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Catégorie : Tout moi

Toute ma vie résumée dans un blog

Il est temps de se remotiver

Je ne sais pas si c’est de vieillir, mais en ce moment, tout m’agace sur Internet. Les vidéos crades (comme celle du mec qui se fait retirer des larves de mouche dans les oreilles), les photos de chats quelles que soit leur mignonerie (la mignonerie, c’est la capacité d’être mignon), les gens qui répondent pas à mes mails (et ceux qui y répondent aussi), les militants de tous bords (après les LGBT, ma découverte de l’Inter LGBTIQ m’a estomaqué au plus profond de mon vécu tout comme les cris d’orfraie de groupes féministes contre le scientifique et sa chemise pourrie), les gens qui cherchent à faire des débats sur Twitter (à toi, connard à qui je pense, j’ai un scoop : 140 caractères ne suffisent pas à expliquer un concept ou détailler un point de vue), les listes (qui me donnent toujours envie de les imprimer par ramette entière et de les enfoncer dans la bouche du rédacteur qui les a pondues), Facebook et ses amitiés sociales totalement inutiles et futiles (si j’avais *réellement* 350 amis, je serais sûrement moins aigri), Google et son moteur de recherche qui se croit systématiquement plus malin que moi (“Voici les résultats pour le truc que vous n’avez pas tapé, mais je pense que c’est ce que vous vouliez écrire”). Et puis les blogs, tous les blogs, le mien, ceux des autres et surtout ceux où les auteurs racontent leur vie en détail, de la couleur du caca du matin jusqu’à la quantité en millilitre de l’éjaculation du soir.

Dans ce marasme, dans cette noirceur à faire passer l’espace intersidéral pour un arc-en-ciel de Skitties, il m’arrive d’écrire des trucs sur des bouts de feuille, de commencer à rédiger un bidule, le lire vite fait, me dire : “C’est vraiment de la merde” et appuyer sur le bouton de la corbeille. Outre le fait que ces articles n’ont généralement aucun intérêt (tout comme celui-ci), que ce n’est pas drôle et que ça n’intéresse personne, ça me renvoie à ma propre médiocrité, mon absence viscérale d’intelligence et de talent. Bref, ça me fait du mal à mon petit cœur d’artichaut. Mais le constat que tout le monde n’a pas la même exigence que moi me donne souvent envie de reprendre la plume et d’écrire de la merde. Surtout quand je vois que, malgré la nullité crasse de leurs textes et l’absolue stupidité abyssale de leurs propos, ça leur permet de remporter des chèques cadeaux Jambon d’Aoste ou des invitations à tester la première classe d’Air France.

Alors, traitez-moi de vendu peut-être, mais à partir d’aujourd’hui, fini la quête de l’article intelligent et pertinent, je vais pondre des conneries par camions entiers. Et vous allez en chier.

PS Inutile dorénavant de me faire des remarques sur mon orthographe ou ma grammaire, vous n’en faites pas aux autres, alors lâchez-moi les burnes.

Pas à pas

Chez Ikea, il y a un truc que je trouve particulièrement génial (et qui pourrait occuper la moitié de mon temps passé dans le magasin si je n’avais pas à faire trois allers-retours dans les entrepôts pour trouver la référence 14.235.458-8), ce sont les machines qui font subir aux produits de la marque des tests effrénés pendant des heures et des heures. Cette première phrase était longue, mais je suis sûr qu’avec un peu d’attention vous devriez pouvoir en comprendre le sens. Bande de cons.

Au-dessus, il y a un vieux compteur moisi avec des gros bâtons rouges qui nous informe du nombre de fois qu’une porte a été ouverte ou fermée, qu’un poids de 80 kilos a été écrasé l’assise d’un fauteuil ou qu’un tiroir a été tiré et poussé. Bref, c’est génial. Sauf que très souvent, malgré la promesse d’une durabilité de plusieurs centaines de milliers d’actions, les tiroirs / armoires / fauteuils souffrent de ces tests. Et souvent, les tiroirs ne s’ouvrent plus, le fauteuil est défoncé et la porte de l’armoire est de guingois.

