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Catégorie : Explication de texte

Cahiers interdits (4) / Un succès qui dérange

Pendant 4 ans, Gaston Petipetons fut journaliste dans un magazine consacré à la télévision. Quarante ans plus tard, en fouillant dans les affaires de son mari, sa veuve a retrouvé ces cahiers qu’il rédigea à l’époque et qui constitue un témoignage bouleversant sur le métier de journaliste au début de ce millénaire. C’est ce que nous vous proposons de lire aujourd’hui.

Si vous avez manqué le début…
Le premier épisode.
Le second épisode.
Le troisième épisode.

Le boulot de journaliste

Vendredi 4 novembre 2011

A la cantine, chaque midi, c’est la catharsis. On évacue tous les sujets qui nous brûlent les intestins. Et comme on passe dix à douze heures ensemble, autant dire qu’on en a souvent pas mal sur la patate. En fait, c’est pas qu’on se déteste, mais par moment, ça ressemble un peu à de la haine quand même. Surtout quand il y a un voyage de presse à l’horizon et qu’on veut tous y aller (ou tous ne pas y aller, mais c’est une autre histoire). Et la cantine, c’est aussi l’occasion pour les “anciens” de la rédaction de nous prodiguer de bons conseils pour notre survie dans l’entreprise ainsi que de nous faire revivre leur propre histoire, un peu comme les mecs se racontent leurs blessures de guerre dans les films d’actions. “Tu vois Chico, ça, c’est une balle de long-rifle qui m’a touché pendant une interview de Mimi Mathy. Elle est passée à ça de mon bulbe rachidien. J’ai manqué finir ma vie avec en entendant pour la millième fois qu’elle aimerait refaire un one-woman-show”.

Michel, notre rédacteur en chef adjoint, dix ans de maison, a plein d’anecdotes en stock. l’autre jour, il nous a raconté une histoire qui datait de 2003. Il était alors rédacteur et pas “en chef adjoint”, et il se fait convoquer dans le bureau de la Chef, un lundi matin, le jour du bouclage. “Michel”, lui dit-elle, “on change l’article de une, on va faire un truc sur la Star Academy : l’émission de samedi a cartonné donc il faut un sujet là-dessus dans le journal”. Ok, dit en substance Michel. Et la Chef ajoute : “Le titre, c’est : ‘Star Academy : l’émission qui dérange’, sors du bureau maintenant, tu as jusqu’à 14 heures”.

J’arrête alors Michel dans son l’histoire et je lui demande : “Mais… Tu as fait quoi alors ? Tu as trouvé qui l’émission dérangeait ?”. Et il me répond : “Ouh la ! Oui. L’émission dérangeait les producteurs parce qu’elle avait trop de succès, elle dérangeait les autres chaînes parce qu’elle faisait trop d’audience, elle dérangeait les artistes qui n’étaient pas invités. Elle dérangeait tout le monde”.

starac2

Et voilà donc qu’aujourd’hui, vendredi, c’est moi qui suis convoqué dans le bureau de la Chef. A l’intérieur, il y a les chefs de rubrique, les rédacteurs en chef adjoint. Tout le monde planche sur la couverture. Au fond de la pièce, sous la fenêtre, il y a un énorme crocodile qui ressemble à celui de Lacoste, en porcelaine, je crois. Quand je l’ai vu, je me suis mis à appeler son bureau “l’antre du dragon”, et moi, je suis un hobbit. Le matin, nous avons fait comme chaque vendredi notre conférence de rédaction. Elle est arrivée en retard alors j’avais un espoir, c’était de parler avant qu’elle ne débarque. Chacun de nous ayant son petit domaine de prédilection, on organise un tour de table, je suis toujours le dernier à prendre la parole, juste avant qu’on attaque la “semaine télé” proprement dite avec les grands événements des sept jours à venir pour décider des sujets. Je prie pour passer avant qu’elle n’arrive, et je fais de gros regards au rédacteur en chef adjoint pour qu’il me permette de parler avant la fin du tour de table.

Hélas, il ne comprend pas ma détresse et je vois les minutes passer et les risques qu’elle arrive avant que je parle de plus en plus élevés. Finalement, elle arrive au moment où je dois parler. Du coup, elle n’écoute rien de ce que je dis, mais ponctue toutes mes propositions de “So what ?”, “Next” évocateurs de l’intérêt qu’elle leur porte. Je finis mon intervention par rappeler que j’ai vu le Twilight 4 et que j’ai une interview Robert Pattinson.

C’est donc pour Twilight que je suis convoqué en ce début d’après-midi : doit-on faire la couverture sur le film ou pas ? Quand soudain, une fulgurance d’un journaliste dans la salle donne la réponse à l’auditoire : “On pourrait titrer : Twilight 4 / Les ados adorent, les parents s’inquiètent“. Banco, dit ma Chef et je suis éconduit du bureau si vite que j’ai à peine le temps de me retourner pour dire :

– Mais ils s’inquiètent de quoi, les parents ?
– Tu trouveras bien.

twilight

Cahiers interdits (3) / Revenir au top

De 2011 à 2013, Gaston Petipetons était journaliste dans un magazine consacré à la télévision(1). Après son licenciement, il a disparu de la surface de la planète. Où ? Nul ne le sait. Quarante ans plus tard, en rangeant les affaires de son mari pour les mettre au grenier, sa veuve a retrouvé des cahiers qu’il rédigea tout au long de cette période et qui constitue un témoignage bouleversant sur le métier de journaliste au début de ce millénaire, à l’heure où la presse balbutiait sur Internet et où le modèle économique du « papier » périclitait lentement mais sûrement. Elle nous les a confiés. C’est ce que nous vous proposons de lire aujourd’hui.

Par respect pour son auteur, nous retranscrivons ces cahiers tels qu’ils ont été rédigés et dans l’ordre de leur écriture qui ne suit, semble-t-il, pas l’ordre chronologique des événements.

Que toutes les nouvelles générations de journalistes y trouvent ici un manifeste vibrant sur ce métier magnifique ainsi qu’une source d’inspiration pour l’avenir.

(1) la télévision était un support de projection (souvent familiale, installée dans le salon) qui permettait à tout un chacun de profiter de vidéos dans un ordre prédéfini par une série de producteurs regroupés ensemble sous l’appellation de « chaîne ». Un peu comme une liste de lecture sur YouTube aujourd’hui.

Le premier épisode.
Le second épisode.

Le boulot de journaliste

Lundi 23 avril 2012

Le journal est enfin sorti, je respire. J’ai quand même un peu peur de ce qu’il va se passer maintenant, mais au moins, la star a eu sa couverture.  Il y a deux mois, le chanteur en vogue K Ramel sortait un nouvel album. On a demandé une interview à la maison de disque et – comme d’habitude – un petit jeu de dupe s’est mis en place. Ça ressemble à du marchandage de tapis par téléphone. L’attaché de presse nous dit : “c’est ok pour l’interview, MAIS il fait la couverture du journal”. Alors, comme à mon petit niveau, j’ai aucune marge de manœuvre, je dois aller voir la chef dans son bureau qui dit en général : “C’est nous qui décidons de la couverture, pas eux”. Alors, je reviens au téléphone, je bafouille du : “Oui, non, peut-être, vous comprenez, c’est difficile de s’engager”. Alors, l’attaché de presse répond : “Très bien, pas d’interview”.  Conséquence, je retourne dans le bureau de la chef. Et ainsi de suite. Souvent, j’ai envie de dire à l’attaché de presse : “Appelle ma chef, elle te dira”, mais la chef n’aime pas répondre au téléphone. Son objectif à elle est simple : avoir l’interview sans promettre la couverture. L’objectif de l’attaché de presse est simple : avoir la couverture. Mon objectif est simple : ne pas me faire virer.

