour, en camping-car pour mon plus grand plaisir.

À 19 heures, j’ai une réponse. Un couple de retraités suit (en camping-car) l’équipe Cofidis. Et depuis plusieurs années. Bingo. Je retourne voir mon rédacteur en chef adjoint :

Homme

  • C’est bon, je l’ai !, dis-je tout essoufflé, un couple (je reprends ma respiration) qui suit le Tour de France (je vomis) en caravane. Je peux les interviewer demain vers 15h00 (je prends un shoot de ventoline).
  • Ah tu vois ! Ils ont des enfants ?
  • Non, ils sont retraités.
  • Non… Non… MIchel, non, (je me mets à pleurer). C’est une famille, ils ont un camping-car. ME FAIS PAS ÇA MICHEL, T’AS PAS LE DROIT. ME DIS PAS QUE ÇA VA PAS.
  • Bah, c’est-à-dire que si tu pouvais avoir mieux.
  • JE N’AURAIS PAS MIEUX. QU’EST-CE QUE TU VAS ME DEMANDER APRÈS ? QU’ILS SOIENT IMMATRICULÉS DANS L’ESSONNE ?
  • Ok, ok, ok, très bien… (il fait une pause) Mais essaie d’avoir mieux.

20 heures, je suis chez moi. J’écris ce texte. Je ne suis pas du tout déstressé. Mon pote du deuxième s’est bien foutu de ma gueule. Demain, je dois interviewer l’auteur du bouquin et le couple de retraités. Si un seul me plante, je finis la semaine au bout d’un pic.

La. Ponctuation ?

virgule

Internet, est un véritable vivier de talents qui a permis à nombre d’entre eux d’émerger, et de devenir, aujourd’hui… des stars. Deux corps de, métier ont été principalement révélés par cet accélérateur de carrière : d’un côté les artistes (là-dedans je fourre aussi bien les chanteurs / les dessinateurs de bédés / les vidéastes – et de l’autre les, journalistes.

Et aujourd’hui je suis vraiment ; heureux de pouvoir les lire… sur des sites internet prestigieux offrant, des conseils malins sur l’usage des réseaux sociaux l’apport, de protéines dans les aliments traditionnels ou, tout, simplement les nouvelles fonctionnalités de Facebook. Grâce à eux ! Je m’instruis mais également : je me cultive.

Pourtant il arrive, toutefois et, vraiment je tiens à le dire – cette remarque n’est pas du tout méchante) que je sois un peu, déconcentré par de nouveaux usages de la langue française qui parfois me posent des problèmes : de compréhension. Peu de chances… que ces auteurs, puissent se tromper” me dis-je souvent en mon, for intérieur ‘c’est sûrement moi qui ne suis pas, dans le coup, comme disent ; les jeunes’.

Alors je cherche à comprendre mais, vraiment certains usages de la ponctuation comme l’omniprésence, de virgules, dans les textes à des, endroits où elles n’ont rien, à faire selon mon, éducation judéo-chrétienne me, posent de réels soucis ? de compréhension. D’une façon générale la ponctuation quand elle ; est mal fichue : fait d’un texte qui pourrait, être clair, un truc imbitable. Vous ne, trouvez pas non ?

Mendicité

Sarkozy

Comme tout le monde, ça m’a un peu chamboulé, je ne vous cache pas, cette histoire de l’UMP. Ces pauvres gens, devoir payer 11 millions d’euros. Pour tout vous dire, quand j’ai entendu ça, je n’ai même pas trop compris ce qu’il se passait. J’ai guetté un explainer de Slate qui a l’habitude de dégainer n’importe quelle explication à n’importe quel phénomène comme “pourquoi il fait nuit en pleine journée ?” (parce qu’il y a des nuages). Mais je n’ai rien vu venir, comme disait ma sœur Anne. Enfin, je l’ai peut-être raté. Parce qu’en ce moment, chez Slate, on s’occupe moins d’explainer que d’infographies un peu incompréhensibles (ça s’appelle des “DATAVIZ”) où on nous montre dans un dégueulis de couleurs quel village du littoral a voté pour qui ou bien qui a le moins de chance d’avoir un carré vert le même jour de l’année que vous.