Le Test du placard

Bon, mais si je raconte ça, c’est pas DU TOUT pour vous parler d’Ikea parce que – soyons francs – j’en ai autant à foutre d’Ikea que vous de cet article. C’est ce qu’on appelle une situation “win-win”. Gagnant-gagnant, c’est du vocabulaire de gros bonnet de l’industrie, tu peux pas test.

En fait, c’est parce qu’aujourd’hui, j’ai lancé une application qui compte le nombre de mes pas. Et bien en une journée d’utilisation, j’ai marché 14 181 pas. Je n’ai aucune idée de comment c’est possible de savoir que je marche ou que je prends le métro, mais le résultat est là : 14 181 pas. Et encore, j’ai pas gardé le téléphone quand je suis allé faire caca. Ça se trouve, j’en ai fait 15 000 ! Dingue, non ?

Marche

Ça veut dire que chaque jour, la tête de fémur de chacune de nos jambes roule à l’intérieur de notre hanche 7 500 fois. Depuis mes vingt ans, ce mouvement est arrivé 73 millions de fois. Non, mais attends quoi, 73 millions de fois. Moi, ça m’a un peu fait mal au cœur parce que j’aime pas trop savoir comment le miracle de notre corps fonctionne. Du coup, j’étais un peu dégouté par toute la machinerie mise en branle pour faire ces onze bornes et quelques.

Mais le plus important de l’histoire, c’est que si on était fabriqué par Ikea, on ne tiendrait pas six mois.

Hipster la tête

Réflexion faite, ce post, je l’ai cogité pas mal de temps, de semaines et tout ça, mais en fait, je me rappelle plus de comment je voulais commencer, comment j’allais développer mon idée et où j’allais m’arrêter. Et quel dommage, pourtant, car tout était écrit, finement ciselé dans mon esprit à l’instant où j’ai eu envie d’écrire.

Mais non.

Le cerveau a ses voies que la raison ignore.

Le mien adore me donner plein d’idées et me raconter de multiples anecdotes savoureuses, plus hilarantes et magistralement racontées les unes que les autres, avec des bons mots en veux-tu en voilà. C’est comme si il y avait une carcasse de dindon et que mes neurones étaient autant de fourmis rouges qui rongeaient les os de la dépouille en moins d’une minute. Comme dans les documentaires animaliers avec la voix de Pierre Arditi qui dit : “en quelques secondes, la carcasse disparaît sous les mandibules féroces de ces redoutables guerrières. Un festin royal dont il ne restera rien !”.

Antz

Et puis la minute d’après, quand je vais me décider à raconter ces délicieux moments d’humour, ou tout simplement si on me demande d’avoir une idée, mais concrètement, alors là, et c’est systématique, mon cerveau est très clair :

Calme

Parfois pour m’agacer encore plus, j’ai le droit en fond sonore à “Call me maybe” de l’autre pouilleuse du Colorado qui j’espère s’étouffera rapidement dans son vomi.

Bref. Tout ça pour dire.

Ce blog a vu le jour le 20 mai 2005. Nous sommes le 8 septembre 2012. 648 articles publiés. Ce qui nous fait en moyenne sept ans et un article tous les quatre jours. Et même pas dix depuis 2012. À cela deux raisons : d’abord, le temps, ensuite les idées. Et puis mes plus nombreux lecteurs sont dorénavant mes collègues de bureau. Or, l’anonymat me manque singulièrement. Surtout depuis que des militaires veulent me massacrer à cause de ma chronique de Forces spéciales.

Et puis, en relisant l’autre jour mon contrat de travail, j’ai découvert ce paragraphe pour le moins ridicule (qui m’a rappelé celui de Fluctuat où j’étais informé que ma prose leur était réservée “dans l’univers entier”) :

Contrat

Toute mon activité et tous mes soins doivent être consacrés à la gloire du JOURNAL qui m’a engagé. Ce jour-là, j’ai un peu été en panique. Comme j’écris souvent de la merde, je me suis demandé si je pouvais aller faire caca où si ça relevait d’une activité professionnelle anonyme et par conséquent interdite sans l’accord de ma direction générale. Je suis allé la voir.

“Ma qué bien sour vous pouvez aller à lé toilettes !”, m’a-t-on répondu.