Finalement, ma chef accepte la couverture. Enfin, c’est pas très clair, elle a pas vraiment dit “oui”, on m’a surtout demandé de mentir pour avoir l’interview. On organise tout de même une séance photo  pendant laquelle il y a bataille entre le photographe et moi : je veux 45 minutes d’interview, mais le photographe veut deux heures pour les photos et on a l’artiste pour une heure et demi.

Après des palabres interminables, j’ai mon interview, on a les photos (reste encore à les faire voir à l’artiste pour validation) et, roule ma poule, tout est bon pour la couverture du numéro 1853. Cool, cool, cool.

Patatatras, l’artiste en question publie sur son compte Twitter une demi-heure après la séance photo : “Je fais la couverture du prochain magazine machin”.  Ce faux-pas devient le prétexte idéale pour ma chef : “On ne fera pas la couv sur lui”. Parce que dans la presse magazine comme la notre, on est à couteaux tirés sur les couvertures. C’est la clef de voûte de tout notre système. Et c’est un secret jalousement gardé par chaque titre. Une information confidentielle au plus haut point. Si un concurrent connaît notre couverture, c’est comme si Al-Qaeda avait vent des prochains tirs américains au Pakistan.

Finalement, avec trois semaines de retard (et quelques engueulades avec les attachés de presse), on décide tout de même de faire la couverture avec K Ramel. J’écris l’interview, je donne mon texte, je le réécris, il est validé et passe en maquette.

Pendant ce temps, ma chef, le directeur artistique et le rédacteur en chef adjoint cogitent sur la couverture. J’aime pas trop ça, car du coup, je suis en première ligne d’infanterie : une connerie, une erreur, quoi que ce soit, c’est pour ma gueule. Alors, quand on me convoque pour discuter de la phrase d’accroche, je suis dans mes petits souliers.

  • Gaston, tu peux venir ?, me demande-t-on
  • J’arrive. Oui ?
  • Qu’est-ce qu’il t’a dit K Ramel dans l’interview ?
  • Bah, pleins de trucs. Mais bon, j’ai quasi tout mis.
  • Dans tes chutes, il y a : “Je me suis battu pour revenir au top !” ?
  • Je crois pas, non. Je vais vérifier.

Je retourne à mon bureau, réécoute l’interview. Vaguement à un moment, j’ai : “J’ai énormément bossé ces dernières années”. Je reviens, je le propose, mais ça grimace.

  • T’es sûr qu’il a pas dit : ‘Je me suis battu pour revenir au top’ ?
  • Bah non…, je réponds.
  • Mais c’est ce qu’il voulait dire, non ? C’est dans l’interview en filigrane ?
  • Oui, on peut dire ça, oui. Mais je lui ai pas demandé s’il s’était battu pour revenir au top.

Finalement, on me dit de changer une phrase de l’interview pour glisser cette réponse. Je change mon texte et j’écris : “J’ai beaucoup bossé pour renouer avec le public”, je le donne à relire à ma chef, toujours au bureau du directeur artistique, affinant l’angle d’inclinaison de la police de l’accroche (un magnifique enculage de mouche qui doit changer drastiquement le nombre de vente).

  • Gaston, non. K Ramel a dit : “Je me suis battu pour revenir au top”. Donc, je veux que tu écrives : “Je me suis battu pour revenir au top”.
  • Mais, j’ai réécouté tout l’interview et à aucun moment il ne le dit.
  • Je ne te demande pas de réécouter l’interview. Je te dis qu’il l’a dit. Et maintenant, tu vas l’écrire.

couv

Cahiers interdits (2) / Délit de faciès

De 2011 à 2013, Gaston Petipetons était journaliste dans un magazine consacré à la télévision(1). Après son licenciement, il a disparu de la surface de la planète. Où ? Nul ne le sait. Quarante ans plus tard, en rangeant les affaires de son mari pour les mettre au grenier, sa veuve a retrouvé des cahiers qu’il rédigea tout au long de cette période et qui constitue un témoignage bouleversant sur le métier de journaliste au début de ce millénaire, à l’heure où la presse balbutiait sur Internet et où le modèle économique du « papier » périclitait lentement mais sûrement. Elle nous les a confiés. C’est ce que nous vous proposons de lire aujourd’hui.

Par respect pour son auteur, nous retranscrivons ces cahiers tels qu’ils ont été rédigés et dans l’ordre de leur écriture qui ne suit, semble-t-il, pas l’ordre chronologique des événements.

Que toutes les nouvelles générations de journalistes y trouvent ici un manifeste vibrant sur ce métier magnifique ainsi qu’une source d’inspiration pour l’avenir.

(1) la télévision était un support de projection (souvent familiale, installée dans le salon) qui permettait à tout un chacun de profiter de vidéos dans un ordre prédéfini par une série de producteurs regroupés ensemble sous l’appellation de « chaîne ». Un peu comme une liste de lecture sur YouTube aujourd’hui.

Le premier épisode.

Le boulot de journaliste

Jeudi 7 juillet 2011

Eh bien quelle aventure ! Il est 22h45. Je crois que c’est fini. Normalement, je ne récupérerai pas mes cartons. En tout cas pas cette semaine.

Ce matin, j’ai finalement pu interviewer Bruno, l’auteur du livre Les Coulisses du Tour. Le mec m’a raconté plein de petites anecdotes, c’était très sympa. Je n’ai pas annulé l’interview malgré les remarques du red’chef adjoint la veille parce que je me suis dit : “Ça me fera toujours mon encadré”. Malin. J’ai quand même tenté de savoir s’il n’avait pas l’intention de partir bientôt en camping-car et en famille à l’avenir… Voire même s’il comptait se faire immatriculer dans l’Essonne. Mais non. Ç’aurait pu. C’est con. “Le Tour”, m’a-t-il dit, “c’est avec ma Peugeot, c’est comme ça depuis toujours”.

Et puis, l’interview de François, mon retraité qui piste le Tour avec sa femme, Marie-Françoise, dans leur camping-car, a été avancé à 12h00. C’était carrément mieux.

Midi sonne, j’appelle, répondeur. 12h10, j’appelle, répondeur. 12h20, j’appelle, répondeur. 12h30, j’appelle Cofidis et je leur demande s’ils savent où je peux joindre François. Cofidis n’a pas que ça à foutre de me répondre, ils sont sur le Tour, mais ils me promettent que dès qu’ils l’aperçoivent sur la route, ils lui passent le message de regarder son téléphone. La modernité.

C’est à 15 heures, après plus de vingt essais infructueux que François décroche. Il empeste le pastis à travers le combiné. Et il m’explique qu’on a pas beaucoup de temps parce que le peloton va passer et que KKRZRKRKKZKZKRKKKRZ. Ça coupe. Je rappelle. Le jeu dure une dizaine de minutes. L’interview est plutôt surréelle : sa femme, derrière, n’arrête pas de lui dire que “Ça y est, ils arrivent”, à chaque fois François veut raccrocher, à chaque fois, je sauve la situation, mais je me demande vraiment pourquoi vu qu’il ne répond pas à mes questions et qu’il jure une phrase sur deux. Au bout d’un moment, le peloton passe vraiment, et là, François raccroche définitivement.

J’ai un ersatz d’interview qui – en tirant à la ligne – devrait faire 1200 signes. Max. Heureusement que j’ai Bruno en back-up. Fort de cette réussite, je retourne voir mon red’chef adjoint…

Homme

  • J’ai eu les interviews. François, le retraité, et Bruno.
  • C’est qui Bruno ?
  • L’auteur du bouquin.
  • Mais je le veux pas, lui.
  • Oui, mais l’interview de François, c’est pas top top.
  • C’est-à-dire ?
  • C’est-à-dire qu’une fois qu’ils m’ont dit qu’ils suivaient le Tour de France en camping-car, la conversation n’est pas vraiment allée plus loin. Ils n’avaient pas grand-chose à me dire. Du coup, on pourrait faire : François et sa femme qui font le Tour de France avec leur camping-car en leader et, en encadré (je place mon astuce), Bruno et son livre.
  • Mouais, dit mon red’chef adjoint, pas très convaincu.
  • Et en plus, je te fais “Le Tour en chiffre”. Pour le même prix.
  • Mouhoqué.

