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Oh ! C'est intime. Vous lisez pas !

Mon second mandat

Ma grand-mère est morte. Je l’écris ici avant tout pour forcer l’empathie de l’hypothétique lecteur. “Oh mon Dieu, sa grand-mère est morte, c’est très triste, mes condoléances, bisous”. Ma grand-mère est morte, et ça m’a rendu très triste, mais elle avait cent ans – bientôt cent un. Elle vivait depuis plusieurs années dans une maison de retraite, où tout se passait bien disait-elle. Et même si j’ai longtemps pensé qu’elle resterait immortelle, je sentais bien que la machine commençait sérieusement à gripper. Mais cent ans, tout de même, c’est beau.

Quoi qu’il en soit, ayant relativement été peu confronté à la mort, sa ma fé réfléchir, comme disent les boomers (un jour, je vous raconterai à quel point je déteste ce détournement du mot “boomer” pour caractériser toute personne n’ayant pas son avis et comment j’y vois un jeunisme malsain qui ne dit pas son nom, mais ce n’est pas le propos ici, merci de rester concentré). J’ai regardé la liste de mes objectifs en attente depuis des décennies sous prétexte que “je le ferai quand j’aurai le temps”. Et la réalité m’a frappé de plein fouet (c’est une figure de style, je ne suis pas masochiste). Il serait temps que je me bouge.

L’une d’entre elles n’avait rien de difficile, si ce n’est de se décider d’agir. Elle consistait à numériser les films pris par ma famille pendant ma jeunesse et les miens pris lorsque j’étais membre du club vidéo de mon lycée. Au détour de cette numérisation effrénée (façon de parler : j’ai déposé les cassettes après les avoir rembobinées dans un centre de numérisation, mon action a principalement consisté à sortir le chéquier) (j’utilise intentionnellement de vieux termes dans cette notule pour que vous me boomiez autant de fois la gueule que vous le souhaitez), je suis tombé sur le visage de cet enfant innocent (ou la tronche du joker, j’avoue que j’hésite encore) :

L’est-y-pas-mignon

Oui. C’est moi. Genre à dix ou onze ans. On trouve peu d’images de ma personne, car j’ai toujours détesté être filmé ou photographié. D’ailleurs je continue aujourd’hui, mais je l’impute dorénavant à une calvitie dégueulasse qui rend mon visage encore plus malsain qu’un tueur en série de films hollywoodiens (et pourtant, je vous jure, je suis super sympa) (quand on me connaît).

Bref.

Et il y a quelque chose d’étrange quand je regarde ce visage. Pas vraiment une nostalgie. Car bien que j’ai connu une jeunesse sans problème, mon manque cruel de confiance en soi, ma naïveté sûrement charmante (mais surtout navrante) et ma difficulté d’intégration pour cause de désintérêt général des passions classiques d’adolescents (le triumvirat foot, rap, joint) ne me font sincèrement pas regretter cette période de ma vie (cette phrase est longue et probablement incorrecte d’un point de vue grammatical, je sais).

Pas une nostalgie donc, mais une question qui me taraude. Est-ce que l’adulte que je suis devenu a déçu l’enfant que j’étais ? Oui. Je sais, ça fait tarte (ou tartignole) écrit ainsi. On oscille entre Marc Levy ou Françoise Dolto. Mais à l’heure de mon second mandat de présence sur Terre, déjà bien entamée, je crains que mon jeune moi n’aurait pas renouvelé son vote s’il avait eu le choix. Du haut de mes quarante-six ans (cf P.S.2), j’ai l’impression qu’il ne m’apprécierait pas tant que ça, s’il savait ce qu’il était devenu : un pleutre banlieusard sous influence qui éructe sur Twitter des propos incohérents avant de s’effondrer de fatigue dans un vieux lit creusé par la vacuité de sa vie.

Mais ne sombrons pas dans une déprime dorénavant bien trop collante aux baskets de mon existence. Après tout, je pourrais tout autant l’accuser ce sacripant. Désolé, mon petit bonhomme, mais je suis le résultat de ton manque de persévérance à l’école et de tes mauvaises fréquentations. Trop facile de me remettre la faute dessus !

Bon, allez, tu sais quoi ? Viens. On fait la paix.

P.S.1 Cette notule contient un jeu-concours. Devine le nombre de fois que tu peux écrire “OK, boomer”, après une phrase et gagne ton poids en dosette Tang !

P.S.2 Cette notule a été écrite en mai 2021, mais comme j’ai ressorti mon blorgue du frigo, je me suis permis de vous la resservir froide (et malheureusement, les notules, ce n’est pas comme les lasagnes, la fournée est souvent meilleure le jour même que réchauffée le lendemain).

P.S.5 Oui, j’en ai achetée une, et ça, je pense que ça aurait beaucoup plus à mon moi de dix ans.

Publié dansTout moi

3 commentaires

  1. Matoo Matoo

    C’est bien d’avoir décidé à le poster, ces brouillons doivent être libérés et montrés au mondeeeeeuh !!! 😀

    • Il est temps que la planète soit au courant de mes petits tracas du quotidien quand même !

  2. ça me réconforte (ou pas) de voir que le tang n’est pas tombé dans l’oubli

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