ALERTE ALERTE ALERTE
EXPLICATION DE BLAGUE
J’ai écrit ci-dessus : “Comme j’écris souvent de la merde”. C’était pour la blague. Je ne considère pas du tout que j’écrive de la merde. Je préfère tout de suite l’expliquer, parce que sinon, on va encore croire que je suis sérieux.
/EXPLICATION DE BLAGUE
/ALERTE /ALERTE /ALERTE

Voilà. La raison pour laquelle j’ai une sévère envie de déserter ce blog, c’est ce qui vient de se passer. J’écris une bêtise et paf, je suis obligé de m’interrompre moi-même pour expliquer que c’était une blague. C’est un peu gavant à force.

Alors, je me dis qu’après tout ce temps, peut-être qu’artypop a vécu. Sept ans, c’est peu pour un blog, c’est beaucoup pour un humain. Peut-être faut-il s’en aller. En rouvrir un autre ailleurs, recommencer à se marrer dans l’ombre, juste pour moi. Et continue de saccager l’ordre mondial (qui, malgré la crise, continue) à coups de petits octets cinglants et rageurs.

Le seul truc qui me fait chier, c’est que je n’ai toujours pas terminé de résumer Wagner.

Déménagement en enfer

La première décision à prendre lorsqu’un déménagement se profile à l’horizon c’est de savoir si on va tanner une fois de plus ses potes pour descendre du troisième étage la machine à laver et sécher le linge, celle qui pèse quatre tonnes et demie, qu’on s’est offert avec son premier salaire afin de sortir enfin de la condition infamante de l’être humain qui amène ses vêtements au Lavomatic de la rue de Charenton ou Dugommier, suivant l’endroit où il habite dans le douzième arrondissement de Paris.

Dieu sait que j’ai sollicité plus d’une fois les bonnes volontés – tout comme elles m’ont sollicité – pour remplir un camion Europcar à moins d’un euro / jour comme le promet la pub, sauf que le jour où on le loue c’est 99 euros la demi-heure (et l’essence n’est pas comprise), avec des caisses de DVD jamais vus, de livres jamais lus, de CD jamais écoutés et une vaisselle innombrable qui n’a jamais vu la trace d’un moindre aliment.

Cette fois-ci, je m’étais imposé une contrainte : trouver dans la somme d’argent considérable que la banque comptait me prêter pour financer mon achat un fonds de soutien à la survie du petit artisanat, à savoir trouver de quoi payer un déménageur. 800 euros sur 130 000, ça devait être jouable quand même.

Ni une, ni deux, mon petit cœur ballant et moi nous sommes mis à la recherche du meilleur rapport qualité-prix et pour ce faire, j’ai appelé les seuls amis que je connaisse qui ne fussent jamais assez fortunés pour se payer le luxe de recourir au service d’un déménageur. Et voici qu’il me conseille Machin qui vient, qui est super sympa, mais qui ne transporte pas les pianos. Or, de piano, il y en a un, et je n’ai pas l’intention de le porter en raison de ma discopathie L5-S1 – Touché, il a encore coulé mon porte-avions – et de son poids.

Finalement, je me rends sur internet pour trouver un déménageur prêt à tout faire en deux temps trois mouvements.

Et je tombe sur la société Niagara Déménagement (en fait, ce n’est pas Niagara, ce sont d’autres chutes fort célèbres). J’appelle et rendez-vous est pris avec M’sieur Guéridon, commercial de son état, speed de nature, qui – hop, hop, hop – estime à 20 le cubage à la louche. La négo commence, et j’arrive à 1100 euros pour le transport du bazar avec le piano. On discute sur le « portage », opération qui consiste à estimer le nombre de mètres que les déménageurs doivent parcourir pour se rendre depuis le logement jusqu’au camion, je l’informe qu’il y a un ascenseur, mais que le piano ne rentre pas dedans. « Pas de problème, monsieur, on part sur une base formule éco, ça vous fait 1096 euros parce qu’aujourd’hui, on fait promo sur les cartons donc je vous les compte pas », « c’est bien aimable à vous », que j’y réponds.