Ni une, ni deux, je rédige mes papiers, et paf, je les envoie.

  • Gaston ? Gaston, tu peux venir voir ?
  • J’arriiiiiiiiiiive.

Homme

  • C’est… C’est tout ce qu’ils t’ont dit ?
  • Bah oui…
  • Eh bien, c’est pas très intéressant…
  • Je sais.
  • Écoute, on envoie comme ça pour le moment, et on regarde ça. Tu donnes la photo à la maquette ?
  • La photo ? Quelle photo ?
  • La photo des retraités devant leur camping-car.
  • Mais j’ai pas de photo.
  • Ils en avaient pas ?
  • J’en… J’en sais rien.
  • Eh bien, il en faut une ! Comment on illustre l’article sinon ?
  • Je sais pas : des photos de camping-car !
  • Mais il faut leur photo puisqu’on les interviewe ! Ils n’ont qu’à en faire une avec leur portable et te l’envoyer par mail ?
  • Ils ont 70 berges, ils regardent le Tour, je crois pas qu’ils soient à jeun et ils sont dans un putain de camping-car sans Internet.
  • Gaston. Il faut leur photo. Débrouille-toi. Envoie un photographe sur place qui les trouve et les photographie.

Je retourne à mon bureau, reprends mon téléphone, et je passe l’après-midi à tenter de joindre François qui ne me répondra pas. J’essaie de booker un photographe pour me trouver François et Marie-Françoise. Personne n’est libre. J’appelle Cofidis, j’explique mon problème :
– Voilà, les retraités que vous m’avez permis d’interviewer. Par PUR hasard. Vous ne les auriez pas en photo ?
– Ah, je peux regarder ça ce soir, après l’étape, c’est possible.
– Si vous en avez, prévenez-moi au plus vite sinon, je dois envoyer un photographe sur place pour les prendre en photo et comme ils ne répondent pas et que j’ai aucune idée de l’endroit où ils sont…
– Bien sûr.

Depuis le début de la soirée, je regarde donc constamment mon mail et enfin, ça y est, à 22h42, j’ai reçu une photo. Mon contact m’explique : “J’ai cherché une photo de François et de son camping-car, mais je n’en trouve pas. J’ai juste François et sa femme au bord de la route habillés en supporters. Je vous joins quand même la photo. Si demain c’est encore possible, on peut vous en faire une”. J’en étais là quand j’ai commencé à écrire ce texte. Allez, j’ouvre la photo, je croise les doigts. Avec un peu de chance, le camping-car n’est pas loin, derrière, on voit peut-être le capot.

François et son camping car

Et merde. Ça ne va pas le faire.

Vendredi 8 juillet 2011

Le vendredi, c’est le jour de la conférence de rédaction. Je déteste ce jour-là. Je dois proposer des sujets dits “technos”, mais j’ai pas bien compris ce qui relevait exactement du “techno” dans le cadre d’un journal télé. Du coup, je parle des tablettes et des services web des chaînes en général et puis de l’écologie, de la nature, de la science…

En réalité, j’ai l’impression que le moment où je prends la parole, c’est l’instant “détente-humiliation” de ma red’chef. Parfois, quand c’est mon tour de présenter mes sujets, elle sort de la salle en disant : “Continuez sans moi” et quand elle reste, elle fait des réflexions type : “Pffff”, “N’importe quoi”, “C’est pas vrai, chez moi ça marche”, “Je ne comprends pas”, “C’est pas clair”, “Dépêche-toi”, “Va plus vite”, “C’est long”, “Ok, next”. Mais le plus souvent, elle joue à Angry Birds. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est elle qui le raconte dans les bouquins qu’elle a écrits.

Quand je suis arrivé ce vendredi, donc, avec la boule au ventre à cause de la conf de rédac, j’ai retrouvé mon red’chef adjoint et je lui ai montré l’unique photo de mes retraités. “Et tu n’en as pas d’autres ? Parce que ça va faire vraiment le journal du troisième âge : on a Jeanne Moreau la page d’avant et Marthe Villalonga la page d’après”.

J’ai des cernes sous les yeux qui touchent le plancher, les cheveux plus plats qu’une limande, ça allonge mon visage, on dirait que je viens d’enterrer toute ma famille alors le red’chef adjoint, magnanime, consent un : “Non, mais ça va aller”.

Du coup, changement de plan : le Bruno qu’on m’avait refusé passe en pleine page, les retraités sont relégués en bas de page. Et finalement, j’arrive quand même à caser mon encadré “Le Tour en chiffres”. Et je crois que je vais passer mon week-end à dormir.

Un Tour à la page

(Il va sans dire qu’à la dernière question posée à Bruno, les SR ont écrit : “(il sourit)”. Vu que j’étais au téléphone, je n’en ai pas la moindre idée s’il a souri. Si ça se trouve, il ne voulait VRAIMENT pas que je l’écrive).

A la fin de la conférence de rédaction, on a distribué les sujets de la semaine suivante. J’ai eu le droit qu’à du facile : “Charlène et Albert : Déjà en froid ?”, une interview de Natacha Amal (où elle doit me dire tout le mal qu’elle pense d’Ingrid Chauvin qui ne l’a pas invité à son mariage) et les nouveaux jeux de l’été: “Money Drop” et “Connaissez-vous bien la France ?”. Easy, mec.

Cahiers interdits (1) / Ma tête au bout d’un pic

De 2011 à 2013, Gaston Petipetons était journaliste dans un magazine consacré à la télévision(1). Après son licenciement, il a disparu de la surface de la planète. Où ? Nul ne le sait. Quarante ans plus tard, en rangeant les affaires de son mari pour les mettre au grenier, sa veuve a retrouvé des cahiers qu’il rédigea tout au long de cette période et qui constitue un témoignage bouleversant sur le métier de journaliste au début de ce millénaire, à l’heure où la presse balbutiait sur Internet et où le modèle économique du “papier” périclitait lentement mais sûrement. Elle nous les a confiés. C’est ce que nous vous proposons de lire aujourd’hui.

Par respect pour son auteur, nous retranscrivons ces cahiers tels qu’ils ont été rédigés et dans l’ordre de leur écriture qui ne suit, semble-t-il, pas l’ordre chronologique des événements.

Que toutes les nouvelles générations de journalistes y trouvent ici un manifeste vibrant sur ce métier magnifique ainsi qu’une source d’inspiration pour l’avenir.

(1) la télévision était un support de projection (souvent familiale, installée dans le salon) qui permettait à tout un chacun de profiter de vidéos dans un ordre prédéfini par une série de producteurs regroupés ensemble sous l’appellation de “chaîne”. Un peu comme une liste de lecture sur YouTube aujourd’hui.

Le boulot de journaliste

Mercredi 6 juillet 2011

J’ai finalement décidé de raconter ce qu’il se passe au bureau. C’est un ami du deuxième étage qui me l’a conseillé. “Parfois”, m’a-t-il dit, “écrire ce qu’on vit nous aide à le surpasser et surtout à se calmer”. Et aujourd’hui, ça ne va pas bien du tout. Je stresse. C’est l’angoisse qui remonte dans le bas du ventre et qui explose au cœur du plexus solaire en irradiant toute la poitrine. Pourtant, ça avait bien commencé : je devais suivre une étape du Tour de France, alors en Bretagne, en ridant à travers les vélos sur une moto de la production de France Télévisions. Ensuite, retour dans nos quartiers généraux à Paris où j’aurais écrit sur cette expérience. Je ne sais vraiment pas qui ça aurait intéressé, mais c’était quand même cool de faire un truc qui me sorte enfin du bureau. Oui, parce que jusque là, je crois que j’ai bien mérité le surnom que me donnait ma mère : «cul collé». Je crois que je me lève trois fois dans la journée : une pour pisser, une pour le déjeuner et une pour me barrer. Le reste du temps, j’ai les yeux rivés sur l’écran, à taper et taper des lignes de conneries qui seront lues en trois secondes par Madame Michu et son époux. Madame Michu, c’est comme ça que la red’chef appelle nos lecteurs. Je trouve ça péjoratif, mais vu qu’elle a fait des croisières avec eux, elle sait mieux que moi à quoi ils ressemblent. Je lui fais confiance sur ce coup.