Alors, j’ai dû chercher TOUT SEUL, comme un grand, sur les internets, pourquoi donc l’UMP devait payer autant. Et j’ai appris ce que tout le monde savait, mais comme je ne lis pas les journaux, je n’étais pas au courant : c’est que l’UMP a un peu feinté sur les comptes de sa campagne présidentielle pour rester dans les clous de la somme maximale autorisée à dépenser si on veut s’en faire rembourser environ 50%. En dépensant 400 000 euros de plus que ce qu’elle avait le droit (sur 22 millions et des brouettes), le plafond était dépassé et donc nakache pour l’UMP, merci de bien vouloir rendre les 11 millions qu’on vous avait versés.

Évidemment, ça a été des cris d’orfraie dans le parti de l’opposition avec un Copé qui pour une fois aurait bien voulu que Fillon ait remporté la présidence de l’UMP. Mais finalement, la solution a été trouvée : une souscription, un grand emprunt national (qui, j’imagine, pourra être déduit des impôts, donc, c’est UN PEU comme si l’État payait quand même).

“Bonjour, je suis désolé de vous importuner pendant votre trajet, je sais que vous êtes souvent sollicité, mais si je fais la manche aujourd’hui, c’est que moi et ma famille politique, on a nulle part où dormir ce soir. Il ne nous manque que 11 millions d’euros pour passer la nuit à l’hôtel et rester digne. Tous les gestes comptent, les plus petits, mais surtout les plus grands, alors faites pas vos radins et ouvrez votre cœur et votre portefeuille”.

(dialogue d’illustration, ne représentant pas tout à fait la réalité)

À peine quelques jours après l’ouverture de la souscription, déjà plus d’un million d’euros avait été récolté, annonçait Copé tout sourire. Reste plus que dix, ça va être chaud, les gars, parce que les motivés ont été les premiers, maintenant, va falloir ramer sévère pour faire raquer le reste de la population (quel dommage d’avoir à ce point tapé sur les gays quand on sait l’énorme pouvoir financier qu’ils représentent).

Sur Twitter, il y a eu des rigolos qui ont envoyé des bonnes blagues à l’UMP, celui de vnz m’a fait beaucoup rire :

Travailler plus

Mais le plus drôle, c’est Maître Philippe Blanchetier, l’avocat de Nicolas Sarkozy qui s’est plaint sur BFM TV en déclarant :

“Pour 400.000 euros, pour 2% (de dépenses supplémentaires, ndlr), on prive le premier parti d’opposition républicain de ses moyens financiers”

C’est le principe même du PLAFOND. Genre, “bon, ok, on a dépassé, mais JUSTE de 2%, ça va quoi, c’est tranquille”. Non, mais imagine, tu déclares aux impôts 2% de moins pour éviter de passer une tranche et tu te fais choper et là, tu leur sors : “Non, mais OK, D’ACCORD, mais ÇA VA, c’est JUSTE 2%, c’est COMME l’UMP, merde, fais chier”.

Bref, en fait, y avait un truc qui m’interrogeait encore dans cette histoire ubuesque, c’était de savoir s’il y avait un recours possible pour Sarkozy. Bien sûr, Slate semble toujours trop occupé avec ses DATAVIZ pour me faire un explainer, alors c’est à nouveau BFM TV et Maître Philippe Blanchetier qui ont répondu à ma question : il n’y a plus de recours possibles. Celui du Conseil Constitutionnel était le dernier. Mais sur Europe 1, une lueur d’espoir renaquit sous la sagesse de la parole libérée de Nadine Morano : elle se demandait le 4 juillet dernier si cette décision était “attaquable au niveau européen” et d’ajouter : “Le souci avec le conseil Constitutionnel, c’est qu’il n’y a pas de juridiction d’appel. Et cela pose un problème au regard de ce qu’on considère être la Justice”.

Vu que le Conseil Constitutionnel était déjà un recours après la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, on peut résumer Nadine Morano ainsi : la bonne justice, c’est celle qu’on peut saisir autant de fois qu’on le veut jusqu’à ce qu’on ait le jugement que l’on souhaite.