En une petite demi-heure, l’affaire est bouclée, il s’en va dans sa petite Twingo avec mon joli chèque de 30% à la commande. Et ne reste plus qu’à attendre.

Le 2 avril, trois semaines plus tard, c’est le grand jour, tout est dans les cartons. J’avais appelé trois fois Guéridon, mais d’un coup, depuis qu’on avait conclu le biz, je le sentais lointain, plus le pote à la vie à la mort du jour de la signature. J’y demande : « Alors, faut que j’emballe les meubles qui rentre pas dans les cartons que vous m’avez donné ? » « Non, les déménageurs s’en occuperont », qu’il me dit, histoire de me rassurer.

Ok, ok.

7h00.

On sonne à la porte.

C’est Mamar. Il n’a pas inventé le fil à couper le beurre, en même temps, ce n’est pas pour ses compétences intellectuelles qu’il est ici. Un dialogue d’une haute portée philosophique s’installe entre nous :

– Bonjour m’sieur, on est les déménageurs.
– Sans blague. Vous êtes tout seul ?
– Ah, ah. Non, mes collègues sont dans le camion, mais moi, j’ai pris le métro, je suis arrivé avant eux du coup.
– D’accord.
– Alors, y a quoi à prendre ?
– Bah… Tout ce qu’il y a dans l’appartement.
– Ah oui, très bien. Je peux utiliser vos toilettes ?
– Oui, ils sont là.
– Merci, m’sieur.

Dix minutes plus tard, la chasse d’eau est tirée et l’homme en sort avec un air soulagé (tandis que dans les chiottes, l’air est chargé).

Bon, bon, bon…

Une demi-heure passe.

– Ils ne vont pas arriver vos collègues ?
– Si, mais y a de la circulation.
– En même temps, c’est souvent comme ça à Paris, le matin.
– C’est ça le piano qu’on doit prendre ?
– Oui.
– Et, comment que je veux dire, y a un ascenseur ?
– Oui, mais le piano ne rentre pas dedans.
– Vous êtes sûr ?
– Je crois oui.
– Vous n’êtes pas vraiment un spécialiste.
– Non, mais vu qu’il ne supporte qu’une charge de 250 kilos et que le piano en pèse 300, je pense que ce n’est pas la bonne idée d’essayer.
– On verra.
– Vous verrez.
– Bon, je vais commencer à sortir les cartons.
– Bonne idée. J’ai un diable si vous voulez.
– Un diable ? Ah non, on fait tout à la main, nous. On bosse pas pour Darty ! (il rit)

Ça doit être une blague de déménageurs.

– Comme vous voulez. C’était juste pour vous dire.
– Faites le voir quand même.

Et le voilà qu’il sort trois cartons par trois cartons grâce à mon super diable quand ENFIN ses collègues arrivent.

Là, donc, faut imaginer, le premier qui était là, Mamar, c’est une grosse boule, grosse masse, petit cerveau. Le second qui arrive ressemble à un champion de kickboxing, c’est le chef. Et il est boxeur. Le troisième larron, c’est le professeur. Lui, il est sec comme un haricot et a des lunettes. Voici donc mon équipe de choc de déménageurs. Et là, l’enculage commence en profondeur : d’abord on lubrifie, ensuite on pousse la merde.

– Salut ma couille, tu bosses pour Darty ?, dit le boxeur à La Boule qui continue ses allers / retours avec mon diable. (Tous rient)
– Ah, t’es con. Voilà, c’est le m’sieur qu’on déménage, mais attends, c’est Guéridon qui a fait le deal.
– P’tain, Guéridon, c’est un vrai connard.
– Il a dit qu’il y avait 20 m3.
– Jamais de la vie. Y a au moins 5 m3 de plus.

J’interviens :
– Il y a le piano aussi.
– Ah non, le piano, on nous l’avait pas dit, me répond le chef boxeur.
– Bah euh si. C’est marqué sur mon devis.
– Oui, mais on doit le monter par l’ascenseur.
– Bah, je ne crois pas qu’il va rentrer dedans.
– Ah, je vais me le faire ce Guéridon. C’est vraiment un connard de première. Il veut l’affaire, il brade le prix et après c’est à nous de galérer pour rien.
– Euh…
– Il vous a dit que ça coûterait combien ?
– 1096 euros.
– L’enfoiré. Et en plus, il y a du portage.
– Je sais, mais il l’a écrit : 30 mètres au départ, 40 mètres au retour.
– Moi, on m’a rien dit.
– Mais sur mon devis, c’est écrit.
– Non, mais ça n’a pas de valeur, ce devis.
– Ah.