Quand ça m’a été proposé, je stressais (déjà) un peu parce que la moto, ça me fiche un peu la trouille, mais en même temps, je me voyais enfin en véritable reporter. Toutes ces années à trimer allaient enfin payer, fini les coups de fil aux attachés de presse, j’allais partir “sur le terrain”, dans les tranchées de Plougastel et raconter MON Tour de l’intérieur. De quoi faire pâlir Hunter S. Thompson.

Patatras. Hier soir, mardi, la mission est annulée pour cause de mauvais temps. Mais mon red’chef adjoint vient me voir : “On fait quand même un sujet sur le Tour de France, si tu as une idée…”. Non, j’ai pas d’idée. Et en plus, dès qu’on m’en demande, j’en ai encore moins, mon cerveau passe en encéphalogramme plat, ça fait “bzzzzz” entre mes oreilles. Je balbutie : “Euh, pfrtrft, euh… Le Tour en chiffre ?”. “Non”, me répond-il, “déjà fait. Tu réfléchis et on en discute demain ?”

Ce matin, j’avais pas la queue de l’ombre d’une idée. Je le retrouve à 10 heures et il me dit :
– Alors, pour le Tour de France, ce qu’on va faire, c’est que tu vas nous faire, tu sais, un papier sur les fanas du Tour. Il y a toujours des gens qui le suivent en caravane. Il faudrait faire un article sur eux, ceux qui le suivent du début à la fin. On titrera ça “Les passionnés du Tour”, quelque chose comme ça.
– Euh… Je te les trouve… depuis Paris ?
– Oui. Voilà, c’est ça : une famille qui suit le Tour de France en camping-car depuis la première étape jusqu’à la dernière. Il y en a des milliers chaque année, ça va pas être trop dur !
– Mais… Tu veux que je les trouve… depuis Paris ?, recommencé-je, interloqué.
– Oui, tu appelles la presse régionale, j’ai lu un article dessus dans Le Littoral.

Gloups

Dans mon cerveau, qui vient de se relancer comme un ordinateur sous Windows 95, je commence déjà à entrevoir la galère se dessiner.

  • Ok, je réponds d’une voix blanche et atone, j’ai jusqu’à quand ?
  • Demain soir ?

J’ai cru que j’allais m’évanouir. Il faut dire qu’au bureau, l’échec n’est pas une solution. J’ai pas le droit de dire : “j’ai pas réussi à faire l’article, trouvons un plan B”. En fait, je pourrais, mais dans ce cas, on m’envoie dans le bureau de la red’chef. Et elle me terrorise. Quand j’arrive devant, c’est comme si j’étais aux portes de l’enfer et que des gnomes armés de hallebardes me piquaient les fesses pour me faire avancer. J’ai des palpitations, la gorge sèche. On raconte qu’un jour un type est rentré dans son bureau et qu’il en est ressorti tremblant comme une feuille, qu’il a pris ses affaires et qu’on ne l’a jamais revu. Je crois que c’est une légende que je me suis inventée, mais j’y crois dur comme fer. Et je suis certain que si je n’arrive pas à faire cet article, je pourrais repartir vendredi avec mon carton.

Il est 10 heures et je commence mon enquête impossible. D’abord, j’écume tous les vélos-club de la région, je me crée des comptes partout, je laisse des messages sur les forums, les répondeurs, j’envoie des mails où j’explique que je cherche une famille qui suit le Tour de France du début à la fin en camping-car. J’appelle France Télévisions qui diffuse le Tour, les organisateurs (ASO), personne ne connaît personne qui suit le tour en camping-car. Les seuls qui me répondent sont les anti-caravanistes qui sont saoulés par toutes ces caravanes qui suivent le Tour de France. Ça me déprime. Je tente de convaincre mon intervenant de me donner le nom d’un d’entre eux : “Vous ne pensez quand même pas que je vais leur faire de la pub !”, s’étouffe-t-il.

Ensuite, j’épluche la presse locale, la doc de notre journal m’est d’une aide précieuse, j’identifie un article écrit par une journaliste de Ouest-France du bureau de Caen, je contacte Ouest-France, mais je ne suis pas au bon bureau, je retrouve le bon bureau, la journaliste est une pigiste, on lui laisse un message, elle va me rappeler, me dit-on. Faible espoir d’entrevoir le bout de la galère à ce moment de la journée. Si la famille voulait bien me parler, ce serait quasi-bon. Enfin, ce serait un décalque de l’article de Ouest-France, mais après tout, ce serait toujours mieux que rien.

15h00, la journaliste me fait savoir que “Non, je ne veux pas vous donner le nom de ces personnes”. Entre temps, j’avais trouvé le téléphone de la famille dans l’annuaire et je l’avais déjà appelée, mais elle ne me répondait pas. Pour cause : elle suivait le Tour de France, elle n’était donc pas à son domicile.

La clepsydre commence à dangereusement se vider, je suis hyper irritable. Changement de fusil d’épaule, je découvre qu’un type a écrit un bouquin sur le Tour de France, un mec passionné de vélo qui le suit depuis des années en voiture, du début jusqu’à la fin et qui raconte comment il a trompé la sécurité en rachetant des combinaisons de mécaniciens pour passer les vigiles afin de vivre le Tour de l’intérieur. Je le contacte, il est ok pour une interview le lendemain matin. VICTOIRE !

Je vais voir mon réd’chef adjoint, un peu comme si j’étais Robert Redford dans Les Hommes du président

Homme

  • C’est bon, j’ai quelqu’un. Il suit le Tour de France du début jusqu’à la fin depuis plusieurs années, il a même écrit un livre.
  • C’est un homme ?
  • Oui.
  • Ce serait mieux une femme, tu sais, pour l’équilibre du journal.
  • Il suit le Tour en famille ?
  • Euh… Non, sa femme reste à la maison pendant ce mois-là et s’occupe des enfants.
  • Et c’est quoi le camping-car ?
  • C’est… C’est une voiture…
  • Eh bien tu vas nous trouver quelqu’un d’autre.

La mort dans l’âme, je suis retourné à mon bureau.

Il était 17 heures, je me prends un Coca et je suis las. Je rappelle ASO, et je me lance dans l’idée d’appeler toutes les directions d’équipes françaises en espérant que la famille d’un coureur me fera la joie de suivre le fiston su la durée du Tour, en camping-car pour mon plus grand plaisir.

À 19 heures, j’ai une réponse. Un couple de retraités suit (en camping-car) l’équipe Cofidis. Et depuis plusieurs années. Bingo. Je retourne voir mon rédacteur en chef adjoint :

Homme

  • C’est bon, je l’ai !, dis-je tout essoufflé, un couple (je reprends ma respiration) qui suit le Tour de France (je vomis) en caravane. Je peux les interviewer demain vers 15h00 (je prends un shoot de ventoline).
  • Ah tu vois ! Ils ont des enfants ?
  • Non, ils sont retraités.
  • Non… Non… MIchel, non, (je me mets à pleurer). C’est une famille, ils ont un camping-car. ME FAIS PAS ÇA MICHEL, T’AS PAS LE DROIT. ME DIS PAS QUE ÇA VA PAS.
  • Bah, c’est-à-dire que si tu pouvais avoir mieux.
  • JE N’AURAIS PAS MIEUX. QU’EST-CE QUE TU VAS ME DEMANDER APRÈS ? QU’ILS SOIENT IMMATRICULÉS DANS L’ESSONNE ?
  • Ok, ok, ok, très bien… (il fait une pause) Mais essaie d’avoir mieux.

20 heures, je suis chez moi. J’écris ce texte. Je ne suis pas du tout déstressé. Mon pote du deuxième s’est bien foutu de ma gueule. Demain, je dois interviewer l’auteur du bouquin et le couple de retraités. Si un seul me plante, je finis la semaine au bout d’un pic.

Les Grandes erreurs du marketing (16) : le mail qui fait mal

C’est mal de se moquer, je sais, et je n’oserais jamais faire ce type de boulot de peur de me planter, mais c’est drôle. En tout cas, moi, ça m’a fait rire.

Voici donc TextMaster, une entreprise spécialisée dans la correction et la traduction de textes qui a lancé LOOP : “une solution novatrice de traduction et de correction d’emails par des professionnels”. D’où une grande campagne d’emailing que je reçois donc. Dans le mail et le PDF associé, on apprend que TextMaster a commandé une étude et que “le constat est alarmant : 90% des emails envoyés par les entreprises à leurs clients contiennent au moins une faute d’orthographe”. C’est dire. Surtout que c’est “un manque à gagner réel en termes d’image et de compréhension du point de vue du client”. Tu m’étonnes…

Juste après, on insiste encore : “une seule faute d’orthographe peut avoir des effets catastrophiques sur la réalisation d’une vente ou d’un partenariat, et plus généralement sur l’image de l’entreprise”.

Bref, la solution pour éviter cela, c’est LOOP, donc, même si ça coûte des ronds et qui fonctionne comme suit : on crée une adresse chez eux, on envoie le texte à faire corriger et “le contenu est automatiquement soumis à la communauté des 42 000 auteurs professionnels de TextMaster pour être renvoyé, traduit ou corrigé, après quelques heures, à l’adresse de l’expéditeur”. Le prix ? “Par mot, ce service est facturé 1 cent pour une correction et 2 cents pour une traduction”.

Alors bien sûr, quand on envoie un mail de ce genre pour vendre un service de ce genre, il vaut mieux se blinder. Sinon, ça fait tache :

textmaster_cor

Autant dire que ces “enemies” ont incité nombre de destinataires à répondre à l’émissaire de ce mail (une boîte de com, pas TextMaster elle-même, heureusement) pour faire remarquer la faute d’orthographe. Et donc, on a eu le droit à “ERRATUM” constitué du message corrigé avec en introduction cette petite phrase :

“Les ennemies”, comme vous avez été plusieurs à le remarquer, prennent bien entendu 2 “n”… pour les autres distraits, adoptez LOOP pour un sans-faute dans l’envoi de vos mails (ou communiqués).

Remarquez, je ne jette pas la première pierre : s’ils avaient utilisé le service LOOP, ça leur aurait coûté 6 euros…

Spring Breakers : la critique s’emballe-t-elle ?

On ne va pas se mentir, les critiques ont mouillé pour Spring Breakers, le nouveau film de Harmony Korine. Les Inrocks ont même consacré leur couverture au phénomène :

Inrocks

Avouons que sur ce film, Les Inrocks se sont dépassés, soutenant le film depuis la Mostra de Venise où il était comparé à du “Terrence Malick sous ecstasy”. Cette première critique du film avait au moins le bon goût de garder une certaine retenue : “[On peut] s’agacer de la façon dont Korine botte en touche, portant un regard à la fois critique et séduisant sur la violence de la gangsta weltanshung. Mais au final, ses twists ironiques, son humour noir, son énergie de série B, sa verve formelle, sans oublier la plastique superbe de ses actrices emportent le morceau”.

Aucune retenue lorsque le même auteur a écrit sa critique lors de la sortie officielle de Sping Breakers comparant cette fois-ci le film à du “Godard boosté au Red Bull” : “Korine filme cette débauche de formes et de couleurs avec une énergie folle, variant ses cadrages, balançant des décharges de montage en cut-up, bombardant les mots Spring Break comme un mantra” avant de conclure, superbe : “Derrière le rêve illusoire du Spring Break, les fractures ethnico-sociales et la violence de l’Amérique rôdent toujours. Korine déchire la carte postale floridienne et déniaise le Spring Break.”

Une autre “plume” des Inrocks officiant sur les ondes du Masque et la plume, vivant mal que le film n’ait pas été retenu par un Jérôme Garcin inspiré, a tenu à en parler lors des conseils à la fin de l’émission ajoutant à cette pandémie d’onanisme intellectuel : “C’est une critiqueuh de l’état terminale de la sociaytay du spayctacle qui va vraymant vayrs sonne apocalypse, mays cette apocalypse, i en fayt une sorteuh de feuh de joâ et c’est hein film totalemant jubilatoâre à la fois fayroce et trés trés drôlay”.

[mejsaudio src=”http://www.artypop.com/wp-content/uploads/2013/03/springbreakers.mp3″]

On aura bien sûr compris que si Les Inrocks ont beaucoup apprécié le film, c’est qu’il leur permettait, sous le vernis “œuvre d’auteur”, de foutre des meufs en bikini sur la couverture, s’assurant de surcroît, grâce à la présence de Vanessa Hudgens et de Selena Gomez, un effet viral évident et une probable augmentation subtile des ventes en kiosque. D’ailleurs, j’ai trouvé la couverture des Inrocks en question sur le site de Selena French Web. Quand je pense ce qu’était ce journal, j’ai mal à ma mémoire.

Je me moque des Inrocks parce que je suis un connard jaloux, mais ce sont loin d’être les seuls à s’être branlés la nouille devant Spring Breakers : Les Cahiers du cinéma, Elle, Télérama et Paris Match ont, semble-t-il, été tout aussi émoustillés par ses jeunes filles en fleur et en bikini pendant 99% du film :

Critique

Pourquoi une telle unanimité ? Parce que c’est pas tous les quatre matins qu’ils vont voir un film qui peut se vendre auprès du public comme “film d’auteur” (parce que c’est Harmony Korine qui l’a réalisé, le GÉNIE qui a pondu en deux semaines le scénario de Kids, qui a filmé l’ovni Gummo et le très radical Julien Donkey Boy, qu’il est sorti avec Chloë Sevingy, qu’il a pris des drogues, qu’il a bu de l’alcool, qu’il a été très malheureux et qu’il adore le cinéma français depuis ses douze ans) où quatre filles passent leur temps à poil et où le nihilisme du scénario est un support à toutes les interprétations fumeuses propre au plaisir du critique de cinéma.

Et concrètement ? Spring Breakers est une belle grosse bouse. C’est une tentative de réhabilitation maladroite et désespérée d’un type paumé qui ne vit que sur cette gloire éphémère qu’ont été les cinq premières années de son travail. Korine refait du Gummo, pour ainsi dire, en moins extrême et surtout avec des stars pour s’affirmer bankable. Un statut soutenu artificiellement par des critiques en mal d’émotions.

Alors, oui, certains se pâment devant le montage “cut-up” comme ils l’appellent eux-mêmes, fascinés par l’idée de montrer quelques plans d’une séquence avant qu’elle n’arrive dans le scénario, idée liée par des bribes de dialogues. Ainsi, l’une des jeunes filles va se faire tirer dessus, on voit trois plans d’elle avec du sang sur le bras, avant même qu’on ne nous ait montré la balle le traverser (son bras). D’autres s’extasient devant les répétitions des dialogues (appelons ça “remplir le vide”) “totalement jubilatoires” pour reprendre le critique du Masque et la plume. Par exemple, ce dialogue répété une quinzaine de fois :

  • On va le faire ?
  • Tu as la trouille ?
  • Je suis sûre que tu as la trouille…
  • Oui, je suis le plus grand trouillard de la planète…
    (dix secondes de pause)
  • On va le faire ?
  • Tu as la trouille ?
  • Je suis sûre que tu as la trouille…
  • Oui, je suis le plus grand trouillard de la planète…
    (dix secondes de pause)
  • On va le faire ?
  • Tu as la trouille ?
  • Je suis sûre que tu as la trouille…
  • Oui, je suis le plus grand trouillard de la planète…
    (dix secondes de pause)
  • On va le faire ?
  • Tu as la trouille ?
  • Je suis sûre que tu as la trouille…
  • Oui, je suis le plus grand trouillard de la planète…
    (dix secondes de pause)

Mais si voir des culs et des seins comble vos appétits cinématographiques, comme cela semble être le cas pour la critique française, alors un seul mot : foncez.