Une certaine vague de chaleur commence à me monter sur le bord de la figure. Tandis que je discute avec le patron, les autres s’activent pour commencer à ranger le camion. Quand soudain, un meuble les interpelle.

– Mais, vous l’avez pas protégé, le meuble là ?
– Bah non. (Et j’ajoute d’une voix presqu’éteinte) Guéridon m’a dit que vous vous en chargiez.
– Mais vous savez, c’est la formule éco que vous avez prise. Nous, on prend les cartons et on les jette dans le camion. Bon, allez, comme vous avez été sympa avec Mamar, je vous l’emballe, mais ça coûte au moins deux fois plus cher.
– Juste pour un meuble ?
– Oui. Mais franchement, là, y a un souci. On nous avait pas prévenus du piano et du portage et le cubage est plus élevé qu’il n’a été estimé.
– Et ça se passe comment, alors ?
– Je vais vous expliquer : moi, si y a un truc qui n’est pas comme on m’a dit, je dois appeler mon patron, mais alors il vous charge très très cher.

Ok. Donc, il va falloir rallonger la sauce. Je suis de mauvaise humeur intérieurement, mais je ne sais pas trop comment m’y prendre pour que le déménagement se passe bien et que je n’y perde pas la moitié de mon mobilier.

– Mais je ne veux pas payer plus.
– C’est comme ça, me dit Mamar « la Boule », c’est la faute à Guéridon.
– Non, mais laisse tomber, ma caille, Guéridon, j’vé m’le faire, reprend le boxeur, sa litanie favorite semble-t-il, en même temps qu’il tape son poing dans sa paume opposée.

J’ai super chaud. Et pourtant, je ne bouge pas.

– Non, mais, c’qu’on peut faire, comme Mamar, il m’a dit que vous étiez sympa, c’est s’arranger entre nous, voyez.

Je vois super bien.

À ce moment de l’histoire, il convient de préciser que dans un élan de générosité, j’avais prévu 60 euros de remerciements aux déménageurs.

– Donc, votre piano, là, vous savez combien ça coûte de le transporter tout seul ?
– Bah oui, je sais, j’ai un transporteur pour le piano d’habitude, c’est 300 euros en gros.
– Voilà, c’est 300 euros. Minimum.
– Mais, moi, il est marqué sur le devis, le piano, je vais pas le repayer !
– Non, mais le devis, c’est de la merde. Vous voulez que le déménagement se passe bien, non ? En plus, on a emballé un meuble, et ça c’est la formule luxe et vous avez payer que l’éco.
– Oui, bon, mais je veux bien vous donner un peu, mais je n’ai pas grand chose.
– Combien vous pouvez ?
– Euh… 150 euros ?

Ça me semblait déjà totalement déraisonnable, mais puisqu’ils avaient emballé un meuble…

– Mamar, dit le boxeur, le monsieur il nous insulte, là. Il veut nous donner 150 euros.

Puis il se retourne vers moi.

– Je veux que vous compreniez que c’est pas pour moi, on va partager ça à trois. C’est pas un arrangement entre moi et vous, vous comprenez ?
– Je comprends, oui, oui.

Mamar « La Boule » répond au boxeur, l’air écœuré :

– C’est toi le chef, tu décides si c’est assez.

Le chef se retourne vers moi et j’en mène pas des masses au milieu des cartons. Tous les scénarios passent dans ma tête : ils cassent mes affaires, ils partent avec, ils reviennent fracturer mon appartement – c’est facile, ils savent où j’habite -, eh merde, pourquoi je me fais toujours baiser par la terre entière ? Mon ancêtre, c’est pas homo sapiens, c’est homo credulus, ça fait chier à la fin.

Je tente un timide : « 200 ? »

Ça calme la bête qui était déjà en train de monter sur le ring pour m’exploser le beignet.