Les Grandes erreurs du marketing (15) : le packaging

Amis du bon goût, bienvenue ! La semaine dernière (c’était pas du tout la semaine dernière, c’était il y a une éternité maintenant et en plus j’ai déjà posté la photo sur Twitter, mais je pense qu’il est nécessaire que j’en fasse un article pour ce blog moribond), j’ai acheté du thé. Oui, je vous vois venir : “on s’en fout”, criez-vous derrière votre ordinateur alors que vous buvez un Benco avarié. Et bien, dans ce cas, coupez le son de ce blog ! Oui, allez-y ! Pas de quoi avoir peur ! Vous savez : le monde ne s’écroulera pas(*).

Bref, donc, pour ceux qui sont restés, j’ai acheté une boîte de thé au Carrefour Market en face du boulot (où — miracle sur la 42e rue — je n’ai toujours pas été viré). Je la trouvais bizarre cette boîte, son packaging ne me semblait pas correspondre à la promesse que j’attends d’une boîte de thé, mais c’était du Tetley avec les sachets à tirettes qui permettent de vider toute l’eau du filtre et c’est quand même bien pratique. Du coup, malgré ma réticence à l’acheter, j’ai quand même craqué.

Revenu au bureau, j’ai mis la boîte de Tetley sur le rebord de mon bureau, histoire de voir ce qui allait se passer. Est-ce que j’étais le seul à m’être fait des idées ou bien y avait-il de la part de TATA (la firme qui commercialise le thé Tetley) une véritable bourde de packaging ?

Tetley

Ça n’a pas raté : deux personnes sur trois sont venues me demander pourquoi j’avais acheté des tampons périodiques. Et il faut reconnaître qu’on peut facilement s’y tromper :

Tampax

J’imagine comment ils en sont arrivés à cette merveilleuse idée :

– Bon, les mecs, faut plancher sur le nouveau packaging de notre boîte de thé.
– Ouééééé !
– Alors, le thé c’est une boisson de… ?
– GONZESSES !
– Ouééééé !
– Pas con !
– Carrément !
– Les mecs y boivent du CAFÉ !
– Et de la bière !
– Ouééééé !
– Bon, et qu’est-ce qu’elles aiment les gonzesses ?
– …
– …
– Le thé ?
– Maurice, t’es con.
– Les tampons hygiéniques ?
– Elles… aiment ?
– En tout cas, elles en achètent !
– Pas con…
– Donc, si… on fait une boîte…
– Comme celle des tampons…
– Peut-être qu’elles auront l’impression…
– Que c’est pour elles ?
– Carrément !
– Et en plus, si ça se trouve, elles croiront acheter des tampons !
– Et on double nos parts de marché !
– LA CLASSE !
– TROP FORT !
– Ok et sur la boîte, à côté de notre pictogramme de la tirette, on met en gros : “EXTRA ABSORBANT”.

Bravo les gars. C’est très réussi.

(*) sauf si vous lisez ce post le 21 décembre 2012, là, je ne garantis rien.

La mer à boire (la tasse)

Aujourd’hui, pour le boulot, je suis allé voir un super film, un chef d’œuvre comme le cinéma ne nous en livre que rarement et qui est de plus avec Daniel Auteuil, dont il faut bien reconnaître que les derniers films n’étaient pas tous à la hauteur. Mais celui-là, ATTENTION, il carbure au sans-plomb 98. Protégez-vous les mirettes, mettez des lunettes de soleil.

Meraboire

(bon peut-être de plus jolies que lui, mais faites gaffe quand même).

Le synopsis du film tient en deux phrases dans le dossier de presse : “Georges, un patron de chantier naval, est lâché par sa banque. Il devra se battre jusqu’au bout pour tenter de sauver l’entreprise qu’il a passé sa vie à construire”.

Ça débute tout doux donc avec Georges Pierret, fabricant des bateaux Pierret, des yachts luxueux, mais comme le budget ne prévoyait pas de véritables yachts luxueux, le réalisateur s’est contenté de filmer de vieux rafiots.
Ainsi, quand un riche footballeur de l’OM débarque pour venir voir son FABULEUX yacht, voici ce que les entreprises Pierret ont construit pour lui :

Bateau

Avec ça, s’il ne fait pas bisquer Anelka, c’est à n’y rien comprendre.

D’ailleurs dans le dossier de presse, le réalisateur insiste sur le fait qu’il voulait mettre en scène un film qui se passe dans le milieu des yachts bling-bling. Une réussite.

Bref, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, d’ailleurs Georges vient de faire rénover l’usine de montage et compte bien en faire de même avec celle de moulage (et là, t’as tous les salariés qui crient comme un seul homme “WHAOUUUUUUUU”) comme il le dit dans une grande soirée de célébration pour fêter une vente d’un bateau, soirée qui se termine d’ailleurs avec son meilleur pote, Claude, le menuisier avec lequel il bosse depuis vingt ans, rond comme un ballon qu’il est obligé de ramener.

Dans cette soirée, le jeune Luis – fraîchement divorcé – rencontre Jessica, une pharmacienne qui a tourné le dos à une carrière derrière les comptoirs pour devenir menuisière (car elle “aime travailler avec ses mains”). Le dialogue est tout bonnement superbe :

Luis : Les mecs à l’atelier, y disent que t’es bonne.
Jessica : Ah bon ?
Luis : Bonne en menuiserie.
Jessica : Viens.

Et ils s’en vont dans la nuit sombre (et sauvage, comme le dit la chanson).

De son côté, George arrive chez la femme de son pote, Claude. Là, sa femme lui annonce que Claude, en ce moment, ça va pas fort.

En fait, on apprendra le lendemain que la société de menuiserie de Claude est en cessation de paiement. Lorsque la liquidation judiciaire arrivera environ vingt minutes plus tard, l’homme ira s’immoler dans l’entrée de la chambre de commerce et de l’industrie locale.

Georges, lui, est rentré chez lui, seul. Il regarde sa piscine, puis son salon. Là, il se souvient de Mathilde, sa femme, morte depuis quelques années, dans une soirée avec des amis. Ô temps suspend ton envol. Il est triste, le Georges. Le lendemain, il a rendez-vous avec la banque. Mais le banquier, Louis (oui, Luis, Louis, même pour les prénoms, les scénaristes n’avaient aucune imagination), est un salopard. Il contraint Georges a se débarrasser de l’atelier de moulage, JUSTEMENT celui qu’il voulait rénover. Tu parles d’une chance.

Georges prend la décision de passer son salaire au smic (car LUI AUSSI fait des sacrifices), appelle le CE, comme dans les vrais, et annonce sa décision qui fait beaucoup de bruit on s’en doute.

Arrive le volet social du film. Luis, bien sûr, est l’un des salariés de l’atelier de moulage, il monte avec Hassan (le chef du CE) des barricades pour se plaindre des indemnités de licenciement proposées par la direction : 2000 euros. Après l’occupation de l’usine et une négociation de haut vol (vécu in extenso par le spectateur), les salariés licenciés obtiennent… 18 000 euros. Mais ils en veulent 50 000. Conclusion, Georges, patron au grand cœur est contraint de faire intervenir les CRS pour désoccuper l’usine. Trop dur.