– Ok, les gars, on termine, conclut le chef.

Rapide calcul dans ma tête : c’est quasi 20% de plus que ce que je devais payer.

– Vous m’excuserez, je dois aller au distributeur bancaire.
– Comme vous voudrez, m’sieur.

J’hésite à appeler Guéridon. Mais, j’ai peur qu’il ne soit de mèche avec eux. Genre : « Ouh là, c’est cinq cents euros de plus, mon brave homme ! ». Ou bien, pire, il appelle le chef qui rappelle les déménageurs. Et là, je vois déjà mes cartons en miette dans la cour de l’immeuble, en train de brûler dans un grand feu de joie. Mon imagination est parfois un peu handicapante.

« Fais le dos rond, Romain, le dos rond », me dis-je.

Enfin, le chargement est effectué. Mamar « La Boule » revient avec mon diable : « On peut vous le prendre ? ». Sans aucun sens de l’humour, je lui réponds : « Pourquoi ? Vous bossez chez Darty ? »

Une fois arrivée sur le lieu de la livraison, la loi de Murphy, implacable, continue sa route.

– Non, mais ils avaient pas dit qu’il y avait six marches dans le portage !, s’agace le boxeur.
– Encore un coup de Guéridon, dit la boule.

L’intello, lui fume des clopes sur le trottoir. Comme il en a plus, il me demande si je peux aller lui en acheter. Il me file vingt euros pour ça. J’ai envie de pleurer. Quand je reviens avec ses trois paquets. Je lui rends ses vingt euros. Qu’est-ce que ça peut changer, finalement ?

Enfin, les cartons arrivent dans le nouvel appartement. ENFIN, putain. Enfin, je vais bientôt être libéré de ses tortionnaires. Joie, joie, joie.

Tout se passe bien quand arrive le gros morceau : le piano. Les mecs ne savent pas du tout porter un piano. La boule veut le soulever toute seule. Elle refuse de prendre les sangles et termine au bout de deux marches rouges comme une pivoine. Le chef l’engueule : « Tu vas te briser la colonne, ma caille ! » Ça peste contre ce connard de Guéridon qui avait dit que ça passait par l’ascenseur (ou pas, je finis par ne plus trop savoir de qui est-ce la faute), je me retiens de leur dire que « Non, je lui avais dit que ça passerait pas par l’ascenseur ».

Voilà.

Tout y est.

Le boxeur me dit : « Bon, c’est pas que je veuille abuser » (parce que t’appelais ça comment avant ?), « mais bon, si vous pouvez donner un peu plus, rapport au piano qu’était vraiment lourd ».

Je donne 220 euros de « supplément ». « C’est tout ce que je peux faire », réponds-je avec forte lassitude, « maintenant partez ».

– M’sieur, pour le réglementent du solde…, commence le boxeur.
– Ah oui, je vais vous faire un chèque.
– Oui, rapport au chèque…
– Oui, eh bien ?
– Mon chef ne veut que des chèques sans bénéficiaire.

WHAAAAAT THE FUCKKK ?

– Pardon, j’ai pas compris ?
– Oui, vous ne mettez pas pour Niagara Déménagements dessus.
– Mais, euh… pourquoi ça ?
– C’est comme ça qu’on fait dans les déménagements. C’est votre premier, non ?
– Euh, oui, enfin, non, mais quoi qu’il en soit, je vois pas le rapport.

Et là, le boxeur me sort dix chèques qu’il avait récoltés tout au long de la semaine, aucun n’a de bénéficiaires.

– C’est ma meilleure garantie : regardez, tous les chèques sont comme ça.

Je reste sans voix. Je rédige le mien. Qu’ils partent, c’est la seule chose que je veux, là, tout de suite.

Mais vite.

– Alors, euh… Je vous laisse le remplir ?
– Voilà.
– Vous me donnez un papier comme quoi j’ai payé ?
– Bah ? Pourquoi faire !
– Bon, attendez.

Je sors le devis, j’écris : « Réglé pour solde de tout compte la somme de 767 euros », je signe et réclame au chef boxeur : « Vous pouvez signer ? ». « Pourquoi ? » « Parce que je vous le demande s’il vous plaît ».

Il signe, prend mon chèque, ses compagnons s’approchent de la porte, le calvaire va prendre fin, je veux me jeter par une fenêtre, appeler Guéridon, insulter le monde entier de mon insolente crédulité, quand le boxeur m’achève : « Au fait, mes gars et moi, on fait des petits boulot à côté : si vous refaites un déménagement, plutôt que de passer par la société, on peut s’arranger entre nous. Il y a eu un bon feeling entre nous, non ? On vous laisse notre numéro ? »

Je m’étrangle intérieurement, sors mon portable. « Alors, oui, bien sûr, je vous écoute ».

Le Cauchemar de Babette

Le cerveau est une machine formidable. J’avais déjà évoqué il y a bien longtemps, quand j’avais du temps pour écrire sur ce zloug (c’est le nouveau nom des blogs en 2012), mes deux neurones, Pilaf et Jerry. Ils sont taquins.

Car depuis quelques semaines, j’ai retrouvé une belle sensation que je n’avais pas éprouvée depuis mes 19 ans quand j’ai commencé de passer mes concours de prépa.

À l’époque, on avait une quinzaine de concours en trois semaines. Et il fallait être particulièrement concentré pour se lancer dans une épreuve de quatre heures de maths à coups d’équations différentielles, de démonstrations si le sous-groupe est ouvert, de théorème de Bolzano-Weierstrass. Et j’en passe. De toute façon, j’ai tout oublié. Ce qui est dommage vu comme j’en ai chié pour apprendre toutes ces conneries.

Or, pendant ces concours, du matin au soir, j’avais systématiquement ça dans la tête en boucle :

C’est une chanson de West Side Story, et c’est pas la meilleure.

Eh bien, croyez-moi, au bout de deux heures à réfléchir sur des sujets aussi captivants que la mécanique des fluides ou la physique quantique avec ces 30 secondes musicales dans la tête, ça donne juste envie de s’enfoncer son stylo dans l’oreille pour se lobotomiser à moindres frais.

Dès que les concours ont été finis, j’ai totalement oublié la chanson jusqu’à aujourd’hui. Pourquoi ? Parce que ça fait trois semaines que j’ai un souvenir dans ma tête qui revient sans cesse. C’est dans un épisode des Simspon : Homer rentre chez lui, il va dans la cuisine, et là, Bart et Lisa discutent ensemble. Et Bart dit à Lisa : “Alors, là, je dis à Babette, je lui dis…” et il se tait.

Ça m’a toujours fait beaucoup rire, mais j’aurais bien du mal à expliquer pourquoi. Toujours est-il que depuis trois semaines, donc, dès qu’on me parle, j’ai Bart dans ma tête qui pollue toutes les informations qu’on me transmet avec son “Alors, là, je dis à Babette, je lui dis…”. Et plus ce qu’on me dit est important, plus j’entends Bart.

C’est particulièrement compliqué au boulot où on me parle beaucoup pour me donner moult indications sur les articles que je dois écrire. Et j’ai beau me dire “p’tain, mais merde, concentre-toi”, j’ai irrémédiablement Bart qui dit à Lisa : “Alors, là, je dis à Babette, je lui dis…”.

Mais le plus frustrant de l’histoire, c’est qu’en vingt saisons et un peu plus, on a jamais su ce que ce CONNARD de Bart avait dit à Babette.

Surchargé

Bonjour,

vous êtes bien sur le blog de Romain.

Je ne suis pas là pour le moment, mais si vous le souhaitez, vous pouvez me laisser un message. J’y répondrai dans les plus brefs délais.

Parlez après le clic.

Mes parfaits voisins

Ah, ce merveilleux monde de la presse et du journalisme. Vous aviez remarqué qu’il ne manque qu’un “a” entre “presse” et “paresse” ? De là à dire que tous les journalistes sont des fainéants, il n’y a qu’un pas que je vais m’empresser de ne pas franchir. Ainsi (oui, je sais, il n’y a aucune justification à l’emploi d'”ainsi”, mais je ne trouve aucune transition satisfaisante et puis tu m’emmerdes, c’est mon blog, à la fin). Ainsi, donc, je suis abonné à Libération depuis presque un an, je crois. Et depuis trois semaines, mon journal disparaît régulièrement de ma boîte aux lettres. Au début, j’accusais sans trop savoir ces salauds de grévistes qui veulent le beurre, l’argent du beurre, le cul de la fermière et son fouet avec. C’était déjà arrivé six mois auparavant, mais ma boîte aux lettres ne fermait pas et j’avais pensé que certains habitants de mon appartement me le fauchaient. Mais depuis un joli cadenas fermait son ouverture et donc rien n’y personne ne pouvait choper mon courrier.