Luis, lui, va chez sa copine Jessica, et décide de préparer des lasagnes. Mais il fait tomber le plat qui se casse sur le sol de la cuisine. Sans qu’on comprenne vraiment pourquoi (d’ailleurs dans l’ensemble rien  n’explique pourquoi les personnages agissent comme ils le font), mais particulièrement consterné, le spectateur regarde – désemparé et embarrassé – Luis renverser la table et les chaises puis se tirer. Lorsque Jessica arrive chez elle, elle appelle Luis pour lui demander si c’est lui qui a foutu ce bronx. Nouveau dialogue d’une grande richesse. Luis est avec un pote en train de regarder un match de foot.

Luis : Allo ?
Jessica : Luis ?
Luis : Ué ?
Jessica : C’est toi qui a foutu le bazar dans ma cuisine ?
Luis : Ué.
Jessica : …
Luis : Au fait. Je t’aime plus, je te quitte.

Il raccroche.

Là, dans la salle, on s’est tous regardé avec un gros air de d’incompréhension : pourquoi ce film ? pourquoi est-on venu ?

Mais tout cela n’est rien.

Le pire ennemi de Georges, c’est Louhis (non, je déconne, j’ai oublié son nom), le Afflelou de la marine : il fait de la merde pour pas cher et veut s’acheter le prestige de la marque Pierret. On le comprend : qui ne voudrait pas d’un bateau comme ça ?

Bateau

Sauf que Georges, pour rien au monde ne veut vendre à Louhis. Je vous laisse deviner le dénouement que je vais spoiler dans cinq minutes.

Bref. Où j’en étais dans ce ramassis de clichés moisis ?

Ah oui. Donc, Georges fête finalement une nouvelle vente : celle d’un bateau à un millionnaire russe bien évidemment véreux (on va pas s’embarrasser avec des poncifs, hein) qui lui propose d’investir dans sa société et de venir à Moscou pour discuter des arrangements.

Voilà donc notre Georges qui part en Russie et qui rencontre une charmante interprète. Mais comme le millionnaire russe était véreux (je crois que je l’ai déjà dit), sa société est liquidée le jour de l’arrivée de Georges qui finalement passe son week-end avec l’interprète dont il va tomber éperdument amoureux.

Revenu en France, Georges a une super idée : a. il va vendre sa maison, b. il va construire le plus beau bateau du monde, un 70 pieds, c. il va repartir en Russie rejoindre l’interprète et la faire venir en France.

Au salon nautique de Paris, le bateau de Georges est un succès : il a trois commandes fermes ! Il appelle sa nouvelle copine, lui dit avoir un ticket d’avion pour Moscou, et voilà que patatras, tout s’écroule : son ennemi juré a réussi à être actionnaire majoritaire de sa boîte (je vous passe la signature chez le notaire pour la finalisation des actes de vente des parts de la société, vécue elle aussi in extenso).

Georges part sur les berges de la Seine et sans qu’on comprenne vraiment pourquoi déchire son ticket d’avion . Il faut croire que se faire rembourser aurait été trop intelligent.

Fondu au noir.

Georges a quitté l’entreprise : on le comprend parce que d’habitude, il est en costume et là, il est en jean basket avec des sacs en plastique ED L’épicier. Il vit sur son petit bateau. Pris d’un rhume, il se rend à la pharmacie et là, c’est Jessica, l’ébéniste du début, qui le sert : eh oui, la société a déménagé son activité en Bretagne et elle a été contrainte d’abandonner son rêve pour devenir pharmacienne. LA TUILE. On ne sait pas comment elle a vécu sa séparation avec Luis, ça fait bien longtemps qu’on s’en fout, en réalité. Comme de tout le film depuis le début d’ailleurs.

Georges repart sur le port et voit un yacht qu’il a fabriqué à la grande époque. Il demande à monter dedans, le propriétaire en est ravi et, très fier, propose à Georges de faire un petit tour : “c’est la moindre chose que je puisse faire pour le fabricant de ce chef-d’oeuvre”, dit-il. En mer, Georges se laisse aller : “Ce volant, c’est Claude qui l’a fait”. L’homme répond : “Ah ! Vous lui direz bravo pour moi”. Georges : “Il est mort”. L’homme : “Comme quoi on peut être un super ouvrier et un pauvre type !”. Oui, c’est à peu près incompréhensible comme phrase.

Alors, Georges, là, il devient VÉNÈRE. Dire que Claude est un pauvre type, c’est TOO MUCH. Il prend un couteau posé là à côté d’un poisson (?) derrière le poste de pilotage et plante le mec. Et blam, bain de sang. Tout simplement. À ce moment, je me suis dit : “bon, ok, il est en train de rêver”. Mais pas du tout. Méthodiquement, façon Dexter, il jette le corps à l’eau, allume une clope et conduit SON bateau pendant environ 2 minutes et là, contre toute attente (mais avec soulagement) : FIN.

J’étais tellement surpris par ce grandiloquent final inattendu que je me suis précipité sur le dossier de presse de ce grand film social présenté comme une “comédie dramatique” (la partie comédie m’a particulièrement échappé). Et on peut lire que le réalisateur avait une toute autre conception du dernier plan : “[le plan qu’on avait prévu n’a pas pu être tourné, car] il y avait trop de vent et qu’on ne pouvait installer la grue. On a donc improvisé ce qui est devenu le dernier plan du film : Daniel qui fume en conduisant son bateau sur fond de crépuscule”. Mais voilà ! C’est pour ça que c’est bidon : c’est pas le bon dernier plan !

Ma note :

Économise un ciné : Forces spéciales

Aujourd’hui, ami lecteur, ma bienveillance légendaire n’aura qu’un but : te faire économiser 10 euros (ou du temps si tu as une carte illimitée) au cas où l’idée saugrenue d’aller voir Forces spéciales te traverse l’esprit. Et ce serait une véritable erreur.

Forces spéciales, c’est un film de cinéma français avec Diane Kruger, Djimon Hounsou, Benoît Magimel, le clone de Zach Galifianakis sous Lexomil (Denis Ménochet) et Marius. C’est comme ça qu’il est crédité dans le générique et déjà quand on voit ça, on a peur. Mais ce qui fait encore plus peur, c’est l’affiche du film. Attention : ferme les yeux.

Force

En fait, je m’aperçois que tout le film y est résumé : l’intégralité du pitch, le mauvais jeu des acteurs et le kitsch de la réalisation.

Diane Kruger (Elsa dans le film) est une journaliste indépendante qui se bat farouchement contre la présence de militaires français en Afghanistan. Alors qu’elle interviewe une jeune femme du pays qui se bat pour son indépendance, celle-ci se fait prendre par Zaïef, un chef taliban. Diane décide alors de s’organiser un rendez-vous avec Zaïef pour sauver sa cops. Mais, elle s’y prend comme un manche et finalement se fait kidnapper avec son traducteur. Le chauffeur est abattu sur place par manque de budget pour payer son rôle. Les talibans envoient une vidéo de la journaliste au gouvernement français qui décide ni une ni deux d’envoyer une équipe de FORCES SPÉCIALES (d’où le titre) sur place.

Ce scénario – riche – est servi par une mise en scène nerveuse et des acteurs au top de leur forme. Ou plus concrètement, le film est réalisé par un épileptique parkinsonien qui ne fait pas de plan de plus de 5 secondes (autant dire que dans les scènes dans les bureaux de l’Élysée, c’est juste exaspérant) et joué par une ribambelle de comédiens plus mauvais les uns que les autres.

Résumé du film en cheat mode “munition illimitée”

Premier jour – Ils retrouvent Diane Kruger en moins de dix minutes tout en massacrant copieusement des talibans par centaines. Et là, le spectateur se dit que le film va être étonnamment court. Mais – pas de chance – pendant l’opération, ils perdent à la fois la radio, les émetteurs, le téléphone satellite et leurs talkies-walkies. Les voilà contraints de s’exiler dans la montagne pour traverser une frontière à plus de 5000 mètres d’altitude afin de rejoindre je sais plus trop quel autre pays (le Pakistan). Une marche forcée de dix jours rythmée par des panneaux façon changement de round dans un match de boxe de seconde division. Et même pas présentés par une meuf à poil. D’la merde.

Second jour – Ils marchent et attaquent les talibans qui les poursuivent et qui débarquent par groupe de 10 armés jusqu’aux dents et meurent les uns après les autres sous les balles FRANÇAISES. Au bout d’une dizaine de minutes de fête foraine à voir les méchants tomber comme des mouches (on ne compte pas les morts mais ils sont nombreux, de quoi battre un record de pile humaine dans le Guinness), les talibans battent en retraite. L’équipe de FORCES SPÉCIALES continue alors sa mission.

Troisième jour – Ils cherchent un abri (il faut croire que jusque-là, ça n’avait pas eu d’intérêt flagrant). Elsa trouve un village afghan et demande l’hospitalité à ces gens (grâce à l’interprète, mais tout le monde félicite Elsa). Là, bien sûr, CONTRASTE : ces afghans-là, ce sont DES GENTILS. Moment d’émotion quand on leur demande : “Mais où qu’ils sont les enfants ?”. Réponse : “Les talibans les ont pris pour leur laver le cerveau”. On pleure.

Quatrième jour – C’est le départ du village avec des adieux déchirants quand au bout de 100 mètres, l’interprète décide de rester sur place pour combattre auprès des villageois que la milice talibane toujours à la poursuite d’Elsa s’apprête à envahir. Elsa, elle, décide de rester pour l’aider aussi. Alors qu’elle n’a pas d’arme, la gourdasse. Ça n’arrange pas trop le reste des FORCES SPÉCIALES. Mais, beaux joueurs, les militaires venus pour la récupérer décident de les aider. C’est alors la GROSSE BATAILLE dans le village. À nouveau, le nombre de morts dépasse la population du Qatar. Une fois le gros des troupes talibanes décimé, Elias (le sniper d’élite de ces FORCES SPÉCIALES) se sacrifie et consent à rester sur place pour retarder les poursuivants. Les autres FORCES SPÉCIALES partent alors sur le chemin rocailleux vers le Pakistan avec Elsa (l’interprète est mort pendant les combats) tandis qu’Elias se fait courser par une horde de talibans qui continuent de tirer n’importe où. S’ils avaient piloté les avions du 11 septembre, les tours seraient encore debout. On remonte en altitude rejoindre le groupe qui décide de trouver à nouveau un abri pour la nuit parce qu’il neige, que l’un d’eux est blessé et qu’Elsa est fatiguée. Pendant ce temps, Elias est toujours poursuivi par des talibans une centaine de mètres plus bas.

Cinquième jour – Alors qu’une belle journée se lève et que nos amis des FORCES SPÉCIALES viennent de perdre un nouveau membre de l’équipe (le blessé de la veille qui n’a pas survécu), on revient sur Elias… qui est toujours en train de courir avec une cinquantaine de barbus derrière lui. La nuit a dû être longue. Finalement, il meurt. Et crie. Et remeurt.

Du sixième au dixième jour – Interminable épisode où on les voit marcher dans la neige. Exaspéré, le chef de l’équipe des Forces spéciales échaudé par le clone de Galifianakis qui n’arrête pas de gueuler après la journaliste (“Vous, euh, les journalistes, vous dites du mal de nous les militaires, mais c’est nous qu’on vient vous chercher quand vous êtes capturés par les talibans alors, vos mouilles”) finit par lui annoncer une nouvelle qu’on sait depuis le début : sa femme est enceinte. À partir de ce moment-là, on se dit que ses jours sont comptés et on n’a pas tort parce que dès qu’il apprend l’heureux événement, il meurt sous la balle d’un salopard de taliban. Le salaud.

Onzième jour – Ils ne sont plus que trois : la journaliste Elsa, le chef d’équipe et Benoît Magimel (qui est tombé amoureux en chemin d’Elsa). Enfin, ils traversent la frontière ! Mais épuisés et à bout de forces, ils n’arrivent pas à éviter… une chute de pierres. Bilan lourd : le chef d’équipe se retrouve avec une fracture ouverte du tibia. COMME PAR HASARD. Magimel (qui a déjà une balle dans la hanche) ne peut plus avancer. Elsa compte bien rester près d’eux, mais le chef lui explique la situation : “Faut que tu rentres Elsa sinon tout ça n’aura aucun sens”. PARCE QUE ÇA EN AVAIT UN JUSQU’ICI ? se dit le spectateur au fond de son siège désespéré par les séquences grotesques qui s’enchaînent. Elsa pleure, refuse, nie, négocie et finalement accepte. Elle roule une grosse pelle à Magimel (elle est amoureuse) et fait ses adieux façon Magicien d’Oz : “C’est toi l’épouvantail qui me manquera le plus”. Et elle part et marche dans le désert des heures.

Douzième jour – Elsa Kruger continue d’avancer péniblement. Finalement, elle tombe par terre, morte d’épuisement. À ce moment-là, ALORS QU’ELLE EST EN PLEIN DÉSERT (on le sait parce qu’on a vu un plan d’hélicoptère qui tourne autour d’elle – le réalisateur est super friand de ces plans, il en colle dès qu’ils sont en haut d’un rocher ou au milieu d’une route, c’est désagréable au possible), un camion de l’ARMÉE FRANÇAISE arrive. Toujours là où on ne l’attend pas, la grande muette ! Et Elsa est sauvée.

Sauf que bien sûr, arrivée sur le camp, elle demande expressément aux militaires de partir à la recherche de ses deux compères d’infortune. Autant dire chercher une aiguille dans une botte de foin de plusieurs dizaines de kilomètres. Et elle repart en hélico avec l’amiral qui a dirigé toute l’opération depuis le porte-avions Charles de Gaulle. L’hélico tourne, tourne, tourne quand SOUDAIN Elsa crie : “ILS SONT LÀ” en pointant du doigt un bout de caillou où les deux hommes sont toujours vivants.

Le film s’achève sur un carton qui remercie “John, Michel, Alban et Martin ainsi que tous les militaires qui nous protègent à travers la planète” et un second carton qui remercie “également les reporters qui partent au bout du monde pour nous informer”.

Dans le premier épisode de la série Freaks and Geeks, l’un des lycéens est handicapé mental, mais quand on lui dit qu’il est débile, il s’énerve et crie : “JE SUIS PAS DÉBILE, JE SUIS SPÉCIAL”. Ce film, c’est la même chose.

Special

Ma note :

Sego

Une Grande erreur du marketing corrigée

Le 2 juillet 2009 dernier, j’évoquais dans ma série (un peu à l’abandon en ce moment, on va pas se mentir) “Les Grandes erreurs du marketing” le cas “Anecoop” qui proposait “la pastèque sans pépins” avec un astérisque “Peut contenir éventuellement quelques pépins”. Fort de ma remarque, la société a élaboré une toute nouvelle race de pastèques mutantes (et sûrement tueuses, je n’ai pas tous les détails) qui n’aurait — cette fois-ci — pas de pépins. Comme le prouve la nouvelle campagne de pub dans le métro :

Plus de pépin

Miracle ! Plus d’astérisque ni de renvoi ! Voici enfin les VÉRITABLES pastèques sans pépins. La science vient de faire un GRAND pas. Reste une question inhérente : comment la pastèque se reproduit-elle si elle ne produit plus de graine ? Ou alors, c’est une pastèque mixée avec de l’ADN de pêche, comme ça, elle n’a plus un pépin; mais un noyau ? J’en sais rien. J’avoue que je ne sais pas si je dois vraiment me féliciter de mon impact dans le sens où par ma faute, on a sûrement pratiqué des manipulations génétiques pas très orthodoxes. Ma conscience s’en remettra, mais survivrons-nous à l’invasion de ces pastèques new age ?