Sauf que. Sauf que le gentil livreur de Libération qui passe vers les six heures trente va très vite et le journal a une tendance à dépasser. Un petit malin pouvait très bien récupérer le journal s’il passait avant moi avec deux doigts assez fins.

Au bout du troisième “oubli de livraison” ou “vol aux deux doigts”, je me suis dit : “Nom de nom, ça suffit bien maintenant”. Et j’ai préparé mon plan. Première étape : envoyer un mail au service abonnements du journal et demander poliment à ce que le livreur pousse un tout petit peu le Libé dans la boîte. Seconde étape : recherche d’empreinte. J’ai fait venir NCIS et CSI, mais ils n’ont pas été foutus de retrouver d’autres empreintes que les miennes. “Toutefois”, note le rapport, “on décèle des traces d’ADN animal en cours d’identification”. Mais moi, j’ai autre chose à foutre que d’attendre qu’un laboratoire fasse des tests. J’ai donc décidé d’agir et de vérifier a. mes allégations et b. y a pas de b.

J’ai installé une mini caméra en face de ma boîte aux lettres et j’ai découvert ce qui se passait : tous les matins, vers 7h30, un voisin d’un bâtiment concurrent, le A, (il y a trois bâtiments dans l’immeuble où j’habite et une guerre latente entre chaque) arrive dans la cage d’escalier avec sur les épaules un chimpanzé dressé. L’homme se penche à droite et à gauche des casiers pour vérifier que personne ne le surveille et alors son chimpanzé prend le relais.

“Ouistiti”, on l’entend dire, “prend le Libération dans la boîte aux lettres du beatnik et tu auras une banane”. Et Ouistiti se dirige vers mon casier, en extirpe le Libération et le donne à son propriétaire qui s’en saisit et se casse avec.

L’enfoiré, je me suis dit. Et j’ai élaboré ma revanche. J’ai attendu six heures trente, j’ai vu le livreur, j’ai pris le journal et j’ai glissé à l’intérieur une tapette à souris. Ensuite, j’ai remis très délicatement le Libé dans la boîte aux lettres, le laissant ostensiblement dépassé. Je me suis caché dans le local à poubelle pour prendre mon voleur sur le fait. Quand 7h30 est arrivée, j’étais excité comme une puce. Je scrutais par la porte-fenêtre et d’un coup, j’ai vu le chimpanzé arriver. L’homme était derrière, un chapeau et un long imperméable. L’homme a demandé à Ouistiti de lui prendre le journal, le singe s’est approché de la boîte aux lettres, il a reniflé le journal, il avait l’air méfiant, il a touché le journal, une alarme a retenti, j’ai sauté hors de ma cachette en pointant un doigt accusateur vers le voisin-voleur quand mes pieds ont d’un seul coup décollé du sol, je me suis envolé à trois mètres de hauteur, attrapé dans un filet. J’ai alors vu tous les habitants du bâtiment A sortir. Ils ont fait basculer le filet et m’ont attaché les mains avec une grosse corde d’alpiniste.

Puis l’un d’eux, le leader ?, a saisi un mégaphone : “Hey ! Vous autres du bâtiment C, on a chopé l’un de vos résidents ! Si vous voulez le revoir, il faudra cracher !”

– C’est qui que vous avez chopé ?, a répondu une voix de l’autre côté de la cour.
– Le mec du rez-de-chaussée.
– Celui de droite ou de gauche ?
– De gauche.

La voix s’est tue et on a entendu les bouteilles de champagne se déboucher. Le leader s’est penché vers moi : “eh bien dis donc, toi, tu sais te faire apprécier”. Et j’ai senti mon sang couler.